Le Premier ministre, François Fillon, a adressé mercredi aux membres du gouvernement un courrier dans lequel il précise les principes qui présideront à la sélection de ces investissements et à la gouvernance du grand emprunt.

Le président Nicolas Sarkozy a annoncé le 14 décembre un programme de 35 milliards d'euros d'investissements publics tournés vers l'innovation, la recherche et la formation, dont 22 milliards seront levés en 2010 sur les marchés financiers.

L'impact de cet emprunt sur les comptes publics au sens du traité européen de Maastricht sera cependant bien moindre que 22 milliards, assure-t-on dans l'entourage de François Fillon.

Le gouvernement entend suivre les recommandations des anciens Premiers ministres Alain Juppé et Michel Rocard, qui proposent de transformer au moins 60% de ces fonds en actifs, de façon à échapper à la définition maastrichienne de la dette.

"La constitution d'actifs devra être recherchée aussi souvent que possible", écrit François Fillon. "Le choix des modalités de financement (des futurs investissements) sera orienté en fonction de cet objectif, en privilégiant les dotations en capital, les prises de participation et les prêts."

Il dit avoir demandé au ministre du Budget, Eric Woerth, de veiller à ce que cette exigence soit strictement respectée dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en conseil des ministres le 20 janvier.

Il s'agit notamment de préserver le crédit de la France sur les marchés, alors que la crise économique a eu pour conséquence de faire exploser la dette et les déficits publics français - la première est estimée à 77,1% du PIB pour 2009, les seconds à 8%.

"L'application de la règlementation communautaire en matière d'aides d'Etat fera systématiquement l'objet d'une analyse ex ante afin de prévenir toute incompatibilité", écrit Fillon.

GOUVERNANCE

Le projet de loi de finances rectificative dira comment se répartissent les 35 milliards d'euros en programmes budgétaires spécifiques et comment ces programmes seront être mis en oeuvre, précise l'entourage du Premier ministre.

Ce sera, par exemple, des dotations en capital pour des pôles universitaires d'excellence, des subventions pour la recherche sur les véhicules du futur, des prises de participation dans une possible société de valorisation des brevets, des prêts participatifs, des avances remboursables, etc.

Mais François Fillon demande dans son courrier qu'aucun engagement ne soit souscrit tant que le dispositif de gouvernance du grand emprunt n'aura pas été mis en place.

Les textes réglementaires relatifs à ce dispositif devront aussi être prêts pour le 20 janvier.

La mise en oeuvre de ce programme d'investissements sera pilotée par un commissaire général, l'ancien médiateur du crédit René Ricol, dont Nicolas Sarkozy a annoncé la nomination le 14 décembre, et qui sera entouré d'une équipe de 10 à 15 personnes, selon Matignon.

C'est lui qui sera chargé de préparer les conventions entre l'Etat et les opérateurs tels que l'Ademe, la Caisse des dépôts Oseo ou l'ANR (Agence nationale recherche), définissant le cadre de l'emploi des fonds.

Il coordonnera l'examen interministériel des appels à projet et des cahiers des charges, préparera la sélection des projets par l'Etat, évaluera leur rentabilité et dressera chaque année un bilan de l'exécution de ce programme, ce qui pourra conduire à redéployer des crédits en cas de performance insuffisante.

Le rôle du Commissariat général à l'investissement dépassera la seule programmation des priorités définies dans le cadre du grand emprunt pour porter sur la cohérence de toute la politique d'investissement de l'Etat, précise François Fillon.

Alain Juppé et Michel Rocard coprésideront pour leur part un "comité de surveillance" concentré sur le suivi des projets.

Les crédits seront transférés aux opérateurs au cours de l'année 2010 au rythme de la conclusion des conventions.

Le cahier des charges des projets devra notamment préciser la forme des financements apportés et comporter des exigences en matière de cofinancements publics et privés.

Nicolas Sarkozy a souhaité que les 35 milliards d'euros d'investissements publics entraînent 25 milliards d'investissements supplémentaires par effet de levier et mobilisation de fonds privés, européens ou locaux.

Enfin, François Fillon insiste sur la nécessité d'évaluer l'impact des projets sur la croissance.

Sophie Louet et Emmanuel Jarry