Commission européenne

[Seul le texte prononcé fait foi]

Michel BARNIER

Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services

Pour un véritable marché intérieur de la défense, base de notre compétitivité industrielle et de notre indépendance stratégique

Conférence de haut niveau sur la Défense «Quel agenda pour l'industrie européenne de la Défense ?»

Bruxelles, le 4 mars 2014

Monsieur le Ministre,

Messieurs les Présidents,

Madame la Directrice exécutive,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre présence aujourd'hui à cette conférence qui intervient à un moment bien particulier pour l'Europe de la défense.

Le Conseil européen de décembre a permis d'insuffler une nouvelle dynamique à la Politique de Sécurité et de Défense Commune.

C'est maintenant à nous tous, Institutions européennes, experts des Etats membres, industriels de prendre le relais et d'apporter des réponses à la hauteur de l'engagement des chefs d'Etat et de gouvernement.

Nous n'avons pas le choix : les menaces globales comme le terrorisme, les cyberattaques, la piraterie, mais aussi les pandémies ou les risques environnementaux, nous rappellent tous les jours que, comme le disait Chris Patten, la défense de l'intérêt national ne peut être seulement nationale.

Dans un contexte de restriction budgétaire et de sophistication croissante des équipements, un nombre croissant de capacités deviennent hors d'atteinte pour certains Etats, chacun chez soi. Les lacunes capacitaires, même pour les Etats membres qui font aujourd'hui le plus d'efforts; Royaume-Uni, France ou Allemagne, est un véritable enjeu.

Une meilleure responsabilisation européenne est aussi une nécessité au moment où nos alliés américains ajustent leurs priorités stratégiques, notamment dans le Pacifique, et nous appellent ouvertement à prendre davantage de responsabilités pour notre sécurité et à mieux « partager le fardeau » au sein de l'Alliance atlantique.

Si nous voulons jouer demain un rôle actif dans le monde en disposant d'une véritable autonomie stratégique, nous devons progresser ensemble en matière de défense.

L'approche choisie est très claire : ce que nous ne pouvons plus faire seuls, nous devons le faire ensemble, entre alliés qui se connaissent et construisent la Paix ensemble depuis 60 ans.

C'est aussi un nouvel état d'esprit, moins concentré sur les intérêts particuliers et plus orienté vers notre intérêt collectif.

La défense est un domaine de souveraineté. La Commission peut donc surtout contribuer, aider et faciliter. Toutefois, elle ne peut agir qu'en coopération avec les Etats membres, et en lien avec l'Agence de défense.

Comment peut se traduire ce nouvel état d'esprit?

Je le résumerai en 2 mots : coopération et ouverture.

1- Les projets de coopération ont un rôle clé à jouer pour la consolidation de la demande et l'innovation.

Dans le domaine de la défense, c'est aux Etats membres de lancer de nouveaux projets. La Commission peut accompagner et soutenir ces projets, par exemple par la synchronisation des activités de recherche civile et militaire.

La future Action Préparatoire en matière de recherche militaire doit nous permettre de soutenir encore plus efficacement le développement commun de capacités de défense.

Toutefois, si nous voulons multiplier et mieux gérer les projets de coopération, la première condition est que les Etats membres harmonisent enfin leurs besoins et coordonnent étroitement leurs programmations nationales.

2- Le second axe pour assurer la participation au marché intérieur de la défense est l'accès aux appels d'offres nationaux.

Pour cela, nous devons d'abord appliquer les directives sur les marchés publics et les transferts. Le Conseil européen a réaffirmé ce point et la Commission est déterminée à veiller à la bonne application de ces directives.

Laissez-moi vous livrer ici quelques pistes en ce qui concerne le domaine dont j'ai la charge, le marché intérieur:

  • Nous allons établir un mécanisme de suivi du marché pour mieux comprendre leurs évolutions ;

  • Nous interviendrons si nécessaire auprès des Etats membres pour faire respecter les règles ;

  • Nous allons mieux définir et expliquer l'utilisation de certaines exclusions à l'obligation d'appliquer la directive « marché publics de la défense »;

  • Et nous allons veiller à la suppression progressive mais rapide des offsets et leur remplacement par des instruments non-discriminatoires.

