* Elle s'est rendue trois fois en Syrie

* Pour y retrouver son fils, combattant de l'EI

* Une peine de dix ans de prison encourue

PARIS, 5 octobre (Reuters) - Le tribunal correctionnel de Paris a ouvert jeudi un procès qui raconte une histoire inédite dans le djihadisme français, celle d'une mère convertie à la cause de son fils au point de se rendre plusieurs fois en Syrie, dans un territoire alors contrôlé par le futur Etat islamique.

Arrêtée en France le 2 juillet 2014, Christine Rivière comparaît jusqu'à vendredi pour "association de malfaiteurs terroriste", un chef pour lequel elle encourt une peine pouvant aller jusqu'à dix ans de prison.

L'un de ses fils, Tyler Vilus, lui-même arrêté en juillet 2015 en Turquie et aujourd'hui détenu en France, est soupçonné d'avoir connu en Syrie des membres de la cellule qui a planifié et commis les attentats du 13 novembre 2015 en France.

C'est dans son sillage que Christine Rivière, née en 1965 dans une famille de forains, se convertit en 2011-2012 à un islam radical.

"Ça nous rapproche un peu plus, c'est sûr", a-t-elle dit à l'audience jeudi à propos de cette conversion.

Aux experts, elle explique en 2014 avoir trouvé là une "paix intérieure" et vu dans le port du niqab une forme de "soulagement". Elle déclare aussi que le meurtre d'innocents ne relève pas du terrorisme.

Après avoir rejoint une première fois son fils en Tunisie, cette ex-gardienne de nuit dans un institut pour handicapés mentaux rentre en France puis effectue trois séjours en Syrie entre juillet 2013 et avril 2014, les deux premiers d'une dizaine de jours chacun, le dernier de près de cinq mois.

A chaque fois, elle y retrouve Tyler, l'un des pionniers des filières françaises en Syrie, qui a gravi des échelons dans la hiérarchie du futur Etat islamique et gagné le titre d'"émir", installé à la tête d'un groupe de combattants francophones.

Son arrestation, en juillet 2014, l'empêche de se rendre une quatrième fois en Syrie auprès de celui qu'elle appelle Abdallah, cette fois pour une plus longue durée.

"JAMAIS ENCOURAGÉ PERSONNE"

"Je voulais profiter de mon fils jusqu'à ce qu'il soit mort", raconte-t-elle lors d'un interrogatoire après son interpellation. "Je sais que ça va arriver, bien sûr, et si cela arrive je serai contente pour lui parce que je sais ce que ça signifie pour lui."

Tout l'enjeu du procès consiste à faire la lumière sur l'adhésion de Christine Rivière à l'idéologie djihadiste et sur ses activité en France et en Syrie. Autrement dit, dans quelle mesure a-t-elle apporté son soutien à ce qui deviendra l'EI ?

Elle dit avoir simplement voulu rendre des services en tant que mère.

"Je n'ai jamais encouragé personne" à partir, a-t-elle assuré à l'audience, cheveux en chignon et lunettes relevées sur le crâne.

Mais de nombreux éléments montrent qu'elle avait une bonne connaissance des pratiques de l'EI.

Lors de la perquisition menée chez elle au moment de son arrestation, les enquêteurs découvrent des photos et une vidéo montrant Christine Rivière en train de manipuler des armes. Ils trouvent aussi des images de décapitation et de crucifixion publiées sur sa page Facebook.

L'instruction montre par ailleurs qu'elle a effectué un virement de 1.050 euros en Syrie.

Devant les enquêteurs, elle déclare également admirer Oussama Ben Laden et prône une application stricte de la charia.

Et, sur proposition de son fils, elle se marie religieusement en 2014 avec un combattant égyptien installé en Syrie, sans l'avoir rencontré au préalable.

En cela, ce procès est très différent de celui d'une autre mère de djihadiste, condamnée la semaine dernière pour avoir aidé son fils à rejoindre la Syrie sans se dire elle-même convertie à l'islam radical. (Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)