(Reuters) - Le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, s'est présenté jeudi comme le seul à même de sortir la France de "sa situation de blocage", répétant sa volonté d'accéder à Matignon en obtenant pour cela la majorité absolue lors du second tour dimanche des élections législatives anticipées.

Parmi les invités d'une émission spéciale sur France 2 destinée selon la chaîne à "répondre aux questions des Français" avant le second tour, Jordan Bardella s'est justifié de poser comme condition pour devenir Premier ministre de disposer d'une majorité absolue - une réponse aux critiques formulées notamment mercredi soir sur BFM TV par Marine Tondelier, la secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV).

"Comment voulez-vous gouverner avec une majorité relative ? Au bout d'une semaine, mon gouvernement tombe avec une motion de censure votée par tous mes opposants", a-t-il dit.

"Je ne veux pas que mon pays soit bloqué, qu'il continue de vivre dans une situation de blocage (...) Je suis le seul à pouvoir obtenir une majorité absolue", a poursuivi le président du RN, disant proposer une "alternance respectable" après le "chaos" de l'exécutif actuel.

Un sondage Ifop-Fiducial pour LCI, Le Figaro et Sud Radio diffusé jeudi indique que le RN et ses alliés remporteraient entre 210 et 240 sièges, soit un total insuffisant pour obtenir la majorité de 289 sièges à l'Assemblée nationale.

"S'il n'y a pas de majorité, la solution pour sortir de l'impasse" est que le président Emmanuel Macron "s'en aille", a déclaré de son côté Jean-Luc Mélenchon lors du journal de 20 Heures de TF1.

"HIÉRARCHIE DES PÉRILS"

Le chef de file de La France Insoumise (LFI), écarté des discussions au Nouveau Front populaire (NFP) sur l'identité du potentiel Premier ministre de gauche, est "le seul" pensant encore qu'il peut accéder à Matignon, a dit Raphaël Glucksmann (Place Publique) sur France 2, dans la lignée de commentaires de Marine Tondelier la veille sur BFM TV.

Admettant qu'il n'y aurait "pas de majorité absolue de gauche" ni de majorité macroniste, l'eurodéputé a déclaré qu'il serait "catastrophique" que le RN soit massivement représenté à l'Assemblée nationale à l'issue du scrutin.

Citant l'"exigence politique et morale" de faire blocage au RN pour éviter de voir la France "tomber dans l'abîme" et "la démocratie se faire marcher dessus", Raphaël Glucksmann a reproché à Jordan Bardella de vouloir "trier nos Français". "Ce n'est pas redresser notre pays, c'est l'abaisser", a-t-il dit.

Interrogé sur les critiques à l'encontre du NFP pour son rapprochement avec le camp présidentiel, entre accords de désistement et discussions sur une éventuelle "coalition" face à l'extrême droite, il a évoqué une "hiérarchie des périls".

"Le projet, c'est de barrer la route au pire", a répondu Raphaël Glucksmann, justifiant la possibilité de voter "pour des gens dont on ne partage pas les idées" afin d'"éviter une catastrophe". "On est entré dans un moment politique tellement insensé, tellement vertigineux, qu'il a fallu faire des choix politiques difficiles", a poursuivi l'eurodéputé.

Jordan Bardella a reproché jeudi soir à la gauche de ne pas écarter ses candidats "problématiques", dont un "classé fichier S", assurant à nouveau avoir de son côté mis à la porte les "brebis galeuses" du RN - au nombre de cinq, selon lui.

"PERDITION"

Le Premier ministre Gabriel Attal, troisième à s'exprimer sur France 2, a pour sa part évoqué une "forme de perdition" du RN ces dernières semaines, entre marche arrière sur des promesses de campagne et des "candidats qui tombent les uns après les autres" au fil de révélations de commentaires sexistes, racistes, antisémites ou homophobes.

"Je défendrai les droits de tous les Français", s'était défendu au préalable Jordan Bardella, se présentant notamment comme le défenseur des droits des femmes. "Nous ne sommes pas opposés à l'IVG", a-t-il dit, ajoutant être "favorable" à l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution.

Évitant une nouvelle fois de se prononcer sur son avenir à Matignon ou de juger de la pertinence du choix du président Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale - "je ne suis pas là pour regarder dans le rétroviseur" -, Gabriel Attal a reconnu l'échec du camp présidentiel à endiguer la montée de l'extrême droite qui, a-t-il noté, ne se limite pas à la France.

Il a répété que l'exécutif actuel avait entendu le message des électeurs de "faire différemment", disant avoir des "propositions fortes, sur la sécurité et le pouvoir d'achat", quand d'autres candidats ont "promis tout et n'importe quoi".

A ceux qui craignent une incertitude parlementaire en cas d'absence de majorité absolue, Raphaël Glucksmann a pour sa part a écarté le risque de "chaos". "La France peut devenir une démocratie parlementaire. L'incertitude, ce n'est pas forcément le chaos (...) Comme au Parlement européen, (...) on essaiera de convaincre" ceux ayant des opinions divergentes, a-t-il dit.

Cette émission spéciale se déroulait au lendemain de l'agression de la porte-parole du gouvernement, Prisca Thévenot, et de son équipe alors qu'ils collaient des affiches électorales à Meudon (Hauts-de-Seine), un incident condamné unanimement par la classe politique qui illustre les tensions en amont du second tour du scrutin.

(Rédigé par Jean Terzian)