* La fin des achats reste prévue au 3e trimestre

* La hausse des taux prévue "quelque temps" après

* Toujours pas plus de précision sur le calendrier

* Lagarde souligne l'importance de la flexibilité

par Balazs Koranyi et Francesco Canepa

FRANCFORT, 14 avril (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a confirmé jeudi son intention de mettre fin au troisième trimestre à ses achats d'obligations sur les marchés mais elle n'a donné aucune indication nouvelle sur le calendrier du resserrement de sa politique monétaire, soulignant les incertitudes liées à la guerre en Ukraine.

L'absence de toute précision par rapport aux indications données en mars a fait baisser les rendements des emprunts d'Etat de la zone euro et la monnaie unique, les investisseurs revoyant à la baisse la probabilité estimée d'une remontée rapide des taux d'intérêt d'ici la fin de l'année.

"Nous conserverons nos options, notre approche progressive et notre flexibilité dans la conduite de la politique monétaire", a déclaré la présidente de la BCE, Christine Lagarde, lors d'une conférence de presse tenue en ligne.

Elle s'exprimait depuis son domicile car elle n'est pas encore complètement remise du COVID-19.

Elle a expliqué que l'arrêt des achats d'obligations pouvait intervenir à tout moment entre le début et la fin du troisième trimestre et que le moment auquel la BCE commencerait à relever les taux n'était pas fixé, ajoutant que le délai entre la fin des achats et la première hausse de taux pourrait aller "d'une semaine à plusieurs mois".

"Nous nous occuperons des taux d'intérêt quand le moment sera venu", a-t-elle insisté.

La BCE reste l'une des banques centrales les plus prudentes du monde puisque plusieurs d'entre elles, dont la Réserve fédérale (Fed) américaine et la Banque d'Angleterre, ont déjà entamé la remontée des taux pour tenter de juguler l'envolée des prix.

Ces deux derniers jours, la Banque du Canada, la Banque de réserve de Nouvelle-Zélande et la banque centrale sud-coréenne ont relevé leur principal taux directeur, d'un demi-point de pourcentage dans le cas des deux premières et d'un quart pour la troisième.

La Fed américaine, elle, pourrait encore relever ses taux à huit reprises au moins au cours des deux prochaines années selon ses propres prévisions.

LA GUERRE EN UKRAINE COMPLIQUE LA TÂCHE DE LA BCE

Christine Lagarde a souligné que les 19 pays de la zone euro étaient particulièrement exposés aux retombées du conflit en Ukraine et que celui-ci avait déjà sapé la confiance et accru les tensions dans des chaînes d'approvisionnement déjà éprouvées par la pandémie.

Après ces déclarations, les marchés monétaires n'intégraient plus qu'une hausse d'environ 60 points de base d'ici la fin de l'année du taux de dépôt de la BCE (actuellement fixé à -0,5%), contre 70 points en début de journée.

"La récession en Europe est déjà notre scénario de base mais son ampleur et sa durée dépendront de la nature des nouvelles sanctions contre la Russie", a commenté Anna Stupnytska, économiste de Fidelity International, ajoutant que "la priorité de la BCE va probablement passer de l'inflation élevée aux efforts pour tenter de limiter les tensions économiques et financières" liées à la guerre en Ukraine.

La BCE a racheté pour près de 5.000 milliards d'euros de dette publique et privée depuis 2014 dans le cadre de sa stratégie d'"assouplissement quantitatif" visant à soutenir le crédit mais aussi à relancer l'inflation, qui a très longtemps été inférieure à son objectif de 2% par an.

Mais la donne a changé ces derniers mois puisque l'envolée des prix de l'énergie et de nombreuses matières premières a porté l'inflation dans la zone euro à 7,5%, un niveau sans précédent dans l'histoire de la monnaie unique.

La BCE a mis du temps à admettre que cette poussée inflationniste n'était pas simplement temporaire mais elle doit désormais répondre aux craintes d'un ancrage prolongé de l'inflation, exprimées y compris par certains membres du Conseil.

Le taux d'inflation "à cinq ans dans cinq ans", baromètre très surveillé des anticipations des investisseurs en matière d'évolution des prix à long terme, dépasse désormais nettement l'objectif de 2% de la BCE, ce qui traduit des doutes sur la crédibilité et l'efficacité de sa stratégie.

Sur les marchés, le rendement du Bund allemand à dix ans est revenu à 0,751% après la publication du communiqué de la BCE mais il repartait à la hausse en milieu d'après-midi, à 0,819%.

Sur le marché des changes, l'euro creusait au contraire ses pertes face au dollar à 1,0766 (-1,09%) tandis que l'indice boursier EuroStoxx 50 gagnait 0,55%.

(Reportage Balazs Koranyi et Francesco Canepa, rédigé par Marc Jones, version française Marc Angrand, édité par Jean-Michel Bélot et Bertrand Boucey)