Il ne s'agit naturellement pas de nier les spécificités des structures et des défis du marché de la défense.

Nous devons rechercher un équilibre entre, d'une part, les principes du Traité - notamment la transparence et la non-discrimination - et, d'autre part, les impératifs de sécurité - comme la sécurité d'approvisionnement et la confidentialité.

La directive de 2009 sur les marchés nous permet de trouver cet équilibre. Les Etats membres conservent bien entendu la possibilité de déroger aux règles européennes pour protéger leurs intérêts essentiels de sécurité [article 346 du Traité], mais dans un cadre désormais clarifié.

Autre particularité du marché de la défense : la forte concentration des capacités industrielles et des dépenses militaires dans un petit nombre d'Etats membres, notamment la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et la Suède (qui sont les signataires de la L.o.I).

Cette concentration ne doit pas nous faire oublier que d'autres Etats membres, comme par exemple les Pays-Bas et la Pologne, disposent également d'entreprises de défense, parfois importantes, qui cherchent leur place dans ce marché européen. Cette ambition est tout à fait légitime. La question est de savoir comment la réaliser.

Mais je reste profondément convaincu que ces directives offrent des opportunités non seulement pour les grandes entreprises, mais aussi pour les PME.

Par exemple, les dispositions de la directive « marchés publics » en matière de sous-traitance aident les PME à accéder aux chaînes d'approvisionnement des grands systémiers étrangers.

Autre élément important pour les PME, cette fois-ci dans la directive « transferts » : la possibilité de licences générales pour le transfert d'équipements ou de composants vers d'autres Etats membres, ce qui évite aux PME concernées d'avoir à demander une nouvelle autorisation pour chaque transfert.

C'est par l'utilisation de ces instruments que nous créerons un véritable marché intérieur et une base industrielle commune pour le secteur de la défense.

J'entends parfois que ces dispositions ne sont pas suffisantes. Je suis prêt à discuter avec vous des moyens de s'assurer qu'elles fonctionnent correctement et des autres instruments que nous pourrions utiliser pour faciliter l'accès des PME aux marchés. Nous avons organisé la semaine dernière une conférence avec l'industrie et les Etats membres sur ces questions, et nous allons continuer ce dialogue dans les mois qui viennent. Nous sommes donc prêts à explorer différentes options et à tester différents instruments.

Mesdames et Messieurs,

Le Conseil européen de décembre l'a dit clairement dans ses conclusions : les industries et les marchés de défense sont essentiels pour assurer l'autonomie stratégique de l'Europe. Ils ont notamment insisté sur « un marché de la défense qui fonctionne bien et qui repose sur l'ouverture, l'égalité de traitement et de chances et la transparence pour tous les fournisseurs européen. »

Après ces conclusions, le temps est désormais à la mise en œuvre.

Nous avons présenté aux Ministres de la défense, fin février, une feuille de route qui détaille plus clairement les différents calendriers de leur mis en œuvre. Il nous faut maintenant avancer concrètement, mais en concertation.

C'est tout l'enjeu de cette année 2014 et ce rendez-vous d'aujourd'hui, avec des hauts représentants des Etats membres, de la Présidence, du Parlement européen, des industriels, de l'Agence de défense, de nos services de la Commission, etc… doivent déjà commencer à avancer ensemble sur ce vaste chantier.

La Task Force qui avait été mise en place au sein de la Commission européenne poursuivra ses travaux, pour assurer la bonne mise en œuvre de ces conclusions. Je suis déterminé, avec mon collègue Antonio TAJANI et avec le soutien du Président BARROSO, à continuer à faire vivre ces questions au niveau politique, encore une fois, avec le Service d'Action Extérieure, l'Agence de Défense, les Etats membres et les industriels eux-mêmes.

Merci pour votre attention.


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