par Maggie Fick et Ali Abdelaty

LE CAIRE, 16 janvier (Reuters) - La nouvelle Constitution égyptienne a été approuvée à une écrasante majorité lors du référendum qui s'est déroulé mardi et mercredi, a annoncé dans la soirée un responsable du ministère de l'Intérieur.

Le général Abdel Fattah al Sissi, numéro un de l'armée, a laissé entendre qu'en cas de forte participation et de large victoire du "oui", il pourrait se "laisser convaincre" de se présenter à l'élection présidentielle qui devrait se tenir dès le mois d'avril.

"Le taux de participation pourrait dépasser les 55%, et sans doute plus de 95% (des votants) ont approuvé la Constitution", a déclaré le général Abdel Fattah Osman, directeur des relations publiques au ministère de l'Intérieur, cité par la chaîne de télévision satellitaire Al Hayat. L'agence de presse officielle Mena parle quant à elle de plus de 90% de "oui" dans les bureaux de vote dont les résultats ont été communiqués.

La Haute commission électorale a indiqué que les résultats officiels seraient annoncés "dans les 72 heures".

Abdel Fattah al Sissi est idolâtré par une partie de la population, qui voit en lui un "sauveur" capable de rétablir l'ordre après trois ans d'instabilité depuis la chute d'Hosni Moubarak en février 2011.

Ses partisans et les médias officiels ont présenté le référendum constitutionnel comme un plébiscite en sa faveur et un vote contre le "terrorisme", qualificatif dont sont désormais affublés les Frères musulmans.

"D'un point de vue technique, le scrutin s'est déroulé normalement", a jugé Dan Murphy, directeur du programme Democracy International et l'un des rares observateurs présents.

Alors que les Frères musulmans de Mohamed Morsi avaient appelé à boycotter le scrutin, pratiquement personne n'a fait campagne pour le "non", les quelques militants qui s'y sont risqués ayant été immédiatement arrêtés.

L'ARMÉE SANCTUARISÉE

Les organisations égyptiennes et internationales de défense des droits de l'homme ont dénoncé le "climat de haine et d'intimidation" entretenu par les médias égyptiens, notamment gouvernementaux.

La journée de mercredi s'est déroulée plus calmement que celle de mardi. Neuf personnes avaient été tuées pendant des manifestations en marge du vote. Le ministère de l'Intérieur a fait état de 444 arrestations pour "obstruction au scrutin" en deux jours.

Environ 1.500 partisans de Mohamed Morsi ont été tués et des milliers d'autres arrêtés depuis l'été dernier, dans un climat de tension entretenu par des attentats visant la police et l'armée et par des manifestations quasi-quotidiennes.

La répression visant au départ les islamistes s'est par la suite étendue à tous ceux qui ont essayé de contester l'autorité de l'armée, en particulier les jeunes révolutionnaires de 2011, dont plusieurs leaders ont été emprisonnés pour avoir dénoncé une loi restreignant le droit de manifester.

Malgré les critiques occidentales, les autorités égyptiennes ont dit s'en tenir à leur "feuille de route" en assurant vouloir créer un "Etat démocratique moderne".

La Constitution représente de ce point de vue une avancée par rapport au texte d'inspiration islamiste qui avait été largement approuvé par référendum il y a un an, soulignent les juristes, même si elle sanctuarise l'indépendance de l'armée par rapport au pouvoir civil.

La loi fondamentale assure ainsi aux généraux de rester les véritables maîtres du pays pendant les prochaines années. En première ligne, si le général Sissi brigue la présidence, ou dans les coulisses. (Tangi Salaün et Jean-Philippe Lefief pour le service français)