par Jonathan Lynn

Dans son rapport de plus de 1.200 pages, le "groupe spécial" de l'OMC estime que l'avionneur européen n'a pu lancer une série d'avions civils que grâce aux subventions de l'UE et des Etats membres que sont la France, l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni. Sans ces aides, Airbus aurait été une société très différente et nettement moins puissante, indique le rapport.

Cette décision constitue un revers important pour Airbus mais il ne marque pas pour autant la fin du bras de fer entre la filiale d'EADS et son grand rival américain Boeing sur les aides publiques au marché de l'aéronautique civile, estimé à 3.000 milliards de dollars (2.400 milliards d'euros) sur les 20 prochaines années.

Dans ses conclusions, le groupe spécial de l'OMC estime notamment que les aides britanniques, allemandes et espagnoles à Airbus pour l'A380, son très gros porteur de 525 places, équivalent à des subventions illégales à l'exportation et doivent être corrigées d'ici 90 jours. Une aide française en la matière a été validée.

Mais, compte tenu des possibilités de recours, le processus juridique pourrait se prolonger des mois, voire des années, avant d'atteindre cette échéance.

Boeing estime ces prêts à quatre milliards de dollars (3,3 milliards d'euros environ) mais Airbus s'est refusé à donner une estimation.

"Ces subventions ont causé beaucoup de tort aux Etats-Unis, notamment en faisant perdre des ventes et des parts de marché à Boeing. La décision d'aujourd'hui contribue à égaliser le terrain de jeu concurrentiel avec Airbus", a déclaré le représentant américain au Commerce Ron Kirk dans un communiqué.

"Le président Obama et moi-même sommes déterminés à faire appliquer nos accords commerciaux et, si nécessaire, à utiliser le processus de règlement des différends (...) à l'Organisation mondiale du commerce", ajoute-t-il.

DES CONSEQUENCES POUR LES TANKERS ?

Pour l'avionneur américain, c'est uniquement grâce aux aides publiques qu'Airbus est parvenu à lui prendre des parts de marché et à se hisser au rang de numéro un mondial.

"L'OMC "frappe au c?ur des subventions à Airbus, conclut qu'elles sont illégales et qu'elles doivent cesser immédiatement", a déclaré à Reuters J. Michael Luttig, l'avocat de Boeing.

Pour Airbus, toutefois, le système de financement fondé sur le mécanisme de prêts des Etats membres, remboursables une fois les avions vendus, n'est pas remis en cause.

La Commission européenne a fait savoir qu'elle déciderait prochainement d'un éventuel recours en appel et a exprimé sa déception face aux conclusions de l'OMC.

"L'UE reste déterminée à aboutir à une issue négociée de ce différend, sans aucune condition d'un côté ou de l'autre", a déclaré le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht.

Un premier rapport confidentiel sur la plainte distincte déposée par l'UE contre le soutien américain à Boeing est attendu le 16 juillet.

Les conclusions présentées mercredi par l'OMC ne concernent pas le futur Airbus A350 mais Boeing estime qu'elles empêcheront les Etats européens d'accorder des prêts remboursables à son concurrent pour développer ce nouveau modèle.

Airbus a rejeté cet argument en affirmant qu'il poursuivrait les discussions sur ces prêts.

Les décisions de l'OMC pourraient avoir un impact sur l'issue de l'appel d'offres lancé par les Etats-Unis pour renouveler la flotte d'avions-ravitailleurs de l'US Air Force, un contrat dont le montant pourrait atteindre 50 milliards de dollars.

Airbus et Boeing doivent présenter leurs offres au Pentagone d'ici au 9 juillet.

La filiale d'EADS concourra en effet avec un appareil dérivé de l'Airbus A330, l'un des modèles considérés comme ayant bénéficié d'aides illégales.

Les élus du Congrès américain qui soutiennent Boeing ont renouvelé leur appel mercredi à tenir compte de la décision de l'OMC dans l'appel d'offres des ravitailleurs.

La commission de l'OMC a également demandé à l'UE de mettre fin à d'autres aides ou à leurs effets négatifs aux Etats-Unis, mais elle n'a pas retenu tous les griefs du camp américain.

Les deux parties ont 30 jours pour faire appel de cette décision.

* Le rapport complet du groupe spécial de l'OMC (en français):

http://www.wto.org/french/news_f/news10_f/316r_f.htm

Jonathan Lynn, Marc Angrand et Danielle Rouquié pour le service français, édité par Cyril Altmeyer