Francfort (awp/afp) - La Banque centrale européenne (BCE) devrait laisser ses taux d'intérêt inchangés jeudi, en attendant des chiffres rassurants sur l'inflation qui ouvriraient la porte à une nouvelle baisse en septembre.

Le taux de dépôt, qui fait référence, serait ainsi maintenu à 3,75%, après la baisse décidée lors de la précédente réunion de juin, une première en cinq ans.

Avec cette réduction d'un petit quart de point, la BCE avait voulu envoyé un signal, celui de la fin du cycle de resserrement monétaire entamé juillet 2022 pour lutter contre une inflation qui a culminé à 10,6% en octobre 2022.

Mais les gardiens de l'euro avaient prévenu que la suite serait incertaine en raison de la volatilité de l'inflation, évoquant le chemin "cahoteux" de la courbe des prix.

Les déclarations de la présidente de la BCE, Christine Lagarde jeudi, seront donc scrutées concernant l'évolution de l'économie et de l'inflation.

Dans un contexte géopolitique restant tendu et de flou politique en France, "l'objectif principal, voire unique" de la réunion de politique monétaire sera de "démarrer en douceur la période des vacances et d'éviter d'envoyer les marchés sur une route estivale semée d'embûches", avance Carsten Brzeski, chez ING.

Les investisseurs ont été rassurés par la récente intervention du président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, qui s'est montré encouragé par le ralentissement de l'inflation en juin, renforçant les attentes d'une baisse des taux américains dès septembre.

La BCE devrait quant à elle éviter de donner dès juillet des indications précises sur les décisions ultérieures de politique monétaire, croient les analystes.

L'institution "semble confiante dans le fait que l'inflation reviendra à son objectif (de 2%) avant la fin 2025", selon Mark Wall, économiste chez Deutsche Bank.

Mais elle a "besoin d'être davantage convaincue que l'inflation et la croissance des salaires sont en train de s'inverser avant de réduire à nouveau les taux".

Prix des services

Il n'y aura donc pas jeudi d'"annonce à l'avance d'une baisse en septembre" mais le message réitéré que les prochaines décisions "vont dépendre des données", selon Felix Schmidt, chez Berenberg.

Depuis la réunion de juin, les indicateurs pointent une croissance plus faible et une inflation de nouveau en recul, à 2,5% en juin sur un an, après le rebond à 2,6% en mai.

L'inflation corrigée des prix volatils de l'énergie et de l'alimentation est cependant restée stable à 2,9%.

Les prix des services, où la composante salaires est forte, inquiètent par leur vigueur (+4,1% sur un an en juin), représentant désormais la plus grande contribution à l'inflation.

L'ensemble de ces données fait cependant pencher la balance "en faveur d'une réduction (des taux) en septembre, lorsque la BCE présentera de nouvelles estimations de croissance et d'inflation", selon Felix Schmidt.

Focus France

Mme Lagarde doit se préparer à un tir nourri de questions sur la France où les différents camps politiques peinent à s'entendre sur une coalition après des élections législatives.

La France doit rapidement agir sur sa "trajectoire budgétaire" si "elle veut "récréer des marges de manoeuvre", a prévenu mardi le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas.

Le flou politique dans l'Hexagone pourrait créer des tensions sur les taux d'emprunt de la dette française, mettant la BCE sous pression pour intervenir.

Le calme règne encore sur le marché obligataire: le taux d'intérêt de l'emprunt français à 10 ans, à 3,10%, évolue cette semaine à son niveau précédant l'annonce début juin de la dissolution de l'Assemblée nationale.

Mme Lagarde, d'une extrême réserve sur ce sujet, devrait répéter que la BCE est "attentive à tout moment à ce qui se passe sur les marchés" et que "les Etats membres de la zone euro ont convenu d'un cadre budgétaire avec lequel ils sont censés se conformer", selon Deutsche Bank.

La banque centrale peut contrer une flambée des taux d'emprunt souverains via des rachats illimités de dette, mais ils sont conçus "pour les pays qui subissent une attaque injustifiée du marché, et non pour les pays qui prennent une mauvaise direction budgétaire", rappelle M. Schmidt.

afp/ck