L'indice mondial d'ICE BofA qui suit les obligations Additional Tier 1 (AT1) a enregistré un rendement de 14% depuis la clôture des marchés le 20 mars. Ce jour-là, les autorités suisses avaient annoncé que 17 milliards de dollars d'obligations AT1 du Crédit suisse seraient effacées lors de la fusion forcée avec UBS. Le marché s'était alors effondré.

Les rendements à deux chiffres des AT1 depuis lors contrastent fortement avec le rendement nul des obligations d'entreprises mondiales, le rendement de 4% des obligations de mauvaise qualité et la perte de 3% des obligations d'État au cours de cette période. "Le marché des AT1 est revenu de loin et s'est normalisé", explique Dillon Lancaster, gestionnaire de fonds chez TwentyFour Asset Management, qui détenait des titres de créance AT1 du Credit Suisse.

Haut rendement, risque élevé

Les AT1 servent d'amortisseurs si les niveaux de capital d'une banque tombent en dessous d'un certain seuil. Ils ont été conçus par les régulateurs à la suite de la crise financière mondiale dans le cadre des efforts visant à imposer les pertes aux investisseurs avant les contribuables. Dans le cadre du sauvetage du Credit Suisse, les détenteurs d'obligations AT1 du Credit Suisse n'ont rien reçu, tandis que les actionnaires, qui ont généralement un rang inférieur à celui des détenteurs d'obligations lorsqu'une banque s'effondre, ont reçu 3,23 milliards de dollars.

Le marché est toujours vivant

La reprise du marché est une bonne nouvelle pour les régulateurs européens et asiatiques qui, en mars, se sont empressés d'assurer aux détenteurs d'obligations qu'ils ne répéteraient pas l'opération du régulateur suisse… Même si c'est exactement pour ça que ces produits ont été conçus. Les rendements des obligations AT1, qui avaient atteint des niveaux tels que les investisseurs se demandaient si les banques n'allaient pas racheter leur dette, ont baissé depuis. Les remboursements d'obligations AT1 par de grands établissements tels que BBVA, Barclays, UniCredit et Lloyds ont contribué à apaiser ces inquiétudes.

Les obligations AT1 sont perpétuelles, mais les banques ont la possibilité de les racheter après un certain nombre d'années et le font la plupart du temps, ce qui permet de contenir les coûts d'emprunt et de réduire le risque pour les détenteurs d'obligations. Depuis le mois de juin, certaines banques européennes ont recommencé à vendre de la dette AT1. BNP Paribas est la dernière en date à avoir constaté une forte demande pour une vente de dette sur le marché américain la semaine dernière. Les bénéfices élevés des banques ont également contribué à cette évolution.

Laurent Frings, responsable de la recherche sur le crédit en Europe chez Aegon Asset Management, précise "Une grande partie du stress post-Credit Suisse a été dissipée". Il estime que la dette AT1 offrait toujours de la valeur aux investisseurs par rapport aux autres dettes bancaires et aux obligations de pacotille des entreprises.

Des rendements qui restent élevés

Même après une reprise, la dette AT1 paie toujours une prime de risque plus élevée qu'avant le sauvetage du Credit Suisse, selon l'indice de BofA. Les AT1 de nombreuses banques se négocient avec des rendements plus élevés qu'avant la crise du Credit Suisse. Ainsi un AT1 en USD de la Deutsche Bank remboursable en 2025 se négocie avec un rendement de 14%, contre environ 10% au début du mois de mars. Chez UBS même, un AT1 en USD remboursable en 2027 offre un rendement de 11%, contre environ 9% avant la crise.

Une augmentation du rendement supplémentaire des AT1 européens par rapport aux obligations junks d'entreprises européennes reflète des perspectives incertaines pour le marché, selon une note récente de Goldman Sachs. "La réversion complète de la prime AT1 dépend de la capacité de la classe d'actifs à attirer de nouveaux acheteurs, un processus qui prendra probablement un certain temps", écrit la banque américaine. UniCredit a récemment revu à la hausse ses prévisions de ventes de dette AT1 pour l'ensemble de l'année à 20 milliards d'euros, contre 15 milliards précédemment.