Dans ce "Focus", la banque centrale estime que l'inflation mesurée par l'indice IPCH, qui était de 1,2% en décembre en France et de 1,6% dans la zone euro, risque de passer sous zéro pendant un ou plusieurs mois à la mi-2009, comme aux Etats-Unis, avant de redevenir positive à partir de l'automne.

"Une fois absorbé le choc de la baisse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires, qui pourra conduire à des taux d'inflation ponctuellement négatifs au milieu de l'année 2009, le glissement des prix devrait redevenir positif à partir de l'automne prochain, lorsque les effets de base sur les prix des produits énergétiques auront disparu et que les actions des banques centrales et des États pour stabiliser le système financier et relancer l'activité auront porté pleinement leurs fruits," lit-on dans l'étude.

L'inflation en rythme annuel reviendrait ainsi au-dessus de 1,5% à la fin de l'année 2009. Les projections pour 2010 pour la France et la zone euro se situent aujourd'hui à +1,4% et +1,8%%, soit un niveau très voisin de la définition de la stabilité des prix de la Banque centrale européenne ("en deçà mais proche de 2%"), ajoute la BdF.

La désinflation, positive en ce qu'elle procure du pouvoir d'achat des ménages, provient d'une part de la baisse des prix du pétrole et des matières premières "dont il est peu probable qu'ils repartent très rapidement à la hausse," et d'autre part de la dégradation de l'activité économique "beaucoup plus accentuée et rapide qu'on ne le pensait," relève-t-elle.

La Banque de France avait annoncé le 16 janvier prévoir une croissance française limitée à +0,7% en 2008, avec une contraction de 1,1% sur le seul quatrième trimestre. Les premiers résultats des comptes nationaux seront publiés par l'Insee le 13 février.

Mais, selon la banque centrale, "plusieurs mois d'inflation négative ne suffisent pas à produire une déflation" qui, contrairement à la désinflation, est "dangereuse pour l'économie car elle déclenche des spirales qui peuvent provoquer ou accentuer une récession et dont il est très difficile de sortir."

"OBSTACLES PUISSANTS" À LA DÉFLATION

Pour la BdF, il existe "plusieurs freins et obstacles puissants" à l'apparition d'un processus continu et auto-entretenu de baisse du niveau général des prix.

En substance, la dynamique des prix et des salaires reste très positive, les mesures de soutien à l'économie et au secteur financier réduisent la probabilité d'un choc négatif sur les prix et, surtout, les anticipations d'inflation "restent fortement positives".

S'agissant de la dynamique des salaires, la BdF rappelle la part relativement faible des mécanismes d'indexation automatique dans la zone euro. "En période de désinflation, la 'rigidité' des salaires nominaux agit comme un stabilisateur puissant contre le risque déflationniste," remarque-t-elle.

Ainsi, les rémunérations en France, déterminantes dans l'évolution des prix de nombreux produits et services, devraient encore augmenter de plus de 2% après une hausse significative de 2,7% en 2008.

Quant aux actions "massives et rapides" des banques centrales et gouvernements pour stabiliser le système financier et stimuler la demande, elles ont "limité considérablement le risque d'enchaînements incontrôlables", ajoute la BdF.

Elle note enfin que les "anticipations d'inflation restent fortement positives".

"La déflation n'est pas possible si les ménages et les entreprises continuent d'anticiper une hausse des prix. C'est, sans ambiguïté, le cas aujourd'hui," affirme-t-elle.

"Tant les enquêtes auprès des entreprises que les mesures tirées des taux de marché et les prévisions des experts interrogés par la Banque centrale européenne font apparaître des anticipations d'inflation dans cinq ans qui restent ancrées autour de 2% pour la zone euro dans son ensemble."

Elle ajoute que la définition chiffrée de l'objectif de la BCE en matière de stabilité des prix "contribue fortement à ancrer les anticipations".

L'étude de la BdF fait écho à Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, qui a affirmé mercredi devant le Parlement européen qu'il n'y avait pour l'heure "aucune menace de déflation" dans la zone euro.

Véronique Tison, édité par Gilles Trequesser