Crimée: une opportunité en Europe émergente ou un risque croissant pour les marchés?

La situation en Crimée soulève toute une série de questions, notamment pour les investisseurs institutionnels exposés à l'Europe émergente. Après le référendum du 16 mars, à l'issue duquel la grande majorité des votants de Crimée a opté pour un rattachement à la Russie, de nombreux dirigeants du monde se sont prononcés en faveur de sanctions contre la Russie. L'application de sanctions économiques semble de plus en plus probable. Même si ces mesures n'auront sans doute qu'un impact limité sur l'économie mondiale, l'escalade des tensions géopolitiques représente un risque qui ébranle aujourd'hui la confiance des investisseurs. Comment réagissent les marchés dans ce climat?

Philip Scrève, Senior Fund Manager Emerging Markets chez Candriam, explique:

  • "De réelles sanctions économiques sont peu probables car elles pourraient pénaliser davantage l'Europe occidentale que la Russie. Ce qui est vraiment préoccupant, c'est le risque d'un nouvel affaiblissement de la croissance économique et le risque d'escalade alors que se multiplient les provocations susceptibles de déclencher des hostilités."
  • "Le marché des actions russes restera probablement bridé par la crainte de nouvelles sanctions et d'une mise à l'écart. Mais ces sanctions pousseront aussi la Russie à se détourner de l'Europe et à renforcer ces relations vers l'Est alors que l'Europe occidentale continue de compter sur le gaz russe."

Les niveaux de valorisation des actions russes continuent de baisser et ont atteint aujourd'hui leur niveau plus bas depuis le conflit ayant opposé la Russie à la Géorgie en août 2008.

  • "En fait, le rouble (et la Hryvnia) ont perdu plus de 10% depuis le début de l'année. Alors que la Russie présente, en tant que pays, un bilan très robuste, certaines sociétés russes ont tendance à afficher des niveaux d'endettement externe très élevés.
  • "Mais lorsqu'on tente de déterminer le degré de vulnérabilité des actions, il faut reconnaître que, malgré une certaine réticence à l'égard des actifs russes compte tenu des circonstances actuelles, les entreprises russes continuent d'offrir des niveaux de rentabilité relativement élevés par rapport à leurs homologues de la région, et cela, à des niveaux de valorisation très attrayants."

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Veuillez vous adresser à:

Ralph Spillmann ou Kim Ghilardi

Communicators

+41 44 455 56 66

ralph.spillmann@communicators.ch ; kim.ghilardi@communicators.ch

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Crimée: une opportunité en Europe émergente ou un risque croissant pour les marchés?

Philip Scrève, Senior Fund Manager Emerging Markets chez Candriam

Les événements du mois dernier en Ukraine ont provoqué de nouvelles fuites de capitaux au détriment de l'Europe émergente. Les investisseurs internationaux se sont rués vers la sortie dès l'instant où, au risque économique, est venu s'ajouter un risque (géo)politique. La principale victime en a été le marché des actions russes, l'Ouest tentant d'isoler peu à peu le pays et de freiner ses intentions en lui imposant des sanctions. Les pertes ont frappé non seulement des sociétés russes mais aussi des entreprises exposées à l'Ukraine ou à la Russie. Que faut-il faire aujourd'hui : se montrer courageux et aller pêcher en eaux profondes ou attendre que la situation s'éclaircisse et voir comment évolueront les événements?

Contexte historique de l'Ukraine : un choix difficile entre l'Est et l'Ouest

Avec toutes les réserves qui s'imposent, on peut considérer l'ancien régime ukrainien comme le reflet d'un équilibre précaire pour un pays déchiré entre l'Est et l'Ouest et en piètre santé financière. Depuis son indépendance en 1991, le pays n'a bénéficié pratiquement d'aucun investissement. Pire que cela : les changements successifs de gouvernement et la corruption à outrance ont concentré la richesse du pays dans les mains d'un petit nombre, alors que la pauvreté gagnait de plus en plus l'ensemble de la population. Rien d'étonnant dès lors à ce que les gens soient descendus dans la rue, croyant aux promesses d'adhésion à l'UE et aux rêves de changements rapides vers des jours meilleurs.

