par Jean-Baptiste Vey et Crispian Balmer

Des économistes et des personnalités politiques interrogés par Reuters soulignent que son poids économique dans la zone euro protège la France d'une explosion du coût de sa dette dans l'immédiat. Mais ils préviennent que cette situation cessera si la dérive des comptes publics n'est pas rapidement enrayée.

"En théorie, l'effet domino est possible, c'est pourquoi il faut stopper l'hémorragie de la Grèce maintenant", estime Marc Touati, économiste chez Global Equities.

"Il faut agir vite, il faut d'abord confirmer qu'on ne laissera pas la Grèce sortir de la zone euro", ajoute-t-il. Si cette crise n'est pas vite arrêtée, "après c'est l'Espagne, le Portugal, l'Italie et ça pourrait arriver à la France".

Alors que les taux d'emprunt grecs ou portugais ont bondi ces dernières semaines, la France bénéficie toujours de conditions de financement proches de celles offertes à l'Allemagne, la référence en Europe.

"La France est dans une situation difficile mais bien moins compliquée que celle des pays de la périphérie" de la zone euro, explique Jacques Cailloux, chef économiste chez RBS.

"La France est au coeur même de l'Union économique et monétaire ce qui lui donne une place spéciale. Comme l'Allemagne", ajoute-t-il.

Le taux des emprunts français à 10 ans évoluait mercredi aux alentours de 3,5% contre environ 3,2% pour le Bund allemand, soit un écart d'un peu plus de 0,3 point, supérieur à celui des derniers mois mais très inférieur à celui constaté il y a un an.

"SITUATION TRÈS MAUVAISE"

Pour Nick Kounis, chef économiste Europe de Fortis, "dans une certaine mesure, la France gagne un tour de manège gratuit parce qu'elle est la deuxième économie de la zone euro et a tendance à profiter des flux de liquidités et du repli vers les investissements sûrs".

Mais, ajoute-t-il, "les gens devraient être plus préoccupés par la France. D'un simple point de vue d'arithmétique budgétaire, la situation est très mauvaise."

Avec la crise économique, les déficits et la dette française atteignent des sommets jamais foulés depuis au moins un demi-siècle. Le déficit public est prévu à 8,2% du PIB cette année et la dette à 83,2%, soit 20 points de plus qu'en 2007.

A titre de comparaison, le déficit de la Grèce est prévu à 8,7% du PIB cette année et la dette à 120,4%.

"L'état des comptes français est assez inquiétant", estime Joost Beaumont, un autre économiste de Fortis. "C'est peut-être une surprise que les marchés n'en tiennent pas plus compte."

"Si l'on regarde le déficit primaire de la France (déficit hors charge de la dette NDLR), elle n'est pas très loin derrière les pays de la périphérie" qui sont attaqués, ajoute-t-il.

Contredisant le gouvernement, la Cour des comptes a fait état mardi d'une nouvelle hausse du déficit structurel français en 2009, c'est-à-dire hors variation conjoncturelle du PIB.

Elle l'a mis en garde contre une possible dégradation de la note de la dette souveraine de la France dans quelques années si des réformes structurelles d'ampleur n'étaient pas menées.

URGENCE DES RÉFORMES

Selon Nick Kounis, "la France doit mettre en place des mesures fortes de consolidation budgétaire dès 2011, sinon elle entrera dans une spirale de dette qui sera hors de contrôle".

Le gouvernement a présenté la semaine dernière son nouveau programme de stabilité qui prévoit une réduction rapide du déficit public et une baisse de la dette à partir de 2013, grâce à une forte croissance et une maîtrise accrue des dépenses.

Des mesures en ce sens doivent être annoncées en avril. L'ambition du gouvernement est de diminuer la hausse de toutes les dépenses : Etat, Sécurité sociale et collectivités locales.

Dans les turbulences actuelles, "la France n'est pas spécifiquement visée", souligne le rapporteur de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini.

Mais "si la croissance mondiale peine à nouveau, si des facteurs d'insécurité conduisent les marchés à être plus nerveux, si sur le plan de la politique internationale des incertitudes prévalent ou se présentent, il est tout à fait possible que l'euro soit attaqué", ajoute-t-il.

Et dans ce cas, "les conséquences pour la France seraient particulièrement lourdes", poursuit-il.

Edité par Yves Clarisse