par Peter Graff

L'agence de notation Standard & Poor's a abaissé dans la nuit de mardi à mercredi la note souveraine à long terme de l'Irlande à A contre AA- et sa note à court terme à A-1 contre A-1+. Ces deux notes ont en outre été placées sous surveillance avec implications négatives.

Le plan d'austérité irlandais est une première étape avant la présentation le 7 décembre du projet de budget pour 2011, dont l'adoption incertaine est pourtant réclamée par l'UE et le FMI avant le déblocage de leur aide.

Le Premier ministre, Brian Cowen, ne devrait pas rester en fonction suffisamment longtemps pour ne serait-ce que commencer la mise en oeuvre des mesures qu'il va présenter mercredi. Son éventuel successeur pourrait toutefois être lié à ce plan tant les marges de manoeuvre de l'Irlande paraissent faibles face aux craintes qu'inspirent aux marchés ses finances publiques.

Le Fine Gael, principale formation d'opposition, est jusqu'à présent resté évasif au sujet du budget 2011. La présentation du plan d'austérité devrait le contraindre à sortir du bois et à dire s'il soutiendra ou s'opposera ensuite au projet de budget.

S'il le rejette, il pourrait en empêcher l'adoption au vu du désagrégement de la coalition gouvernementale et du faible soutien dont bénéficie le Premier ministre dans ses propres rangs, ce qui retarderait le déblocage de l'aide internationale.

LES MARCHÉS AUX AGUETS

Les investisseurs qui ont contraint l'Irlande à réclamer un soutien extérieur vont examiner de près les détails du plan d'austérité.

Ils pourraient renchérir un peu plus le coût de la dette irlandaise s'ils jugent que ce plan se fonde sur des hypothèses de croissance irréalistes, a prévenu Alan McQuaid, économiste au sein de la société de courtage Bloxham.

"Les marchés pourraient juger certaines prévisions trop optimistes et augmenter les rendements (de la dette) en conséquence", dit-il.

La crise irlandaise pèse déjà sur le coût de l'emprunt dans d'autres pays de la zone euro tels que le Portugal et l'Espagne.

Les responsables européens se veulent pourtant rassurant. Le vice-chancelier allemand Guido Westerwelle a insisté mercredi sur le caractère unique de la crise irlandaise et écarté tout risque de contagion. "Nous avons désormais un instrument et sommes prêts à réagir", dit-il dans le Rheinische Post.

Les économistes ne s'attendent à aucune surprise sur les grandes lignes du plan d'austérité, qui devrait combiner 10 milliards d'euros de réduction de dépenses et cinq milliards d'euros de recettes supplémentaires d'ici 2015.

Cela représente environ 3.700 euros par habitant.

Aux termes de l'accord conclu avec l'UE et le FMI, le gouvernement doit procéder à une première baisse des dépenses de six milliards d'euros en 2011. Ce volet devrait être détaillé dans le projet de budget.

Les mesures d'austérité devraient comprendre une baisse des prestations sociales, des effectifs de la fonction publique et des salaires des fonctionnaires.

Les Irlandais propriétaires de leur logement vont pour la première fois devoir acquitter une taxe foncière et la moitié de la population active qui n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu doit s'attendre à être désormais sollicitée.

CRISE POLITIQUE

Le gouvernement ne compte pas en revanche toucher à l'impôt sur les sociétés, fixé à 12,5%, l'un des plus bas d'Europe, qu'il juge nécessaire à la future croissance économique mais qui irrite ses partenaires européens.

La crise financière s'est transformée en crise politique.

Membres de la coalition gouvernementale, les Verts ont annoncé qu'ils ne soutiendraient plus le Premier ministre une fois le budget adopté.

Brian Cowen a d'ores et déjà annoncé l'organisation d'élections législatives anticipées après l'adoption définitive du budget, ce qui, selon lui, pourrait durer jusqu'en février. Son parti, le Fianna Fail, semble certain de perdre ce scrutin.

Il a rejeté une demande de l'opposition consistant à avancer le vote sur le budget à la semaine prochaine dans le but d'organiser les législatives avant la fin de l'année.

Les électeurs de l'ancien "Tigre celtique" ont déjà subi depuis deux ans des coupes budgétaires, un effondrement des prix de l'immobilier, une récession record et une hausse brutale du chômage passé de 4% à 14% de la population active.

Auparavant, les années de forte croissance économique avaient créé une bulle immobilière, qui, lorsqu'elle a éclaté, a contraint le gouvernement à venir au secours des banques et à transférer ce fardeau sur les contribuables.

Bertrand Boucey et Grégory Blachier pour le service français, édité par Nicolas Delame