* Ceux de l'APP augmenteront temporairement ensuite

* Les achats globaux vont néanmoins diminuer

* Prévision en hausse pour l'inflation 2022, en baisse pour le PIB (Avec sources sur les débats au Conseil, clôture des marchés européens)

par Balazs Koranyi et Francesco Canepa

FRANCFORT, 16 décembre (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a franchi jeudi une nouvelle étape vers l'arrêt de ses soutiens exceptionnels à la zone euro mais elle a promis de maintenir des taux bas en 2022 et n'a pas exclu de relancer si nécessaire certains dispositifs d'urgence.

L'économie de la zone euro ayant retrouvé son niveau d'avant la pandémie de COVID-19, la pression monte sur la BCE pour emboîter le pas aux banques centrales qui ont commencé à refermer très partiellement le robinet du crédit, à commencer par la Réserve fédérale américaine et la Banque d'Angleterre.

Mais ses dirigeants craignent qu'un resserrement trop rapide ne fasse rechuter l'inflation loin de l'objectif qu'elle s'est fixé, d'autant que l'émergence du variant Omicron du coronavirus risque de freiner l'activité.

La BCE a donc décidé de mettre fin en mars aux achats d'obligations sur les marchés dans le cadre du Plan d'urgence face la pandémie (PEPP) lancé en mars 2020 mais elle doublera temporairement les achats du dispositif APP, plus ancien, afin d'assurer une transition en douceur.

"Nous devons maintenir de la flexibilité et de l'optionalité dans la conduite de la politique monétaire", a justifié sa présidente, Christine Lagarde, lors d'une conférence de presse. "La propagation de nouveaux variants du coronavirus génère de l'incertitude."

Elle a rappelé que les perturbations des chaînes d'approvisionnement observées depuis plusieurs mois constituaient déjà un handicap pour la reprise mais ajouté qu'ils devrait s'atténuer en 2022.

Les décisions annoncées jeudi ont été soutenues par une "très large" majorité des membres du Conseil des gouverneurs mais les gouverneurs des banques centrales allemande, autrichienne et belge ont exprimé leur opposition, jugeant que la BCE s'engageait pour une période trop longue à réinvestir ses liquidités, ont expliqué plusieurs sources proches des débats à Reuters.

Plusieurs participants ont aussi exprimé leurs doutes sur les prévisions d'inflation de la BCE, qui pourraient selon eux sous-estimer le risque d'un maintien de la hausse des prix à plus de 2% par an.

Selon les nouvelles prévisions, la hausse des prix dans la zone euro devrait dépasser 2% cette année et l'an prochain avant de retomber à 1,8% en 2023 comme en 2024.

"UN PEU POUR TOUT LE MONDE"

Sur cette base, la banque centrale prévoit de poursuivre dans les prochains mois la réduction des achats effectués dans le cadre PEPP, lancé en mars 2020 et doté de 1.850 milliards d'euros, pour les arrêter totalement fin mars.

Mais les achats de l'APP augmenteront afin d'assurer le maintien de la présence de la BCE sur le marché du crédit: ils doubleront à 40 milliards d'euros par mois au deuxième trimestre, puis reviendront à 30 milliards au troisième.

À partir d'octobre, ces achats seront maintenus à 20 milliards par mois "aussi longtemps que nécessaire" pour renforcer le caractère accommodant des taux directeurs, précise la BCE.

Christine Lagarde a précisé qu'un relèvement des taux en 2022 était "très improbable", sans pour autant l'exclure totalement.

L'euro s'appréciait de 0,37% face au dollar en fin de journée en Europe à 1,1327 tandis que sur le marché obligataire, le rendement du Bund allemand à dix ans était revenu à -0,34% après un pic à -0,309% pendant la conférence de presse de Christine Lagarde.

Les annonces de jeudi semblent traduire un compromis entre les "faucons", principalement originaires du nord de l'Europe, et les "colombes" du Conseil, expliquent certains observateurs.

"Il y en a un peu pour tout le monde", résume Carstern Brzeski, économiste d'ING. "L'augmentation limitée dans le temps de l'APP est clairement une victoire pour les faucons alors que l'absence de date de fin des achats de l'APP doit être perçu comme une victoire pour les colombes."

La BCE prévoit que les liquidités issues de l'arrivée à échéance des titres détenus dans le cadre du PEPP seront réinvestis jusqu'à la fin 2024, soit un an de plus que prévu initialement, et de manière souple.

Cela pourrait notamment conduire la BCE à acheter des obligations d'Etat grecques afin d'éviter des tensions sur les taux de la dette publique d'Athènes.

Le "recalibrage" annoncé jeudi aboutira certes à ramener les achats de titres de la BCE nettement en dessous de leur niveau actuel mais leur réduction sera atténuée par le fait que les émissions de dette des Etats membres de la zone euro vont elles aussi diminuer. La banque centrale devrait ainsi continuer d'acheter la majeure partie des nouveaux titres émis.

Le Conseil des gouverneurs a par ailleurs maintenu ses indications sur la probable orientation future de la politique monétaire (la "forward guidance"), alors que certains observateurs s'attendaient à ce qu'il les modifie.

(Reportage Balasz Koranyi et Francesco Canepa, version française Marc Angrand, édité par Sophie Louet)