Francfort (awp/afp) - Réseau ferroviaire vétuste, retards incessants, grèves à répétition, soucis avec Bruxelles... La compagnie ferroviaire allemande Deutsche Bahn fait face à une avalanche de problèmes, et ses comptes ont déraillé l'an dernier.

La compagnie détenue à 100% par l'Etat allemand a fait état jeudi d'une perte nette de 2,35 milliards d'euros pour 2023, multipliée par dix en un an.

Cette mauvaise performance était anticipée, mais est pire qu'attendu, au moment où Deutsche Bahn doit dépenser des milliards d'euros pour rénover et étendre son réseau ferroviaire après des années de sous-investissement.

Seulement 64% des trains longue distance sont arrivés à l'heure l'an dernier, une baisse de 1 point de pourcentage par rapport à 2022.

"Notre problème est que la qualité et la disponibilité du réseau existant sont dans un état qui limite notre croissance", a reconnu le président de la compagnie, Richard Lutz, devant la presse.

On ne compte plus les interruptions de trafic en raison de travaux, de quoi ajouter à l'exaspération des voyageurs.

Le gouvernement allemand veut réduire les émissions de gaz à effet de serre de son polluant secteur des transports mais ses ambitions budgétaires ont été rognées par un arrêt à l'automne de la Cour constitutionnelle, au détriment de la modernisation du rail.

Manque de financements

Les dépenses d'investissement de Deutsche Bahn ont certes considérablement augmenté l'an dernier, avec une somme (nette des désinvestissements) record de 7,6 milliards d'euros.

Mais il faudra faire à l'avenir avec un soutien de l'Etat moins important que prévu: un plan de 45 milliards d'investissements publics d'ici 2027, annoncé en 2023, a été raboté à 30 milliards d'euros, carcan budgétaire oblige.

"Même si nous n'avons jamais eu autant d'argent pour (rénover) les infrastructures, il existe encore des déficits de financement", a reconnu Richard Lutz.

L'an dernier, la compagnie a même dû effectuer "des paiements anticipés" d'ordinaire avancés par l'Etat, car "la modernisation des infrastructures ne peut être reportée", a-t-il déploré.

Ces avances expliquent en partie la large perte, de même que le recul de la contribution venant de DB Schenker, la filiale dans la logistique terrestre, maritime et aérienne, qui est à vendre.

Son résultat d'exploitation a chuté de 38% sur un an à 1,1 milliard d'euros. En cause, les taux de fret qui se sont normalisés avec la fin de la pandémie de Covid-19.

La branche transport de voyageurs - dont la fréquentation a été dopée par l'abonnement mensuel à 49 euros mis en place par le gouvernement - a affiché une perte, tout comme la branche de fret ferroviaire DB Cargo.

Des subventions annuelles dont a bénéficié DB Cargo donnent du fil à retordre à l'Etat allemand, contre lequel la Commission de Bruxelles a lancé une procédure en infraction.

"Nous allons nous mettre d'accord avec la Commission sur une voie" de sortie, a assuré Sigrid Nikutta, directrice de DB Cargo.

Le groupe est aussi enlisé dans un conflit social avec les conducteurs de trains, qui lui a valu l'an dernier des grèves à répétition ayant coûté 200 millions d'euros. Ce bras de fer avec le syndicat de cheminot GDL sur le temps de travail et les salaires n'est toujours pas réglé, et les grèves ont repris depuis le début de l'année.

Les deux parties ont cependant l'espoir d'arriver dans un accord "dans les prochains jours", selon le directeur financier Levin Holle.

Retour dans le vert

Deutsche Bahn compte sur la vente de DB Schenker, qui pourrait rapporter des milliards, pour réduire la dette du groupe.

Une vingtaine d'acheteurs potentiels se sont manifestés avec des offres attendues prochainement, selon M. Holle.

Parmi ces candidats, plusieurs provenant du monde arabe dont l'un d'eux pourrait présenter la meilleure offre, selon le quotidien Handelsblatt.

Mais la conclusion de la vente "n'aura pas lieu cette année", a prévenu M. Holle.

Côté exploitation, la perte s'est élevée à 964 millions d'euros l'an dernier mais Deutsche Bahn s'attend à repasser dans le vert en 2024, pour plus d'un milliard d'euros, grâce aux remboursements par l'Etat des avances pour travaux de l'an dernier.

afp/rp