* TÜV affirme avoir rempli ses obligations

* La bataille de l'indemnisation en toile de fond

* Procès pénal à partir du 17 avril à Marseille

par Jean-François Rosnoblet

MARSEILLE, 30 janvier (Reuters) - L'organisme certificateur allemand TÜV Rheinland est au coeur des procédures judiciaires liées à l'affaire des implants mammaires défectueux de Poly Implant Prothèse (PIP), avec en toile de fond la question de l'indemnisation des victimes.

Le géant allemand est assigné vendredi devant le tribunal de commerce de Toulon (Var) pour "manquement à ses obligations de certification et de contrôle" par plusieurs avocats de victimes et des distributeurs étrangers de PIP, dont le Brésilien EMI et l'Italien GF Electromedics.

Un afflux de 350 plaintes émanant de nouvelles patientes, notamment sud-américaines, portant le total à 400, devrait conduire les avocats de l'organisme allemand à demander le renvoi de l'audience à une date ultérieure.

De source proche du dossier, on précise que le parquet pourrait également faire de même pour éviter que la procédure civile n'interfère avec le procès pénal qui se tiendra du 17 avril au 14 mai à Marseille, plus de 4.500 plaintes pour "tromperie aggravée" ayant été déposées.

Le tribunal de Toulon a toutefois le choix d'accéder à ces demandes ou de laisser suivre le cours normal de la procédure contre l'organisme certificateur allemand.

TÜV Rheinland, qui a réalisé un audit par an au sein de la société varoise mais jamais de manière inopinée, considère avoir rempli sa mission qui consistait à certifier le dossier de conception et le système qualité de l'entreprise, mais pas à certifier la qualité des prothèses mammaires elles-mêmes.

300.000 PROTHÈSES VENDUES

La société allemande a porté plainte contre PIP en février 2010 pour "tromperie et obtention frauduleuse d'un document administratif", un mois avant la liquidation judiciaire de l'entreprise de La Seyne-sur-Mer.

Jean-Claude Mas, dont la société a vendu au moins 300.000 prothèses dans le monde, a depuis admis avoir utilisé un "gel maison" non conforme pour la fabrication de ses prothèses mais a nié que celles-ci soient plus dangereuses pour autant.

Le groupe allemand se défend pour sa part d'avoir eu une quelconque responsabilité dans la fraude entourant la mise sur le marché par PIP d'un "gel maison". Cette position sera rappelée à Toulon, comme ce sera encore le cas lors du procès de Marseille, où TÜV prendra place sur le banc des parties civiles.

Cette "stature de victime" attise la colère des avocats des porteuses de prothèses PIP, qui y voient une "provocation".

"Je ne reproche pas une faute pénale à TÜV, mais cet organisme a clairement failli dans sa mission. Sa place n'est pas sur le banc des prévenus, mais elle n'est pas davantage sur celui des victimes", a dit à Reuters l'avocat de plusieurs porteuses de prothèses PIP, Laurent Gaudon.

Derrière le débat juridique se cache l'enjeu de l'indemnisation des victimes que l'insolvabilité réelle ou supposée de Jean-Claude Mas rend aléatoire.

Le tribunal de commerce de Toulon a entrouvert la porte à cette indemnisation en déboutant, en 2012, l'assureur allemand Allianz qui demandait la nullité des contrats le liant à PIP.

BATAILLE MONDIALE DE L'INDEMNISATION

Allianz, qui a depuis fait appel de la décision, s'était notamment appuyé sur les fausses déclarations fournies par les responsables de PIP et sur l'utilisation frauduleuse d'un gel non conforme dans la fabrication des prothèses.

Dans ses attendus, le tribunal a expliqué que l'assureur "ne justifie pas ses allégations" concernant la fraude de PIP à son égard et a confirmé la validité des contrats.

Il s'agit d'une "première victoire sur la route de l'indemnisation" que les avocats des victimes entendent confirmer aux dépens de TÜV.

L'enjeu financier pour la compagnie d'assurances, comme pour l'organisme certificateur, est de taille.

"C'est la bataille mondiale de l'indemnisation des victimes qui se joue en partie à Toulon", résume Laurent Gaudon.

Selon l'avocat marseillais, une décision défavorable du tribunal envers les victimes de PIP reviendrait à les placer face aux seules garanties du Service d'aides au recouvrement des victimes d'infractions (Sarvi), soit un dédommagement maximal de 3.000 euros par personne.

Une indemnisation insuffisante aux yeux du défenseur des porteuses de prothèses PIP, qui réclame une "provision de 10.000 euros" pour chaque victime au titre des dommages et intérêts, mais aussi au titre du préjudice moral qui pourrait atteindre plus de 12.000 euros dans le cas de prothèse mammaire fissurée.

De source proche de l'organisme allemand, on estime que si l'indemnisation des victimes est une nécessité, il convient aussi de ne pas "trouver des coupables là où il n'y en a pas". (Edité par Yves Clarisse)