(Avec déclarations du juge)

par Peroshni Govender

PRETORIA, 22 février (Reuters) - La justice sud-africaine a ordonné vendredi la libération sous caution d'Oscar Pistorius, l'athlète amputé des deux tibias inculpé du meurtre de sa compagne.

La décision annoncée par le juge Desmond Nair a été applaudie par les proches de l'athlète paralympique, lequel est resté imperturbable. Le montant de la caution a été fixé à un million de rands, soit environ 86.000 euros.

Oscar Pistorius a quitté le tribunal à bord d'une voiture aux vitres teintées, suivie par une nuée de reporters à moto.

L'athlète, qui a 26 ans, a ordre d'éviter son domicile, de ne pas rencontrer de témoins, de rendre son passeport et de se présenter deux fois par semaine au commissariat. Il a interdiction de boire de l'alcool et doit rendre toute arme à feu en sa possession.

La prochaine audience de cette affaire qui passionne l'Afrique du Sud et a eu un retentissement mondial a été fixée au 4 juin. Oscar Pistorius risque la prison à vie s'il est reconnu coupable de meurtre avec préméditation.

Sa compagne, Reeva Steenkamp, dont le corps a été découvert dans la salle de bains de leur luxueuse maison de Pretoria, a été touchée à la tête, au bras et à la hanche. Les procureurs s'appuient notamment sur le récit de témoins qui ont dit avoir entendu des cris laissant croire à une dispute.

Pour les avocats, le drame est la conséquence d'une terrible méprise. Oscar Pistorius a raconté à la barre avoir ouvert le feu en pensant avoir affaire à des cambrioleurs, ce qui, en Afrique du Sud, peut conduire à un non-lieu.

"INVRAISEMBLANCES"

Le juge n'a pas paru convaincu par cette version des faits. En rendant sa décision de libération sous caution, il a relevé les "invraisemblances" du témoignage de l'athlète.

"J'ai du mal à comprendre pourquoi l'accusé n'aurait pas cherché à savoir avec certitude qui était dans les toilettes", a dit Desmond Nair. "J'ai aussi du mal à comprendre pourquoi la victime n'aurait pas répondu qu'elle était dans les toilettes."

Relativement élevé, selon les critères de la justice sud-africaine, le montant de la caution n'a pas apaisé la colère des mouvements qui dénoncent les violences faites aux femmes.

La Ligue des femmes du Congrès national africain (ANC, au pouvoir) a dénoncé cette décision. "Nous respecterons la loi mais honnêtement, nous sommes attristés car des femmes ne cessent d'être tuées dans ce pays", a déclaré sa porte-parole, Jacqui Mofokeng.

La Ligue organise des manifestations depuis le début des audiences devant le tribunal de Pretoria, estimant qu'Oscar Pistorius bénéficie d'un traitement préférentiel en raison de sa notoriété et réclamant une peine sévère à son encontre.

Les procureurs, qui accusent l'athlète d'avoir tué sa petite amie de sang-froid durant la nuit de la Saint-Valentin, le 14 février, s'opposaient à une remise en liberté.

"TROP CÉLÈBRE POUR FUIR"

Au final, Desmond Nair a dit avoir pris sa décision "dans l'intérêt de la justice" et du procureur, qui n'a pas réussi à démontrer qu'Oscar Pistorius risquait de prendre la fuite ou qu'il représentait une menace publique.

L'avocat de l'athlète, Barry Roux, a fait valoir que la célébrité d'Oscar Pistorius écartait tout risque de le voir se soustraire aux poursuites judiciaires en fuyant le pays.

La défense d'Oscar Pistorius avait déjà marqué un point jeudi avec le dessaisissement de l'enquêteur principal, lui-même accusé de tentative de meurtre pour avoir tiré en 2011 sur un minibus transportant sept personnes après l'avoir sommé de s'arrêter.

Selon des médias sud-africains, Hilton Botha a été déchargé de l'enquête en attendant le résultat d'une enquête interne. Il n'est pas suspendu de ses fonctions.

La veille, il avait été mis en difficulté par les avocats de la défense, qui l'ont accusé d'avoir "pollué" la scène de crime et l'ont contraint à rectifier certaines de ses déclarations, comme la distance qui séparait des témoins du domicile de l'athlète.

Dans un entretien accordé une semaine avant sa mort et publié vendredi, Reeva Steenkamp évoque sa relation vieille de trois mois avec l'athlète en des termes très amoureux.

"J'adore totalement Oscar. Je le respecte et je l'admire tant", déclare-t-elle au magazine people Heat. "Je ne veux pas que quoi que ce soit entrave sa carrière." (Henri-Pierre André, Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français, édité par Gilles Trequesser)