(Complété avec déclarations d'Avakov, Lavrov, Miller)

KIEV, 12 juin (Reuters) - L'Ukraine a accusé jeudi la Russie d'avoir laissé trois chars et d'autres véhicules militaires franchir la frontière entre les deux pays afin de venir en aide aux séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine.

Le président Petro Porochenko s'en est plaint auprès de Vladimir Poutine lors d'une conversation téléphonique, jugeant "inacceptable" que Moscou autorise le passage de ces blindés, selon son porte-parole Sviatoslav Tsegolko.

La Russie n'a pas réagi dans l'immédiat à cette accusation.

Des journalistes de Reuters ont vu trois chars à Snijnïé, ville de l'est de l'Ukraine proche de la frontière avec la Russie, sans pouvoir déterminer s'ils venaient de Russie ni s'ils avaient déjà été utilisés par les armées russe ou ukrainienne. Les blindés ne portaient aucune marque d'identification.

"Nous avons observé des colonnes de transports de troupes, d'autres véhicules blindés, de pièces d'artillerie et de chars qui, selon nos informations, ont franchi la frontière et se trouvaient ce matin à Snijnïé", a déclaré le ministre ukrainien de l'Intérieur Arsen Avakov à des journalistes à Kiev.

Ces convois, a-t-il dit, ont pu franchir des check-points contrôlés par les rebelles "en dépit des déclarations de la Fédération russe qui dit approuver le processus de paix et avoir donné ordre de renforcer les contrôles aux frontières".

Une colonne, a ajouté Avakov, est entrée en Ukraine dans le secteur de Dïakove, dans la région de Louhansk, avant de se diriger vers la région voisine de Donetsk. Elle s'est heurtée à des forces ukrainiennes, a-t-il dit.

"Les combats se poursuivent. Une partie de la colonne a été détruite", a déclaré le ministre de l'Intérieur.

RÉSOLUTION

Moscou, qui a annexé en mars la péninsule de Crimée, a de nombreuses fois démenti fournir le moindre appui militaire aux séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine, qui disent ne recevoir de Russie que des fournitures médicales, des vivres et des vêtements.

Peu de détails ont filtré de la conversation entre Porochenko et Poutine, sinon que les deux hommes ont discuté des moyens de mettre fin aux violences, selon le Kremlin.

Vladimir Poutine et Petro Porochenko se sont entretenus en France vendredi en marge des célébrations du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie. Il ne semble pas qu'ils se soient parlés depuis que le second a été officiellement investi dans ses fonctions samedi.

Selon le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, la Russie envisage de présenter au Conseil de sécurité des Nations unies un projet de résolution dont le but est d'inciter l'Ukraine à mettre en oeuvre une "feuille de route" pour sortir de la crise.

Cette feuille de route a été élaborée en mai par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur la base de l'accord conclu le 17 avril à Genève entre la Russie, l'Ukraine, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Elle consiste en un appel commun à l'arrêt immédiat des violences en Ukraine et prévoit notamment le désarmement des groupes armés illégaux et la libération des bâtiments publics occupés illégalement.

Le président ukrainien a rencontré un émissaire russe à Kiev et son entourage fait état de progrès, mais les négociations sur le contentieux gazier entre Moscou et Kiev semblent piétiner.

Alexeï Miller, le directeur général de Gazprom, a clairement fait savoir que son groupe ne donnerait plus de délai supplémentaire à Kiev pour rembourser ses arriérés. Gazprom a fixé à lundi la date butoir pour le versement de 1,95 milliard de dollars (1,44 milliard d'euros). (Natalia Zinets et Timothy Heritage; Bertrand Boucey et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)