A présent que Kiev devient une destination de plus en plus prisée des dirigeants politiques occidentaux, il n'est pas inutile de rappeler l'origine du conflit : le refus de l'Ukraine et/ou son incapacité à choisir entre l'Est et l'Ouest. L'Ukraine se considère comme une passerelle entre l'Europe occidentale et l'Europe orientale. La pression exercée sur l'Ukraine pour qu'elle choisisse l'un ou l'autre des deux camps ne peut mener qu'à une fracture de plus en plus marquée du pays. Si les discussions sur l'accord d'association avec l'UE ont été aussi longues et difficiles, c'est parce que les avantages proposés ont été jugés insuffisants par les anciens dirigeants du pays, surtout sur le plan financier. D'un point de vue économique, une association économique avec l'UE signifierait une ouverture des frontières aux importations occidentales bon marché et de nombreuses années difficiles pour l'industrie dépassée et non concurrentielle de l'Ukraine. Une situation qui se verrait encore aggravée par la fermeture probable du marché russe, lucratif, et la fin du gaz bon marché en provenance de Russie.

L'accord d'association que l'UE propose à l'Ukraine entre en concurrence directe avec le projet eurasien de la Russie. Ces deux projets ne sont pas absolument pas compatibles. Le projet d'Union eurasienne du Président Poutine est un plan économique et stratégique visant à ressouder la Russie, le Belarus, l'Ukraine et l'Asie centrale. L'idée a germé suite aux frustrations engendrées par l'expansion de l'OTAN à l'Est et l'absence d'avantages économiques ou de reconnaissance politique après l'acceptation par la Russie de secours occidentaux durant l'ère Yeltsin. L'Ukraine joue un rôle central dans le projet eurasien. Non seulement l'industrie ukrainienne est relativement intégrée à celle de la Russie, mais elle est aussi, dans une certaine mesure, dépendante du gaz russe bon marché et des exportations vers la Russie, surtout dans la partie orientale du pays. La volonté des Russes d'offrir 15 milliards USD pour l'adhésion de l'Ukraine à l'Union eurasienne, avant le départ de Yanukovitch, souligne toute l'importance que représente ce pays pour la Russie. L'Ukraine est la principale voie de transit du gaz russe vers l'Europe et abrite la flotte russe de la Mer Noire.

La Russie se montre extrêmement méfiante face aux événements qui se sont déroulés récemment en Ukraine. L'histoire a montré comment l'Ouest avait « absorbé » d'anciens états et républiques satellites soviétiques, généralement sans tenir compte des droits des minorités russes établies dans ces régions. Les récents événements de Crimée dévoilent toute la frustration des habitants locaux par rapport au nouveau régime de Kiev et la crainte de se voir, à terme, relayés au rang de citoyens de seconde classe.

Ils ont choisi proactivement de se séparer de l'Ukraine. Malgré toute la rhétorique occidentale et le battage médiatique concernant les sanctions, la plupart semblent avoir déjà accepté la réalité d'une Crimée réintégrée à la Russie. Le risque se situe dans le précédent et l'exemple que crée une telle évolution. Dans de nombreuses régions allant des zones orientale et méridionale de l'Ukraine, à la Transnistrie, la Lettonie ou à l'Estonie, vivent des minorités ou ethnies russes qui pourraient être tentées de suivre l'exemple criméen.

Des manifestations pro-russes continuent de se dérouler dans les grandes villes industrielles de l'Est de l'Ukraine. Quant à la Transnistrie, enclave entre la République de Moldovie et l'Ukraine, elle a déjà demandé de rejoindre la Russie. Le risque de nouvelles escalades continuera sans doute de dicter l'évolution à la hausse ou à la baisse des marchés de la région.

Les élections ukrainiennes prévues pour le 25 mai 2014 apporteront peut-être quelque apaisement, même s'il reste à voir s'il sera possible de mettre en place un gouvernement plus « représentatif », acceptable par les factions orientales et occidentales du pays et capable de trouver une issue honorable pour tous à la crise. Si la cohésion de l'Ukraine est maintenue à terme, de nouvelles réformes constitutionnelles seront nécessaires pour lui conférer une plus grande autonomie, à l'égard tant de l'Est que de l'Ouest. La majeure partie de l'industrie (lourde) ukrainienne est concentrée dans la partie orientale du pays, qui est aussi la région la plus lucrative. Il est peu probable que l'Ukraine orientale, où vit une importante communauté russophone, soit prête à financer un régime basé à Kiev jugé hostile.

Sanctions occidentales : un véritable risque pour le marché des actions russes?

