L'inflation est inférieure depuis près de trois ans à l'objectif que s'est fixé la BCE (un peu moins de 2% en rythme annuel) et il semble qu'il faudra encore des années pour que les mesures pourtant radicales qu'elle a mises en oeuvre, dont un programme de 1.500 milliards d'euros d'achats de titres sur les marchés, ramènent l'évolution des prix vers ce seuil, au risque de saper la crédibilité de l'institution.

Les opposants à l'assouplissement de la politique monétaire espéraient une remontée de l'inflation de base, une mesure qui exclut les éléments volatils que sont l'énergie et les produits alimentaires, en arguant du fait que la faible hausse des prix résultait avant tout de la chute des cours du pétrole.

Mais ce raisonnement se trouve aujourd'hui pris en défaut car l'inflation de base a commencé à diminuer, signe que la baisse des prix de l'énergie se diffuse rapidement aux prix des biens et services.

L'inflation globale, référence de la BCE, est restée stable en décembre à 0,2% sur un an, un taux inférieur à la progression de 0,3% attendue en moyenne par les économistes interrogés par Reuters. L'inflation de base, suivie de près par les "faucons" de la BCE, notamment au sein de la Bundesbank allemande, a quant à elle ralenti à 0,8% après 0,9% en novembre et 1% en octobre.

"Les chiffres d'aujourd'hui semblent indiquer que l'inflation pourrait ne pas connaître la remontée que la BCE prévoyait le mois dernier", a commenté Kenneth Broux, responsable de la recherche changes et taux à la Société générale.

"Cela donne au marché une raison de croire, et c'est bien ce que nous prévoyons, que la BCE devra faire davantage, peut-être dès mars, en abaissant encore le taux de dépôt et en augmentant encore le programme d'assouplissement quantitatif."

D'AUTRES INDICATEURS ÉCONOMIQUES SONT PLUS POSITIFS

Le mois dernier, la BCE a abaissé de nouveau son taux de dépôt, déjà négatif, pour le ramener à -0,3%, et elle a prolongé de six mois son programme d'achats d'actifs sur les marchés, au rythme de 60 milliards d'euros mensuels.

Le président de la BCE, Mario Draghi, a expliqué que la faiblesse de l'inflation de base était préoccupante car elle constituait un indicateur fiable du niveau auquel l'inflation globale est appelée à se stabiliser à moyen terme.

"La BCE devra probablement abandonner prochainement tout espoir d'une amélioration de la tendance de l'inflation sous-jacente cette année. L'amplification de l'assouplissement monétaire va donc rester à l'ordre du jour", écrit Commerzbank.

Un nouvel assouplissement ne semble toutefois pas imminent, faute d'arguments, car la croissance, le crédit et l'emploi, eux, montrent des signes d'amélioration. L'une des "colombes" de la BCE, son vice-président Vitor Constancio, s'est d'ailleurs déclaré la semaine dernière partisan d'une stabilité de la politique monétaire "à l'horizon de la prévision".

La croissance du crédit aux ménages, un baromètre de l'évolution future de la croissance, a atteint en novembre son plus haut niveau depuis la fin 2011 et celle du crédit aux entreprises est au plus haut depuis début 2012.

Parallèlement, l'indice des directeurs d'achats (PMI) du secteur manufacturier de la zone euro a atteint en décembre un plus haut de 20 mois à 53,2 et le chômage en Allemagne, première économie de la région, est resté stable au plus bas depuis la réunification de 1990

"La BCE ne va pas apprécier ces chiffres de l'inflation", juge Nordea. "Rien ne prédit une remontée significative de l'inflation de base. La réunion (de politique monétaire) de janvier sera probablement attentiste mais celle de mars pourrait être plus intéressante."

La BCE tiendra le 21 janvier sa première réunion de politique monétaire de 2016.

(Jan Strupczewski; Bertrand Boucey pour le service français, édité par Véronique Tison)

par Jan Strupczewski et Balazs Koranyi