par Thierry Lévêque et Matthieu Protard

Au cinquième jour de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris, il a cependant répété qu'à ses yeux il était impossible qu'ils n'aient pas été connus.

Un haut dirigeant de la banque, Christophe Mianné, l'a contesté à la barre, présentant le prévenu en "criminel" qui a souhaité détruire la banque.

Après une série de témoignages ayant fait apparaître l'insuffisance des contrôles et l'absence de limites explicites dans la salle où travaillait le jeune homme, le tribunal lui a fait par un interrogatoire préciser les manoeuvres irrégulières qu'il reconnaît depuis le début de l'affaire.

Il dissimulait le fait d'avoir pris des engagements sur des indices boursiers européens montés jusqu'à 50 milliards d'euros, en simulant des engagements symétriques, en théorie obligatoires, mais qui dans son cas étaient fictifs, a-t-il dit.

"Est-ce qu'un jour je me suis levé pour aller voir un responsable et lui dire que j'avais trente milliards ? La réponse est non", a-t-il reconnu.

Mais, a-t-il aussitôt ajouté, les systèmes de suivi informatique ne pouvaient laisser aucun doute sur ses pratiques.

Dans ce cas, pourquoi les dissimuler ?, a demandé le président du tribunal. "Pour sauver les apparences. Ce que je faisais, c'était au vu et au su de tout le monde, mais j'ai voulu donner l'image de l'apparence d'une couverture".

"IL INVITAIT TOUTES LES JEUNES FILLES"

Claire Dumas, représentante de la banque, a expliqué que personne n'avait pu détecter le caractère fictif de ses opérations en raison de ses intrigues internes auprès des services administratifs.

"Il invitait toutes les jeunes filles des services support. C'était un des rares traders qui leur parlait poliment", a-t-elle dit.

De plus, Jérôme Kerviel choisissait de passer ses ordres fictifs de la manière le moins visible possible, par exemple par une filiale interne qui était peu ou pas contrôlée, a-t-elle assuré.

Entendu comme témoin, Christophe Mianné, responsable des activités de marchés de la banque, a estimé que le trader était un criminel dont l'intention avait été de ruiner sa banque.

Il en veut pour preuve son attitude le week-end du 19 et 20 janvier 2008, quand a été découverte l'affaire. Interrogé par sa hiérarchie, Jérôme Kerviel a montré alors un "refus absolu d'aider la banque, alors qu'il savait très bien ce qu'on allait découvrir", a dit Christophe Mianné.

Par ailleurs, l'ex-trader a montré alors, selon lui, un "déni de la réalité, de la vérité et des pertes".

Enfin, le vendredi où il a été découvert, Jérôme Kerviel a augmenté ses positions, a dit le témoin.

"Il fonce dans le mur et il accélère. Ça prouve que c'est criminel", a-t-il dit.

Christophe Mianné a souligné avoir l'intime conviction que les responsables hiérarchiques directs du trader ne savaient rien.

"Jérôme Kerviel a été malhonnête, déloyal, tricheur", a-t-il conclu. La banque, assure le dirigeant, n'avait pas du tout l'intention de spéculer ou de mener des aventures financières.

Un avocat de petits actionnaires lui a répliqué en l'interrogeant: "N'avez-vous pas été naïf? Vous avez mis à la portée de jeunes gens souvent stressés et fatigués des armes de destruction massive des marchés."

Prié de dire si une affaire Kerviel pouvait se reproduire aujourd'hui, Christophe Mianné a répondu par la négative.

Interrogée par la défense, Claire Dumas a reconnu qu'il n'existait pas, encore aujourd'hui, de limites explicites et contractuelles aux engagements en volume des traders, qui devaient cependant être selon elle guidés par le "bon sens".

"Si les limites ne sont pas strictement définies, comment les connaître ?", a répliqué l'avocat de Jérôme Kerviel.

Le procès se poursuit mardi.

Édité par Yves Clarisse