La majorité des ministres des Finances de l'Union européenne ont donné leur accord lors de leur réunion mensuelle à Bruxelles.

Les 11 pays concernés (Allemagne, France, Italie, Espagne, Autriche, Portugal, Belgique, Estonie, Grèce, Slovaquie et Slovénie) peuvent désormais lancer le projet sans la participation des 16 autres, comme le prévoient les règles de fonctionnement de l'UE.

La taxe sur les transactions financières européenne, inspirée de travaux de l'économiste américain James Tobin remontant à une quarantaine d'années, aura une portée symbolique non négligeable en montrant que les autorités politiques, après cinq ans d'une crise née sur les marchés, entendent mettre à contribution au sens propre les banques.

"Il s'agit d'une étape majeure dans l'histoire de la fiscalité", a déclaré le commissaire européen en charge de la Fiscalité, Algirdas Semeta, à l'issue du vote.

La taxe pourrait entrer en vigueur dès janvier 2014 si le dossier progresse rapidement, a-t-il ajouté.

Les règles de fonctionnement de l'Union européenne prévoient qu'une partie des Etats membres, à condition d'être au moins neuf et d'être soutenus par une majorité qualifiée de voix, peuvent lancer un projet qui ne fait pas l'unanimité.

L'Allemagne et la France ont opté pour ce schéma de coopération renforcée faute de pouvoir obtenir l'accord de principe de l'ensemble des 27 et même des 17 membres de la zone euro.

La Grande-Bretagne, qui taxe déjà les transactions sur les actions, s'est abstenue lors du vote, tout comme le Luxembourg, la République tchèque et Malte, a précisé un responsable européen.

Le dossier va maintenant passer entre les mains de la Commission européenne afin que celle-ci précise le projet. Une fois ses propositions définitives présentées, quelques mois pourraient suffire avant l'application de la taxe si tous les pays concernés sont d'accord.

CRITIQUES

L'exécutif communautaire pourrait proposer de taxer les transactions sur actions et obligations à hauteur de 0,1% et celles sur les produits dérivés financiers à 0,01%.

Les observateurs les plus critiques du projet estiment qu'une telle taxe ne peut pas fonctionner correctement si elle n'est pas appliquée à l'échelle mondiale, ou du moins à l'échelle de l'ensemble de l'Europe.

Mais certains pays s'attendent déjà à ce que la taxe génère des recettes supplémentaires dès l'an prochain, recettes qui pourraient atteindre 35 milliards d'euros selon un responsable de l'Union.

La Suède, qui a expérimenté seule une telle taxe avant d'y renoncer, a toutefois mis en garde ses partenaires contre la menace d'une délocalisation des activités financières concernées.

Les critiques du projet soulignent aussi le risque d'une nouvelle ligne de fracture au sein de l'UE, d'autant plus malvenue que le Royaume-Uni réfléchit désormais tout haut à l'éventualité d'une sortie de l'Union.

La taxe s'imposera néanmoins quel que soit le lieu où la transaction est réalisée, dès lors que l'acheteur ou le vendeur est basé dans l'un des pays qui l'ont adoptée.

Les promoteurs du projet, parmi lesquels le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, estiment que le dispositif peut freiner les activités hautement spéculatives telles que le "trading à haute fréquence", qui consiste à réaliser en un temps très court des quantités massives de transactions pour profiter des moindres variations de cours.

Mais Nicolas Véron, un spécialiste des marchés financiers au sein du cercle de réflexion Bruegel, juge le projet mal orienté.

"Il y a tellement de choses que nous ne comprenons pas dans le système financier, de la même manière que les médecins du XVIIe siècle pouvaient comprendre certaines choses sur le corps humain mais pas la totalité", explique-t-il.

"Recourir à une taxe sur les transactions financières pour s'attaquer aux maladies de la finance comme le trading à haute fréquence pourrait être l'équivalent de l'utilisation des sangsues au XVIIe siècle."

Annika Breidthardt, Jan Strupczewski et John O'Donnell, Marc Angrand pour le service français, édité par Véronique Tison