Interview de Pierre Gramegna avec Le Jeudi

Interview - Publié le 21.01.2016 (10:09)

Interview : Le Jeudi ( Marc Fassone)

Le Jeudi: «Face aux incertitudes relatives à l'économie chinoise et à ses répercussions sur les marchés boursiers, estimez-vous que la carte chinoise est encore pertinente pour le Luxembourg aujourd'hui?»

Pierre Gramegna: «Oui, car il faut se rappeler d'où vient la Chine. En dix ans, elle a multiplié son PIB par quatre et sa croissance pour 2016 sera deux fois supérieure à la croissance globale moyenne. Il faut aussi se rendre compte que la Chine transforme sa stratégie de croissance économique et qu'elle se trouve dans une phase de transition. Jusqu'à présent, le pays misait sur l'attraction d'investissements étrangers et sur la production de produits à bas coûts. Depuis, il a évolué, les salaires ont notamment augmenté. Il était donc temps de changer de stratégie.

Le commerce international ne sera plus le moteur de la croissance - même s'il reste très important. Ce rôle va échoir aux investissements et à la demande interne. Et c'est pour toutes ces raisons que la Chine reste un partenaire de choix pour le Luxembourg, et plus particulièrement pour la Place. Toutes les grandes banques chinoises ont leur siège européen au Luxembourg et le secteur des fonds d'investissement attire des acteurs chinois et offre des possibilités d'investissements vers la Chine.»

Le Jeudi: «Puisque nous parlons de partenariat, où en est-on de la participation du Luxembourg à la Banque asiatique d'investissement et d'infrastructure (AIIB)?»

Pierre Gramegna: «Nous avons été les premiers candidats non asiatiques à vouloir faire partie de cette banque. Et les premiers à avoir été accueillis par cette institution, ce qui nous a valu l'honneur de pouvoir prendre la parole lors de la séance d'inauguration (NDLR: les réunions inaugurales ont eu lieu ces 16 et 17 janvier. Pierre Gramegna est intervenu au nom de tous les pays membres non asiatiques après le Premier ministre chinois et le vice -Premier ministre coréen, un honneur que tout diplomate sait pleinement apprécier). Notre rôle de pionnier a été reconnu. Cela prouve que la Chine est un pays qui sait apprécier l'engagement d'un autre pays, indépendamment de sa taille. La banque est selon nous un tremplin important pour favoriser les investissements croisés entre la Chine et l'Europe. Et notre industrie financière est un véhicule qui a le pouvoir d'optimiser cette coopération. Plus largement, ce que fait la Chine avec l'AIIB me rappelle ce qu'a fait l'Europe avec la construction européenne pour apaiser les tensions politiques: c'est l'une des meilleures initiatives pour la paix de ces dernières années. L'initiative est du même calibre: croissance et paix. On peut également comparer l'AIIB avec la Banque européenne d'investissement, qui est aujourd'hui la cheville ouvrière pour la mise en place du plan Juncker pour le développement des investissements.»

Le Jeudi: «Quels sont les engagements financiers pris par le Luxembourg vis-à-vis de la banque et quelles retombées en espérez-vous?»

Pierre Gramegna: «Notre participation s'élève à 0,1% du capital, c'est à-dire 70 millions d'euros dont 20% seront libérés sur cinq ans. Cette année, nous allons débloquer une première tranche de 2,5 millions d'euros. Pour ce qui est des retombées, on les espère d'abord pour le secteur financier. Mais pas seulement. Prenez le cas du projet ferroviaire de fret entre Zhengzhou et Bettembourg. C'est clairement situé sur la 'route de la soie'. Un élément, parmi d'autres, qui plaide en faveur d'un financement du projet par FAIIB.»

Le Jeudi: «Le renminbi vient d'intégrer le panier de devises du FMI. Là encore, peut-on s'attendre à des retombées positives pour le Luxembourg?»

Pierre Gramegna: «Le fait que le renminbi fasse partie des 'droits de tirage spéciaux' (DTS) est une reconnaissance du rôle international de cette monnaie. Une reconnaissance qui est arrivée plus vite que ne le pensaient les experts. C'est certainement l'événement monétaire le plus important depuis reuro. Pour arriver à ce résultat, il a fallu que la liquidité internationale de cette monnaie soit assurée. Et en tant que hub européen de cette internalisation, nous avons joué un rôle dont nous continuerons à tirer profit. Tout comme l'Europe d'ailleurs, qui n'est plus considérée ici comme un problème pour la croissance mondiale. C'est un constat encourageant.»

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