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(Easybourse.com) Les mesures exceptionnelles annoncée ou prises par les Etats membres vous apparaissent-elles suffisantes pour régler la crise de la zone euro ?
Je crois surtout que ces mesures vont tuer dans l'œuf la reprise, que les recettes fiscales vont s'amenuiser et que, contrairement à l'objectif que ces mesures se sont fixées, les déficits et l'endettement des Etats vont augmenter.

La dépréciation de la monnaie européenne est-elle une bonne ou une mauvaise chose ?
L'euro ayant été surévalué par rapport au dollar, l'ajustement à la baisse de la monnaie européenne peut stimuler les exportations et restreindre la pénétration des marchandises produites dans les zones à bas coût et importées en Europe en dollar. C'est donc plutôt une bonne chose pour nos exportations et nos producteurs.
Cela étant, le commerce extérieur de la plupart des pays qui subissent aujourd'hui des difficultés en Europe, se fait exclusivement à l'intérieur de la zone communautaire. Dès lors, la baisse de l'euro par rapport au dollar ne règlera qu'une infime partie de leurs problèmes et ne résoudra pas leur problème de compétitivité vis-à-vis de l'Allemagne.
En l'absence d'un financement budgétaire massif pour le rattrapage des pays du Sud et de l'Est de l'Europe, la seule solution que ces pays conservent entre leurs mains concerne la déflation salariale. Mais les problèmes apparaissent dès lors que tous les pays pratiquent la déflation salariale, comme c'est le cas aujourd'hui en Europe. Autrement dit, le jeu est à somme nulle, voire négative, puisque personne n'y gagne sauf le pays structurellement excédentaire au départ, c'est-à-dire l'Allemagne.

Comme lors de chaque crise, la question de la gouvernance économique de la zone euro se repose avec acuité…
La gouvernance de la zone euro existe en germe : elle s'est renforcée tout récemment avec la décision prise par la BCE de racheter une partie des dettes souveraines, ainsi qu'avec la création de deux fonds financés par l'emprunt, dans le but d'aider les pays connaissant des difficultés. C'est d'autant plus important que la monétisation des déficits et le financement par l'emprunt les dépenses communautaires sont interdits par le Traité de Lisbonne ! C'est une première en Europe et un pas vers le fédéralisme.
Cela dit, la coordination des politiques économiques est en train de se faire dans le sens d'une coordination des politiques d'austérité qui s'avèrent être malvenues et inadaptées à un contexte de sous utilisation des capacités de production et de chômage massif. Ces politiques appliquées dans tous les pays risquent donc de refaire plonger l'Europe dans la récession.

Qu'aurait-il mieux valu faire ?
Il aurait fallu, au contraire, donner le signal aux marchés que l'heure est à la relance, que le pacte de stabilité est un très mauvais instrument de coordination des politiques économiques dans ce contexte, et qu'il faut le suspendre pour une durée de 2 ans, le temps que les économies puissent redémarré.

Que pensez-vous de l'Allemagne et de son rôle en Europe dans ce contexte ?
Il faudrait davantage évoquer la droite allemande que l'Allemagne dans sa globalité, dans la mesure où les socio-démocrates sont favorables à un scénario fédéraliste allant dans le sens de la relance.
En revanche la droite allemande a une stratégie extrêmement menaçante pour l'avenir de la stabilité de la zone euro… On peut en effet se demander si certains de ses représentants ne cherchent pas à pousser les pays du Sud de l'Europe hors de la zone euro, en refusant ou ralentissant la mise en œuvre des mécanismes de solidarité budgétaire et monétaire nécessaires. Je crois que l'Europe est aujourd'hui à la croisée des chemins et qu'il existe un véritable risque d'éclatement à court terme.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy

- 01 Juin 2010 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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