par Raoul Sachs

Patrick Jacq, stratégiste taux chez BNP Paribas, constate ainsi que les dérivés de crédit (CDS) de la France et de l'Allemagne se sont détériorés en même temps depuis que les deux pays se sont mis d'accord en octobre sur un mécanisme européen permanent de stabilité financière (MESF).

Les CDS sont des instruments financiers qui se négocient de gré à gré et permettent à un investisseur de s'assurer contre un éventuel défaut d'un émetteur: sa contrepartie, souvent un établissement financier, lui vend de la protection en pariant en sens inverse sur l'improbabilité de défaut de l'émetteur.

"L'Allemagne et la France sont les plus exposés, les plus gros contributeurs à ce dispositif", explique Patrick Jacq à propos du MESF en rappelant que lors de l'adoption du plan de sauvetage de la Grèce, les CDS de l'Allemagne et de la France s'étaient écartés.

Depuis un point bas à la mi-octobre à 32 points de base pour l'Allemagne et 66 pour la France, les CDS des deux pays se sont écartés respectivement de 75% à 57 et de 60% à 107.

Cela signifie qu'il en coûte 107.000 euros à un investisseur pour se couvrir contre un risque de défaut de la France sur 10 millions d'euros de dette.

Sur le marché au comptant de la dette, l'écart (spread) de rendement entre l'emprunt d'Etat français à 10 ans et son équivalent allemand, qui est la référence de toute la zone euro, s'est resserré, passant de près de 49 points de base fin novembre à 37 jeudi.

LES CDS, UN MARCHÉ "OPAQUE"

Plus globalement, sous l'effet de la crise de la zone euro et de remontée des taux longs américains, les rendements à 10 ans allemand et français se sont tendus après être tombés à des plus bas historiques en août dernier (respectivement à 2,11% et à 2,46%).

Le rendement du Bund allemand à 10 ans est ainsi passé de 2,41% début novembre à 2,94% aujourd'hui, celui de l'OAT française de 2,87% à 3,31%.

Un gérant spécialisé constate aussi la corrélation entre l'accord de principe sur le MESF et la dégradation des CDS.

Il estime que "la crise des périphériques, si elle devait durer, finirait par affecter les pays 'core' (du coeur de la zone euro-NDLR), la France d'abord et l'Allemagne ensuite".

"Il y a des gens qui jouent la contamination des pays 'core'", dit-il.

Toutefois, les professionnels interrogés soulignent l'opacité du marché des CDS, celui des CDS des grands pays souverains étant en outre très peu liquide.

"On ne sait pas grand-chose sur les CDS, c'est un marché de gré à gré très opaque", dit le gérant.

Parallèlement, le resserrement de l'écart de rendement à 10 ans entre la France et l'Allemagne témoigne du maintien de bonnes conditions de financement pour l'Etat français, dont la note "AAA" semble devoir bénéficier d'une perspective stable.

Ciaran O'Hagan, stratégiste taux chez Société générale, relève que l'agence de notation Standard & Poor's a confirmé mercredi la note "AAA" de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) en l'assortissant d'une perspective stable.

La Cades, qui émet de la dette pour refinancer les déficits de la Sécurité sociale, bénéficie de la garantie de l'Etat.

"Si la note de la Cades est assortie d'une perspective stable, celle de la France l'est forcément aussi", souligne-t-il.

Avec la contribution de Jean-Baptiste Vey, édité par Marc Angrand