* L'UE travaille à un plan, le Congrès à une proposition de loi

* Le Drian met en garde l'Iran sur la résolution 2231

* Les activités balistiques au coeur des efforts diplomatiques

par John Irish, Robin Emmott et Arshad Mohammed

BRUXELLES-PARIS-WASHINGTON, 22 janvier (Reuters) - Le chef de la diplomatie française a accusé lundi l'Iran d'enfreindre la résolution 2231 de l'Onu, qui lui limite le développement de missiles balistiques capables de transporter des armes nucléaires, alors que les Européens s'emploient à sauver l'accord de Vienne de l'"aversion" américaine.

Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne et la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, se réunissaient lundi à Bruxelles pour discuter du dossier iranien, notamment.

"Nous aurons l’occasion, au cours de cette réunion, de refaire le point sur ce dossier essentiel, avec la fermeté sur la nécessité de maintenir cet accord", a déclaré Jean-Yves Le Drian à son arrivée.

"Nous aurons aussi l’occasion de dire notre fermeté sur le respect par l’Iran de la résolution 2231 des Nations-Unies qui limite l’accès à la capacité balistique et que l’Iran ne respecte pas", a-t-il ajouté.

Il a réitéré les "préoccupations" et les "interrogations" européennes sur les "tentations de déstabilisation" de l'Iran dans la région, "que ce soit au Yémen, au Liban, ou en Syrie."

Le chef de la diplomatie française, qui avait hérissé les Iraniens en dénonçant en novembre dernier sa "tentation hégémonique", est attendu le 5 mars à Téhéran où il entend poursuivre un dialogue "franc" sur son "influence militaire déstabilisatrice au Moyen-Orient, son soutien financier au Hezbollah libanais et aux milices houthistes au Yémen".

CORRIGER DE "TERRIBLES DÉFAUTS"

La résolution 2231, adoptée en juillet 2015 par le Conseil de sécurité des Nations unies pour entériner l'accord de Vienne sur les activités nucléaires iraniennes, stipule que Téhéran est "tenu de ne pas entreprendre d’activité liée à des missiles balistiques capables de transporter des armes nucléaires" et de s’abstenir de tout tir recourant à la technologie des missiles balistiques pendant une période de huit ans.

Le régime iranien, qui estime que la "2231" ne vise que les engins à capacité nucléaire et que ses missiles ne sont pas conçus en ce sens, a poursuivi ses activités dans ce domaine, avec notamment le développement d'un nouveau missile, Khorramshahr, qui a une portée théorique de 2.000 kilomètres.

L'accord de Vienne sur le nucléaire iranien est en sursis depuis que l'administration américaine menace de s'en retirer.

Donald Trump a maintenu le 12 janvier à contrecoeur, et pour la dernière fois, la levée des sanctions dont bénéficie l'Iran. Il a fixé un ultime délai, de 120 jours, pour permettre aux Etats-Unis et à leurs partenaires européens de corriger les "terribles défauts" dont souffrirait cet accord.

Jean-Yves Le Drian a déploré lundi des "exigences qui ressemblent parfois à des ultimatums".

Le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson était lundi à Londres dans le cadre d'une mini-tournée européenne qui le mènera mardi à Paris.

La France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne réfléchissent à un plan axé sur le volet balistique des activités iraniennes, sans rouvrir l'accord de Vienne, dans l'espoir de fléchir l'administration Trump, partagée entre les partisans d'un enterrement pur et simple du compromis de 2015 et ceux qui souhaitent le préserver bon gré mal gré.

Paris, Berlin et Londres, ainsi que Moscou, excluent de renégocier un accord selon eux "historique" et crucial pour la lutte contre la prolifération.

"Nous sommes prêts à parler de tout, de l'accord nucléaire aux missiles balistiques, mais en sériant les sujets, pas en les mêlant", explique un diplomate européen.

La porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Maria Adebahr, a annoncé que les Européens allaient en parler entre eux. "Il y a beaucoup de choses à discuter", a-t-elle dit.

"SUNSET CLAUSES"

Selon des diplomates européens, Français, Allemands et Britanniques travaillent sur l'hypothèse de sanctions économiques auxquelles s'exposerait Téhéran s'il refusait de réduire son arsenal balistique. Ils pencheraient pour la création d'un groupe de travail de haut niveau avec les Iraniens afin de discuter de la question des missiles.

L'émissaire de l'Iran pour les questions nucléaires, Abbas Araqchi, a mis en garde les Européens.

"Certains (signataires européens de l'accord nucléaire-NDLR) pensent que s'ils font des concessions à Trump sur des dossiers autres que l'accord nucléaire, ils peuvent l'amener à rester dans l'accord nucléaire", a-t-il dit dans les médias iraniens, en jugeant que cette stratégie était vouée à l'échec.

Washington demande que les inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) musclent leurs contrôles et se rendent sur des sites militaires iraniens. L'AIEA - qui, selon des diplomates, n'a toujours pas inspecté d'installations militaires - assure que l'Iran honore ses engagements. Si Washington persistait dans cette requête, il devrait fournir des informations l'étayant, dit-on de sources diplomatiques.

L'autre levier, précisent des diplomates, serait de pousser Téhéran, allié de Bachar al Assad, à appuyer les efforts de paix de l'Onu en Syrie.

En parallèle, le Congrès américain, singulièrement la commission des Affaires étrangères du Sénat, oeuvre à une proposition de loi sur la révision des "sunset clauses" de l'accord de Vienne, qui lèvent progressivement à partir de 2025 les restrictions sur les activités militaires iraniennes.

Aux yeux de Donald Trump, cette clause ne fait que repousser le jour où Téhéran se dotera de l'arme atomique.

"Si la proposition est bien présentée, cela pourrait suffire pour que Trump revendique une victoire diplomatique et signe le texte", déclare un diplomate européen de haut rang. (Avec Andrea Shalal à Berlin Michelle Nichols à New York, François Murphy à Vienne, John Walcott et Patricia Zengere à Washington, Version françaises Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)