par Kirsten Donovan et Paul Taylor

Le rendement du Bund à dix ans, référence pour le marché obligataire de toute la zone euro, a atteint 3% pour la première fois depuis sept mois, en partie en réaction à la baisse des emprunts d'Etat américains mais aussi en raison des craintes suscitées par les divisions qui minent l'Union européenne.

L'Allemagne et la France pressent leurs partenaires de valider, lors du sommet européen des 16 et 17 décembre, une modification des traités qui permettrait aux Etats de la zone euro affaiblis par le poids de leur dette souveraine de se déclarer en défaut et impliquerait, au cas par cas, de faire porter une partie des pertes par les créanciers obligataires du secteur privé.

Mais les ministres des Finances de la zone euro n'ont convenu cette semaine d'aucune nouvelle mesure face à la crise, alimentant une nouvelle fois les doutes des marchés sur la capacité de l'union monétaire à empêcher sa propagation.

Le rendement du Bund à 10 ans était de 2,4% au début novembre et, parallèlement à sa hausse, les coûts d'emprunt ont flambé pour les pays de la zone euro les plus exposés au risque de défaut - Grèce, Irlande, Portugal, Espagne et Italie.

"En l'absence de pressions inflationnistes, cette hausse (du rendement du Bund) est entièrement due aux incertitudes concernant l'exposition de l'Allemagne au sauvetage de la zone euro et concernant la taille des transferts budgétaires nécessaires", note le site financier Eurointelligence.

L'Allemagne a adjugé mercredi quatre milliards d'euros d'obligations à deux ans mais la demande a été inférieure à l'offre, avec un ratio de couverture de 1,1 contre 1,4 lors d'une adjudication similaire en novembre.

Le taux de rendement moyen est ressorti à 0,92% contre 0,98% le mois dernier.

"A l'évidence, les marchés obligataires souffrent d'une grande volatilité alors que la liquidité est faible actuellement", a commenté Peter Chatwell, du Crédit agricole à Londres.

POSITION "SIMPLISTE"

Deux pays de la zone euro, Grèce et Irlande, ont déjà eu recours à une aide financière internationale dont l'octroi a été conditionné à l'adoption de mesures d'austérité très strictes.

De nombreux analystes s'attendent à ce que le Portugal sollicite à son tour une aide et certains évoquent même un sauvetage de l'Espagne, même si les gouvernements de ces deux pays réfutent cette hypothèse.

La Commission européenne a salué mercredi l'adoption, la veille, du budget irlandais pour 2011 qui ouvre la voie au versement des premières tranches de l'aide à Dublin.

Mais le Fonds monétaire international avait critiqué mardi la lenteur de la réaction européenne et appelé de ses voeux une solution globale face au risque de propagation de la crise.

La chancelière allemande Angela Merkel rejette les deux propositions les plus fréquemment évoquées: un accroissement de la taille du filet de sécurité européen ou l'émission de titres de dette européens pour réduire les coûts d'emprunt des Etats les plus vulnérables.

Berlin, outre son opposition à l'idée de ces "E-Bonds", souligne que des obstacles économiques et juridiques empêchent leur création, qui nécessiterait de modifier les traités européens.

Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, accuse de son côté l'Allemagne d'avoir rejeté cette suggestion - qu'il a formulée avec le ministre italien de l'Economie Giulio Tremonti - sans même l'avoir vraiment examinée.

"La proposition est rejetée avant d'avoir été étudiée. La pensée allemande sur le sujet est un peu simpliste", a-t-il déploré dans les colonnes du quotidien Die Zeit mercredi, ajoutant qu'il ne s'agissait pas de créer une dette à taux unique pour toute la zone euro.

A ces critiques, le porte-parole du gouvernement allemand a rétorqué: "De manière générale, cela ne profite à personne en Europe lorsque les acteurs se qualifient les uns les autres de 'non-européens'."

Plusieurs responsables de la Banque centrale européenne ont fait part de leur intérêt pour ces "E-Bonds" et appelé la zone euro à accroître le montant de ses fonds de secours, tout en exhortant les gouvernements à durcir les règles budgétaires et à adopter des mesures plus draconiennes de résorption des déficits.

Les dettes très lourdes et la compétitivité faible "sapent la confiance des marchés dans la capacité de nombreux pays à honorer leur dette", a prévenu mercredi le Finlandais Erkki Liikanen, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, rappelant que la zone euro restait très fragile.

Grégory Blachier pour le service français, édité par Dominique Rodriguez