par Tom Perry

DAMAS, 5 janvier (Reuters) - Le gouvernement syrien est prêt à livrer une "guerre ouverte" pour reprendre aux insurgés la province d'Idlib, dans le nord-ouest du pays, où de nombreux rebelles se sont repliés après des accords d'évacuation conclus avec Damas, a déclaré à Reuters le ministre syrien de la Réconciliation nationale.

Ali Haïdar dit s'attendre à ce que des milliers d'autres rebelles quittent prochainement les abords de la capitale syrienne pour se rendre à Idlib dans le cadre d'accords locaux sur le modèle de ceux qui ont permis au régime de Bachar al Assad de rasseoir son autorité sur Alep et plusieurs secteurs de la périphérie de Damas.

Mais dans une interview accordée à Reuters à Damas, il assure que le gouvernement n'acceptera pas que la province d'Idlib demeure un bastion des insurgés.

A moins qu'un accord international soit conclu pour mettre fin au conflit en Syrie, dit-il, "il faudra donc leur livrer une guerre ouverte".

"L'Etat syrien est clair sur sa politique quand il dit qu'il ne renoncera à aucune partie du territoire syrien, et je crois qu'Idlib est l'une des prochaines zones chaudes", explique-t-il en réclamant le départ des combattants étrangers et la fermeture de la frontière avec la Turquie.

La province d'Idlib est presque entièrement sous le contrôle des insurgés, dont les puissants groupes islamistes Ahrar al Cham et Fateh al Cham, l'ex-Front al Nosra lié à Al Qaïda.

Leurs effectifs ont été renforcés par l'arrivée ces derniers mois de milliers de combattants évacués d'Alep-Est et auparavant de quartiers de la périphérie de Damas, comme Daraya, un des premiers quartiers à s'être soulevé en 2011, que les rebelles ont consenti à évacuer l'été dernier après des années d'un siège implacable.

La plupart des accords d'évacuation ont été conclus directement entre le gouvernement de Bachar al Assad et les groupes insurgés, même si celui concernant Alep a été négocié entre la Russie et la Turquie, et d'après Ali Haïdar, le rythme s'est accéléré ces derniers mois à mesure que les rebelles perdaient espoir de gagner la guerre.

OFFENSIVE PRÈS DE DAMAS MALGRÉ LA TRÊVE

"L'expérience de Daraya a fini de convaincre les militants que l'Etat ne peut pas être défié éternellement", affirme le ministre.

Selon lui, 10.000 rebelles ont jusqu'à présent été transférés à Idlib en provenance de zones insurgées autres qu'Alep, et ce nombre pourrait doubler au cours des six prochains mois "si nous achevons la réconciliation dans les régions rurales de Damas, Deraa et Kouneïtra".

L'opposition accuse le gouvernement de modifier ainsi les équilibres démographiques à l'intérieur du pays, où la communauté alaouite de Bachar al Assad est extrêmement minoritaire, ce que Damas dément, assurant autoriser "tous les Syriens qui veulent rester" à le faire dès lors qu'ils acceptent le cessez-le-feu.

D'après Ali Haïdar, qui est chargé de négocier les accords de "réconciliation", il n'a pas encore été possible de conclure de tels accords dans la Ghouta orientale, à l'est de Damas, et à Douma, près de la capitale, en raison des "obstructions" de l'Arabie saoudite, qui soutient le groupe insurgé Djaïch al Islam très influent dans cette région.

Le ministre assure par ailleurs qu'un accord d'évacuation pourrait être "très rapidement" conclu dans la vallée de Wadi Barada, toujours près de Damas, où les forces gouvernementales ont lancé une offensive en dépit de l'accord de cessez-le-feu national annoncé par Moscou.

Les rebelles regroupés sous la bannière de l'Armée syrienne libre (ASL) ont annoncé lundi le gel des discussions sur leur éventuelle participation à la conférence de paix parrainée par la Russie, l'Iran et la Turquie qui doit avoir lieu à Astana, au Kazakhstan, si l'armée syrienne et les milices chiites étrangères qui l'appuient continuent à violer la trêve. (Tangi Salaün pour le service français, édité par Henri-Pierre André)