C'est ce que montre jeudi une étude de l'Insee selon laquelle, au total, l'économie française a supprimé 521.000 postes dans les secteurs marchands entre début 2008 et fin 2009.

Le quatrième trimestre 2008 et le premier trimestre 2009 ont concentré 295.000 suppressions de postes, soit 57% du total.

"L'emploi a suivi le repli de l'activité économique, mais au regard de la contraction historique de l'activité, son ajustement est resté très partiel", constate l'institut de la statistique dans cette étude, publiée en même que sa note de conjoncture trimestrielle.

Alors que la valeur ajoutée des secteurs marchands a chuté de 5,3% entre le pic d'activité de début 2008 et le point bas de début 2009, l'emploi n'a reculé "que" de 2,5%. Lors de la récession de 1993, l'emploi avait au contraire diminué davantage que la valeur ajoutée (-2,1% contre -1,9%).

"Au regard de la chute de l'activité, la relative résistance de l'emploi en 2008 et en 2009 est ainsi inattendue", note l'Insee. Deuxième motif de surprise: le redémarrage précoce de l'emploi dès le début de la reprise économique au cours des premiers mois de cette année.

RALENTISSEMENT DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ ?

Cette évolution atypique a eu pour conséquence une forte baisse de la productivité apparente par tête. Et les auteurs de l'étude avancent deux explications possibles à cette évolution.

D'une part, les entreprises auraient eu tendance à privilégier la "rétention" de main d'oeuvre, donc à conserver des effectifs qu'elles auraient pu supprimer au vu de la baisse d'activité subie.

Les employeurs auraient ainsi eu davantage recours à l'intérim et profité en interne des possibilités d'ajustement du temps de travail, comme l'annualisation et le chômage partiel. Mais ces mécanismes ne suffisent pas à eux seuls à expliquer le surcroît d'emploi observé pendant la crise.

Deuxième piste suivie : celle d'une inflexion de la tendance historique d'évolution de la productivité.

La crise aurait perturbé la tendance d'évolution des gains de productivité, notamment en freinant l'externalisation ou l'adoption de nouvelles techniques de production, ce qui aurait obligé les entreprises à créer davantage d'emplois pour une valeur ajoutée inchangée.

"La piste est sérieuse parce que ce phénomène de 'résilience' de l'emploi, on l'observe essentiellement dans l'industrie pendant la crise", explique Sandrine Duchêne, chef du département de la Conjoncture de l'Insee. "Et c'est précisément le secteur où ces gains de productivité étaient les plus forts avant la crise."

Les deux phénomènes, rétention de main et rupture de tendance de la productivité, se seraient donc conjugués, conclut l'Insee.

Prudent, l'Insee rappelle que ce diagnostic repose sur une période très courte et des données qui ne sont pas encore définitives, et qu'il demande donc à être confirmé.

Marc Angrand, édité par Yves Clarisse