Jeudi 9 avril, les ministres des Finances de la zone euro, auxquels étaient associés les États hors zone, ont trouvé un accord. Une réponse économique et politique coordonnée saluée par Yvan Ricordeau, secrétaire national chargé des questions européennes. « Cet accord constitue une réponse économique massive et concrète par la mise à disposition de tous les États membres de moyens financiers prenant en compte les enjeux sociaux, notamment le chômage partiel. Outre le fait qu'il intervient dans le domaine sanitaire [qui ne relève pourtant pas de la compétence européenne], cet accord a également une signification politique. Il redonne du sens à la solidarité européenne en enclenchant un mécanisme de mutualisation des dettes. Les grands pays européens, dont l'Allemagne, sont aujourd'hui plus alignés qu'ils ne l'étaient auparavant. »

Dangereuses dissensions

Cent milliards pour soutenir le chômage partiel

Au moment où les pays de l'UE sont à l'arrêt et où le chômage fait un bond historique, le fonds appelé SURE tombe à pic. Ce dispositif, récemment proposé par la Commission européenne, doit permettre le déblocage de prêts aux pays qui mettent en place des mécanismes de chômage partiel ou des équivalents en vue de favoriser leur généralisation. Il constitue également une forte incitation en direction des pays qui ne disposent pas de ce dispositif (notamment certains pays de l'est de l'Europe) de s'y inscrire pour limiter au minimum la casse sociale provoquée par la crise sanitaire dans de nombreux secteurs. Rappelons que près de 15 millions de travailleurs européens sont aujourd'hui en situation précaire à cause du coronavirus. La France compte à elle seule 8 millions de salariés en chômage partiel, tandis que l'Espagne a enregistré 300 000 chômeurs de plus depuis le début de la crise.

« En créant ce fonds de 100 milliards d'euros pour aider les pays qui ont recours au chômage partiel, la Commission von der Leyen est au rendez-vous et envoie un message fort, rapide et répond à une demande du mouvement syndical européen, constate Yvan Ricordeau. Lors de la crise de 2008, il avait fallu attendre plusieurs mois une réponse de la Commission européenne. » Concrètement, le fonds SURE prend la forme d'une garantie de prêt de la Commission pour les États membres à hauteur de 100 milliards. « Ce n'est pas le dispositif de réassurance-chômage européenne que revendiquent la CFDT et la CES. En revanche, il pose la première brique d'une solidarité européenne face au chômage. »

Jusqu'alors, les égoïsmes nationaux prévalaient. Au point que Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, était sorti de sa réserve pour qualifier de « danger mortel » les dissensions au sein de l'UE. Le Conseil européen du 16 mars s'était achevé sur un échec. La réunion de l'Eurogroupe (celle des ministres des Finances de la zone euro) du 7 avril n'avait pas non plus abouti après seize heures de négociations malgré les exhortations d'Européens convaincus, Confédération européenne des syndicats (CES) en tête. Après avoir qualifié l'attitude européenne d'inacceptable dans les médias, Laurent Berger, en sa qualité de président de la CES, s'était même fendu d'un courrier à Bruno Le Maire dans lequel il enjoignait le ministre français des Finances à tout mettre en œuvre pour parvenir à un accord et « sortir ensemble de la crise qui nous frappe tous ». Le premier signal positif viendra de la Banque centrale européenne (BCE), qui annonçait le rachat de 750 milliards d'euros de dette des pays européens en sus des 120 milliards décidés auparavant - permettant ainsi de pouvoir continuer à emprunter à des taux bas.

Mais l'accord du 9 avril va plus loin en matière de coordination en mettant en place trois fonds distincts pour un montant total de 540 milliards d'euros. Le premier relève du Mécanisme européen de stabilité (MES) créé en 2012 à la suite de la crise financière de 2008. D'un montant de 240 milliards d'euros, il est destiné aux dépenses directement ou indirectement liées à la crise sanitaire (équipements hospitaliers, salaires des soignants, etc.). Grâce à ce fonds, chaque pays de l'Union pourra emprunter l'équivalent de 2 % de son PIB sans se voir contraint de mener des politiques d'austérité, comme cela avait été le cas lors de la crise grecque. C'était notamment la crainte de l'Italie et de l'Espagne quand, a contrario, les pays du Nord (Allemagne et Pays-Bas en tête) refusaient de se montrer solidaires en raison de la « mauvaise gestion » de ces pays.

Le deuxième fonds, de 200 milliards d'euros, est une garantie de prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI) destinée aux entreprises, notamment aux PME et TPE pour faire face à leurs difficultés de trésorerie liées à l'absence ou à la réduction de leur activité. Le troisième fonds, d'un montant de 100 milliards, est un prêt garanti par la Commission européenne visant à soutenir le chômage partiel (lire l'encadré).

Fonds de relance économique

Parallèlement, l'accord prévoit la création d'un fonds de relance économique pour soutenir l'activité une fois la crise sanitaire passée. Le montant évoqué est de 500 milliards supplémentaires. Mais rien n'est précisé sur la forme, les modalités de recours ou les éventuelles conditionnalités. Ce fonds pourrait être abondé par les fameux « corona bonds », qui sont en fait des obligations. « Pour l'heure, il semble difficile d'aller plus loin dans la mutualisation des dettes des pays européens, mais cela reste une exigence de la CES et de la CFDT », affirme Yvan Ricordeau. Ce premier pas de solidarité accompli par les ministres européens des Finances devrait être validé par le Conseil européen des chefs d'États et de gouvernement qui doit se tenir cette semaine.

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