* Le projet de loi traduit l'accord syndicat-patronat du 14/12

* Il crée un fonds dédié pour le financement de ces organisations

* Le gouvernement veut le faire voter avant fin février

par Emmanuel Jarry

PARIS, 6 janvier (Reuters) - Le gouvernement a transmis lundi au Conseil d'Etat un projet de loi mettant en oeuvre le compte personnel de formation (CPF) dont tous les actifs disposeront à partir de 2015 et réformant le financement des syndicats et organisations patronales.

Trois semaines après l'accord laborieusement conclu le 14 décembre par les partenaires sociaux sur la réforme de la formation continue (voir et ), il entend faire voter à marche forcée un texte censé illustrer la capacité de la France à se réformer par le dialogue social.

Le texte sera présenté en Conseil des ministres le 22 janvier et voté définitivement par le Parlement avant fin février et la suspension de la session parlementaire pour cause d'élections municipales, précise le ministère du Travail.

Selon l'entourage du ministre du Travail, Michel Sapin, il traduit fidèlement l'accord signé par la CFDT, Force ouvrière, la CFTC et la CFE-CGC du côté syndical, le Medef et l'Union professionnelle artisanale (UPA) pour le patronat - seules la CGT et la CGPME ont refusé de le signer.

Mais le projet ne se borne pas à la formation continue, dont le gouvernement veut faire une arme anti-chômage.

Il coupe notamment le cordon entre les organismes de collecte des fonds de la formation professionnelle (Opca) et le financement des organisations syndicales et patronales, crée un cadre juridique pour la représentativité patronale, réforme les modalités d'accès à l'apprentissage, améliore le dispositif du "contrat de génération" et renforce l'inspection du travail.

UN FINANCEMENT PLUS TRANSPARENT

Outre les cotisations de leurs adhérents, les principales organisations syndicales et patronales tirent aujourd'hui une partie de leurs ressources de la gestion des organismes sociaux paritaires, dont un peu plus de 60 millions d'euros par an sur les 6,7 milliards collectés par les Opca.

Le projet de loi veut mettre fin à un système qui nourrit la suspicion et pèse sur les négociations sociales. Il met en place un fonds paritaire dédié au financement de ces organisations et garantissant un niveau équivalent de ressources, mais désormais clairement identifiables.

Ce fonds sera alimenté par une contribution des entreprises équivalente à celle passant aujourd'hui par les Opca, complétée le cas échéant par d'autres organismes paritaires comme l'Unedic - l'assurance chômage - et par l'Etat.

L'Etat continuera ainsi à financer via ce fonds la formation économique et sociale des cadres syndicaux (sa contribution est aujourd'hui d'environ 23 millions d'euros par an).

Elément nouveau : il financera aussi, toujours via ce fonds, des missions d'intérêt général des partenaires sociaux.

Seules les organisations syndicales et patronales représentatives, actuellement au nombre de huit, seront éligibles aux ressources de ce fonds au titre de la gestion et de l'animation des organismes paritaires.

Les organisations syndicales dont l'audience est supérieure à 3% - autrement dit l'Unsa et Solidaires - auront en revanche droit, comme elles, à une partie de ces ressources au titre de la formation syndicale et de la participation à la conception et à la mise en oeuvre de politiques publiques.

Cela vise notamment la participation de leurs experts aux travaux d'instances comme le Haut conseil du financement de la protection sociale ou le Conseil d'orientation des retraites.

COMITÉS D'ENTREPRISE

Le projet de loi veut également rendre plus transparents les comptes des comités d'entreprise (CE). Il prévoit ainsi que les CE, quelles que soient leurs ressources, établissent des comptes annuels et présentent un rapport sur leurs activités et leur gestion financière aux salariés.

Il instaure dans les CE les plus importants une "commission des marchés" pour le choix des fournisseurs et des prestataires.

REPRÉSENTATIVITÉ PATRONALE

Jusqu'ici, contrairement aux syndicats de salariés, aucun texte ne définit les règles du jeu pour l'établissement de la représentativité des organisations patronales.

Le projet de loi fixe à 8% de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations d'employeurs le seuil d'audience que ces organisations doivent atteindre pour être reconnues comme étant représentatives dans une branche.

Pour l'être au niveau interprofessionnel et national, cette représentativité doit en outre être avérée dans quatre secteurs - industrie, construction, commerce et services.

INSPECTION DU TRAVAIL

Le projet de loi élargit les pouvoirs d'intervention de l'inspection du travail dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail et étend ses prérogatives en matière d'analyse de substances, d'équipements ou de matériaux.

En cas de constat d'un danger grave et imminent, le retrait immédiat des travailleurs pourra être mis en oeuvre dans tout secteur professionnel, plus seulement sur les chantiers du BTP.

Le texte renforce en outre les moyens de contrôle des inspecteurs et les sanctions en cas de non respect des décisions de l'inspection du travail.

Parmi d'autres mesures, il instaure la possibilité de recourir à une transaction pénale pour certaines infractions au code du travail afin d'accélérer leur traitement judiciaire.

L'administration pourra décider elle-même des amendes en cas de manquements à certaines dispositions du code du travail.

(Emmanuel Jarry, édité par Gérard Bon)