Shanghai (awp/afp) - La croissance économique chinoise n'a ralenti que faiblement au deuxième trimestre 2018, l'impact des tensions commerciales croissantes avec les Etats-Unis n'ayant pas encore été ressenti, selon un panel d'experts interrogés vendredi par l'AFP.

La Chine devrait annoncer officiellement lundi que le Produit intérieur brut (PIB) de la deuxième économie mondiale a enregistré une croissance de 6,7% entre avril et juin, selon la prévision médiane de 13 analystes interrogés par l'AFP.

Cela correspondrait à un recul de 0,1 point de pourcentage par rapport au premier trimestre, où la Chine avait vu sa croissance économique se stabiliser à 6,8%, résistant mieux qu'attendu sur fond de consommation robuste.

Selon les experts, le long conflit commercial qui porte sur des dizaines de milliards de dollars de taxes douanières sur les échanges de biens entre les deux premières puissances économiques mondiales - qui sont officiellement entrées en vigueur la semaine dernière - ne devrait pas avoir de fortes conséquences avant l'année prochaine, si la guerre se poursuivait.

Les Etats-Unis ont tiré mardi une nouvelle salve en dressant une liste supplémentaire de produits chinois importés, d'un montant de 200 milliards de dollars par an, qu'ils menacent de taxer à hauteur de 10% dès septembre.

Le lendemain, Pékin a averti qu'il prendrait "des mesures de représailles nécessaires" si Washington mettait sa menace à exécution.

Les deux pays se sont déjà mutuellement imposé le 6 juillet des droits de douane de 25% sur 34 milliards de dollars d'importations annuelles.

Les exportations sont le moteur traditionnel de l'économie chinoise et le total des taxes douanières appliquées ou annoncées par Washington visent une large gamme de biens, dont les voitures, les machines, l'électronique et les appareils ménagers.

Si le président américain Donald Trump met à exécution ses dernières menaces, les Etats-Unis auront imposé des tarifs douaniers sur environ la moitié des biens du montant total des exportations chinoises vers ce pays.

Les experts du cabinet Capital Economics estiment que l'impact cumulé des mesures actuelles américaines pourrait potentiellement réduire l'économie globale de la Chine de 0,5 point de pourcentage, mais que les conséquences pourraient être plus fortes si les tensions s'aggravaient.

Dans ce face-à-face, la Chine est désavantagée: la Chine importe presque quatre fois moins qu'elle n'exporte vers les Etats-Unis.

Mesures de rétorsion

Si la guerre commerciale s'intensifiait, la Chine devra prendre des mesures de rétorsion dans le secteur des services et de l'investissement et devra multiplier les obstacles pour les entreprises américaines présentes en Chine, estime Liao Qun, chef économiste à Citic Bank International.

"On commencera à véritablement ressentir l'impact l'année prochaine. Et si c'est une guerre commerciale totale, selon le pire scénario, la croissance du PIB pourrait tomber sous les 5%", ajoute Liao Qun.

Tianjie He de Oxford Economics juge, pour sa part, que la croissance économique pourrait être amputée de jusqu'à 0,2 point de pourcentage si les Etats-Unis devaient appliquer les 200 milliards de dollars de taxes douanières supplémentaires et que la Chine rétorque.

"En dehors de l'impact sur la croissance du PIB, l'incertitude supplémentaire pèse déjà sur la confiance des entreprises et incite à reporter les investissements. Au-delà, la guerre commerciale pèsera sur la croissance, la confiance, les marchés financiers et les chaînes d'approvisionnement", ajoute Tianjie He.

L'indice composite de la Bourse de Shanghai a d'ores et déjà chuté de 14% cette année du fait des tensions sino-américaines.

Liao Qun estime qu'à court terme, la Chine - qui a lancé une campagne pour juguler l'endettement (plus de 250% du PIB) et les risques financiers - pourrait légèrement changer de méthode et assouplir la politique monétaire pour soutenir la croissance économique et aider les exportateurs.

A long terme, la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis pourrait inciter Pékin à accentuer la politique qu'il mène pour développer la demande intérieure, ce qui pourrait protéger le pays face aux fluctuations des exportations mondiales.

"Le meilleur scénario serait que les Etats-Unis reculent. Si les Etats-Unis montrent qu'ils ont l'intention de reculer, alors la Chine pourrait sûrement accepter un compromis", juge M. Liao.

"Mais il est très difficile de prédire ce que les Etats-Unis vont faire".

afp/jh