PARIS, 15 avril (Reuters) - Le parquet a requis lundi 15 ans de prison à l'encontre de Fehim Hamidovic, chef d'un clan soupçonné d'avoir contraint des mineures originaires d'ex-Yougoslavie à voler à la tire dans le métro parisien.

Des peines de trois à douze ans de prison ont été requises à l'encontre des autres principaux membres présumés de ce clan, dit "Hamidovic", démantelé en 2010.

Les peines les plus lourdes - respectivement 12 et 15 ans - ont été requises à l'encontre de Fehim et Behija Hamidovic, couple placé à la tête du réseau et en état de récidive légale, selon l'accusation.

Tous deux ont été condamnés en février 2007 à Vienne à respectivement 3 ans et 2 ans de prison pour trafic d'êtres humains et vols par profession.

Les réquisitions ont provoqué de l'agitation sur les bancs des prévenus.

"Ce sont des réquisitions extrêmement lourdes, qui ne sont pas en adéquation avec le tribunal correctionnel", a réagi Me Yassine Yakouti, avocat du couple.

"Ce sont des peines qu'on retrouve généralement au terme d'une Cour d'assises. On s'interroge sur l'opportunité d'avoir correctionnalisé une telle affaire", a-t-il ajouté.

Fehim Hamidovic, comme les autres prévenus, nie les faits qui lui sont reprochés, se disant victime des mensonges d'un clan adverse.

Vingt des 22 prévenus sont renvoyés notamment pour traite d'êtres humains, vols aggravés et provocation de mineurs à commettre des délits.

"UNE ENTITÉ PUISSANTE"

Le parquet a décrit lundi le clan Hamidovic, "une entité puissante, pérenne, professionnelle", comme un "vaste réseau de traite des êtres humains" avec un trafic, une économie souterraine, des gains et une protection en son sein.

Les jeunes filles, qui travaillaient par petits groupes, étaient encadrées par des intermédiaires qui récoltaient le fruit quotidien de leurs vols et le faisaient parvenir aux donneurs d'ordre, dans le Sud de la France, en Italie, en Espagne et en Belgique, selon l'accusation.

Si leur butin était jugé insuffisant, elles subissaient des violences, d'après plusieurs témoignages recueillis par la police. Les jeunes volaient deux à trois fois par jour, trois à quatre jours par semaine, pour une récolte moyenne de 300 euros quotidiens, selon l'enquête, qui a permis d'identifier une trentaine de voleurs.

Le chiffre d'affaires du clan est ainsi estimé à environ 1,3 millions d'euros pour l'année 2009.

Le parquet a distingué lundi quatre niveaux de responsabilités parmi les prévenus, des femmes voleuses et chefs d'équipes, exploitantes mais aussi exploitées en leur temps, aux détenteurs de l'autorité décisionnelle.

Il a ainsi demandé des peines plus clémentes à l'égard de ces femmes, avec par exemple trois ans de prison sans maintien en détention pour Vasvija, en maison d'arrêt depuis deux ans.

"J'ai toujours été l'esclave de quelqu'un", avait-elle dit en garde à vue, une phrase rappelée lundi par le procureur.

"Les réquisitions de Madame le procureur, c'est vraiment une opportunité, une chance pour elle de se réinsérer, et d'espérer avoir une autre vie", a dit son avocate, Servane Crosnier.

Dénonçant une "absence de liberté de parole à l'audience", le ministère public a estimé que les intermédiaires ne parlaient pas par "peur des représailles", et "peur de l'exclusion du clan". Il n'y a aucune partie civile dans ce procès. (Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)