Entretemps, le marché des actions russes restera probablement bridé par la crainte d'un isolement et de nouvelles sanctions. La question qui se pose cependant est de savoir dans quelle mesure ces sanctions peuvent être efficaces dans un monde globalisé, où la plus large part des exportations russes est constituée de matières premières - dont l'Ouest est partiellement dépendante. Certaines entreprises, certains secteurs, risquent d'être pénalisés en raison des hausses de coûts qu'entraîneront les sanctions, mais les alternatives ne tarderont pas à faire leur apparition. La Russie dépend de la technologie occidentale dans certains domaines, mais elle trouvera des alternatives. La croissance économique russe risque de se dégrader, mais il en ira de même pour la croissance en Europe occidentale, suite à la perte de marchés d'exportation lucratifs à l'Est.

L'équilibre des forces entre la Russie et l'Ouest est en train de basculer. Il est peu probable qu'une Russie en pleine résurgence ne laisse entièrement tomber aux mains de l'Ouest une ancienne république soviétique aussi importante sur le plan géostratégique. L'Ouest devra s'accommoder de cette nouvelle réalité. Les sanctions et les tentatives d'isolement pousseront la Russie à réorienter davantage son développement vers l'Est et à prendre ses distances à l'égard de l'Europe. Quant à l'Europe, elle restera dépendante du gaz russe, une dépendance qui ne diminuera sans doute pas, sauf si nous sommes prêts à y mettre le prix. L'Ukraine dépend entièrement du gaz russe. Alors que le gaz de schiste et le GNL sont souvent présentés comme des alternatives susceptibles de changer la donne, il est incontestable que toutes deux nécessitent d'importants investissements et des prix élevés du gaz pour être économiquement viables.

Les niveaux de valorisation des actions russes ont continué à se dégrader et atteint des records de baisse inédits depuis le conflit Russie-Géorgie en août 2008. La crainte de sanctions est surtout d'ordre psychologique. De réelles sanctions économiques sont peu probables car elles risqueraient de pénaliser davantage l'Europe occidentale que la Russie. La véritable crainte porte sur un nouvel affaiblissement de la croissance économique (vulnérable au moindre indice de sanction) et le risque d'escalade alors que les provocations susceptibles de déclencher des hostilités se multiplient. Ces dernières années, la croissance économique s'est ralentie en Russie et il est peu probable qu'elle reparte résolument à la hausse à brève échéance. Des réformes sont mises en œuvre, mais elles ne donneront des résultats qu'à plus long terme. La croissance reste vulnérable à toute chute des prix pétroliers et/ou à la dégradation de l'environnement des marchés émergents.

Bien que nous ne soyons pas particulièrement tentés par les actifs russes dans les conditions actuelles, il faut reconnaitre que les sociétés russes continuent de présenter des niveaux de rentabilité relativement élevés par rapport à leurs homologues de la région, et cela, à des niveaux très attrayants. Les risques sont, évidemment, très nombreux. Le rouble (et la Hryvnia) ont perdu plus de 10% depuis le début de l'année. Si la Russie présente, en tant que pays, un bilan extrêmement solide, certaines entreprises russes ont tendance à avoir des niveaux d'endettement externe très élevés. L'affaiblissement du rouble bénéficiera sans aucun doute aux exportateurs dont les revenus sont en dollars et dont la base de coûts est en roubles. Mais une large part du profit risque d'aller dans les caisses de l'Etat russe en raison du niveau élevé des taxes marginales. D'une façon générale, un rouble plus faible devrait être favorable à la position concurrentielle de la Russie, et donner un coup de fouet à la production locale.

Sélection d'actions

Ceux qui ont suffisamment de courage peuvent commencer à s'intéresser à certaines entreprises aux bonnes performances, même en ces temps difficiles. Plusieurs sociétés IT cotées au Nasdaq - comme EPAM ou LXFT - continuent d'afficher une solide croissance et à générer la majeure partie de leur chiffre d'affaires à l'Ouest, mais leurs centres de services sont disséminés en Europe centrale et orientale - des régions qui sont clairement bénéficiaires de l'affaiblissement des devises locales Autre exemple : MHP. Coté à Londres, ce consortium de volaille ukrainien très rentable et intégré verticalement, dont une partie des activités se trouve en Crimée, bénéficiera probablement à terme d'un accès plus aisé au marché russe, plus lucratif. Enfin, dernier exemple, Magnit, le fleuron russe de la distribution alimentaire. Le cours de l'action a subi une correction de 20%, comme l'ensemble du marché russe, et représente un acteur relativement défensif, intéressant dans la perspective d'une amelioration des marchés actions russes.




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