Pékin (awp/afp) - La croissance économique de la Chine devrait avoir légèrement ralenti au troisième trimestre tout en demeurant robuste, selon un panel d'experts sondés par l'AFP, avant la publication jeudi de ce chiffre en plein congrès quinquennal du Parti communiste au pouvoir.

D'après la prévision médiane de 14 experts, la croissance du produit intérieur brut de la deuxième économie mondiale s'est établie à près de 6,8%, 6,75% très précisément, sur les trois mois de juillet à septembre, contre 6,9% au 1er comme au 2e trimestres.

La conjoncture avait été dopée sur la première moitié de l'année par une embardée du crédit et des dépenses publiques d'infrastructures, sur fond de sursaut de l'immobilier et du commerce extérieur.

Depuis, le tableau s'est assombri: essoufflement des exportations; ralentissement de la production industrielle et des ventes de détail; refroidissement du marché immobilier, encadré plus drastiquement.

Certes, un indicateur officiel fait état pour septembre d'un sursaut de l'activité manufacturière et le gouverneur de la banque centrale Zhou Xiaochuan a estimé ce week-end que la croissance pourrait accélérer à 7% au second semestre.

Les experts se montrent moins optimistes: "il y a, intentionnellement ou non, un durcissement de politique" économique, indique à l'AFP Liao Qun, chef économiste de Citic Bank International.

Soucieux de dégonfler une dette colossale, le régime tend à diminuer les liquidités disponibles et les investissements publics. Mais aussi à durcir le ton contre le secteur financier, pour réduire les créances douteuses et juguler les crédits non régulés, quitte à compliquer le financement de l'activité.

PRESSION SUR L'IMMOBILIER

Autre facteur pénalisant: des réductions plus marquées des surcapacités industrielles, en premier lieu celles des groupes étatiques sidérurgiques ou miniers, dans le cadre du rééquilibrage économique prôné par Pékin.

"Le gouvernement se montre encore plus volontaire dans sa lutte contre la pollution ces derniers temps, avec un plan très ambitieux de baisse de production (des industries lourdes) pour l'hiver dans le nord-est", région touchée par une pollution chronique, indique Claire Huang, de Société Générale.

De quoi "affecter probablement très douloureusement la production industrielle" et pénaliser encore davantage la croissance au 4e trimestre, prévient-elle.

Enfin, concernant le crucial secteur immobilier, les grandes métropoles continuent de restreindre les conditions d'achat et de vente des logements pour endiguer spéculation et flambée des prix, largement alimentées à crédit.

"Les réglementations deviennent plus restrictives dans un nombre croissant de villes" et ce d'autant que les autorités tentent d'introduire "davantage d'équité" sur ce marché très discriminant, souligne Larry Hu, analyste de Macquarie.

Par contagion, "les faiblesses du secteur immobilier ont probablement plombé le secteur des services" ces derniers mois, abonde-t-on chez Bank of America-Merrill Lynch.

Le chiffre officiel du PIB trimestriel, dont la fiabilité est souvent contestée, sera dévoilé jeudi, au lendemain de l'ouverture du XIXe congrès du Parti communiste chinois, qui verra reconduit à sa tête le président Xi Jinping.

A l'approche de cette grand-messe quinquennale, marquée par un vaste remaniement de l'équipe dirigeante, les médias d'Etat célèbrent en choeur les succès économiques du régime.

Or, une modération de la croissance n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle, car elle reflète la "marge de manoeuvre" accrue des autorités pour muscler leur lutte contre l'endettement, nouveau credo de Pékin, fait valoir Liao Qun.

L'agence de notation Standard & Poor's, après Moody's, a abaissé la note du pays en raison des risques liés à sa dette, également pointés de façon alarmiste par le Fonds monétaire international.

Or, "le gouvernement a tellement bien réussi au premier semestre qu'il peut se permettre de relâcher ses mesures de soutien" à l'activité, observe M. Liao. La croissance du premier semestre (+6,9%) se situe très au-delà de l'objectif que s'est fixé Pékin pour 2017 ("environ 6,5%").

Ce répit pourrait permettre d'intensifier les réductions de surcapacités, le durcissement à l'égard du secteur financier et les efforts de désendettement, tout en tolérant une pression modérée sur l'activité.

Pour l'ensemble de 2017, la prévision médiane de onze des experts sondés par l'AFP s'approche des 6,8%, avec une hausse de 6,74%, soit très légèrement plus qu'en 2016 (6,7%), qui marquait la plus faible croissance du géant asiatique depuis 26 ans.

afp/ol