* Les USA vont former et armer des combattants irakiens

* Rumeurs d'offensive de printemps plutôt démenties

* La lutte contre l'Etat islamique prévue jusqu'en 2016

par Dominic Evans

BAGDAD, 30 novembre (Reuters) - Les rivalités entre communautés en Irak risquent de retarder la grande contre-offensive contre l'Etat islamique que la rumeur fixe au temps prochain dans la foulée des premières formations dispensées par l'armée américaine aux forces irakiennes.

Selon des responsables à Washington cités par la presse américaine, les instructeurs américains en Irak se sont fixés pour objectif de préparer l'armée irakienne pour une offensive de printemps visant notamment à reprendre Mossoul, principale ville du Nord irakien tombée aux mains l'Etat islamique (EI ou EIIL) lors de son offensive éclair de juin dernier.

L'armée irakienne, épaulée par les milices chiites et les combattants kurdes peshmergas a repris quelques territoires à l'Etat islamique. Elle a notamment récupéré certaines localités de la province de Diyala la semaine dernière, sur la route menant de Bagdad à l'Iran.

La prochaine étape, explique le chef de l'Organisation Badr, une milice chiite pro-iranienne, dont les combattants ont lutté contre l'EI aux côtés des peshmergas et de l'armée irakienne à Diyala, est de mettre le cap sur les provinces sunnites de Salahouddine et d'Anbar, situées respectivement au nord et à l'ouest de Bagdad, avant d'avancer encore plus vers le nord, sur la province de Ninive, dont Mossoul est le chef lieu.

"Nous comptons sur le soutien des combattants tribaux sunnites. Avec eux au combat, notre victoire est certaine", déclare Hadi al Amiri joint par téléphone de la province de Diyala.

Le chef de Badr dit qu'il attend des armes, non seulement du gouvernement irakien - 25 milliards de dollars, soit un quart du budget irakien 2015 pourrait être alloué à la défense - mais aussi une partie de l'enveloppe de 1,6 milliard de dollars que Washington prévoit de consacrer à la formation des hommes et à livraison d'armes.

L'ARMÉE PAS EN ETAT

Or, pour Hemin Haourami, proche du président de la région autonome du Kurdistan irakien Massoud Barzani, les forces du gouvernement chiite irakien ne seront pas prêtes à reprendre Mossoul, deuxième ville d'Irak, avant la fin 2015.

"Il n'y aura pas (d'offensive) de printemps, ni d'été", affirme-t-il. Tout dépendra de la volonté du gouvernement "de réorganiser l'armée, de la rapidité avec laquelle il pourrait résoudre les problèmes politiques avec nous et les sunnites et de la rapidité de la coalition (internationale) à approvisionner en armes lourdes les peshmergas et l'armée irakienne."

Pour dépasser les rivalités entre chiites, sunnites, Kurdes et autres groupes, les autorités irakiennes ont prévu d'absorber les combattants au niveau local dans une Garde nationale financée par l'Etat dont le rôle reste à préciser.

Selon le conseiller du gouvernement Zouhair al Chalabi, l'armée irakienne n'est pas en état de se lancer vers le Nord et les habitants de Mossoul, pour la plupart sunnites, risqueraient de résister à une offensive qui serait menée par les seules milices chiites.

Il faut plutôt regrouper en une seule force les militaires, les tribus sunnites, les peshmergas kurdes et les combattants chiites et fermer la frontière avec les territoires de l'EI en Syrie, dit Zouhair al Chalabi.

"Il y a un plan, confirme-t-il, mais il ne peut-être mis en oeuvre aussi rapidement que cela."

UNE BATAILLE PERMANENTE

Selon le ministre des Finances, Hochiar Zebari, l'Etat islamique reste une force énorme, même si elle est moins apte à mener de grosse opérations au sol compte tenu des frappes aériennes menées par la coalition internationale.

Le ministre, qui est Kurde, refuse de donner des précisions sur la stratégie militaire du gouvernement ni sur celle des autorités du Kurdistan, se bornant à dire que "planification et coordination sont déjà en cours" pour la bataille de Mossoul.

"Je ne suis vraiment pas au courant d'offensives de printemps. L'offensive est en cours - printemps, été, hiver. Nous les avons contrés à l'automne. C'est une bataille permanente contre eux."

Les Etats-Unis sont entrain d'installer quatre camps d'entraînement pour les 80.000 membres des forces armées irakiennes : deux autour de Bagdad, un à Erbil, capitale du Kurdistan et le quatrième à Anbar.

Washington prévoit aussi de fournir des gilets pare-balles et des armes à 45.000 soldats, 15.000 peshmergas et 5.000 membres de tribus sunnites.

Selon un diplomate occidental en poste à Bagdad, l'entraînement pourrait durer six mois, avec une première vague terminée à la fin du printemps.

Tout en soulignant que le vent tourne contre l'Etat islamique dans le nord de l'Irak et dans d'autres secteurs, il estime qu'il y aura encore des combats en 2016.

Et, sans contrôle de la frontière, les combattants de l'EI risquent de s'évanouir dans la nature et de se regrouper en Syrie, ajoute-t-il.

Hemin Haourami, le responsable kurde proche du président Barzani, prévoit lui aussi une guerre longue.

"Pour garantir leur défaite à Mossoul, il faut les vaincre aussi en Syrie", dit-il. "L'EI ne peut pas être vaincue. L'EI peut être amoindrie et affaiblie, mais ce processus prendra des années." (Avec Michael Georgy et Saïf Hamid à Baghdad et Isabel Coles à Erbil; Danielle Rouquié pour le service français)