par Jean-Baptiste Vey

PARIS, 30 avril (Reuters) - La satisfaction des chefs d'entreprise après les annonces de François Hollande en faveur de l'entreprenariat pourrait n'offrir qu'un répit de courte durée au président français, déjà pressé d'aller plus loin face à une conjoncture calamiteuse.

Comme un lendemain de fête douloureux, la présentation ce mardi de la proposition de loi socialiste sur la reprise de sites industriels rentables a fait bondir les patrons français, qui ont dénoncé un manque de cohérence de l'exécutif.

Surtout, la situation économique ne montre aucun signe d'amélioration, avec une consommation fragile, la poursuite de la hausse du chômage, des déficits publics difficiles à freiner et un déficit du commerce extérieur toujours aussi massif.

Et une situation des entreprises très fragilisée.

A l'Elysée, à Matignon et à Bercy, on veut croire que les "malentendus" de l'époque de la fronde des "Pigeons" ont été enterrés, ce que les réactions des représentants des entreprises aux annonces du chef de l'Etat semblent en partie attester.

"Les Assises de l'entrepreneuriat ont permis au président de la République d'affirmer sa confiance dans le monde de l'entreprise", s'est réjouie l'organisation patronale CGPME.

Particulièrement saluées, les nouvelles règles de taxation des plus-values mobilières s'appliqueront aux cessions effectuées depuis le 1er janvier dernier, sauf quand les règles antérieures étaient plus avantageuses, a précisé mardi une source proche du ministre de l'Economie, Pierre Moscovici.

Malheureusement pour l'exécutif, les derniers indicateurs macroéconomiques décrivent une réalité sombre pour les entreprises, et pas de perspective positive à court terme.

"FRAGILITÉ DURABLE"

Baromètre de la confiance des chefs d'entreprise, l'indicateur du climat des affaires a atteint en avril son plus bas niveau depuis 2009, au plus fort de la récession. L'indice PMI des directeurs d'achats, qui avait touché un plus bas de quatre ans en mars, n'a lui que légèrement rebondi, selon des données provisoires.

"Il y a un problème très fort de trésorerie des entreprises, qui tient à la fois au choc fiscal de cette année et à la durée de la crise", souligne Denis Ferrand, directeur général de l'institut d'études économiques Coe-Rexecode.

"Cette fragilité est installée et durable et, aujourd'hui, quand vient la deuxième lame de la récession, elles sont beaucoup moins armées pour y faire face", ajoute-t-il.

Ces difficultés interviennent alors que les marges des entreprises sont à leur plus bas niveau depuis le milieu des années 1980, ce qui accroît leur besoin de financement externe et donc leur dette qui atteint des niveaux record.

Pour Ludovic Subran, économiste chez l'assureur-crédit Euler Hermes, "l'effet désastreux de la conjoncture, c'est l'accélération des défaillances d'entreprises, l'accélération du risque de non paiement, l'augmentation des délais de paiements".

"Les entreprises préfèrent garder le cash plutôt que de le réinvestir", ajoute-t-il. "Surtout, il y a des entreprises pour qui c'est la sixième année de crise et qui ne vont pas réussir à passer à la septième année."

Des menaces que la réforme de la taxation des plus-values de cessions et les autres mesures annoncées lundi par François Hollande n'effacent pas.

"UNE F1 LES DEUX PIEDS SUR LE FREIN"

"Nous sommes dans une situation très périlleuse", a résumé mardi dans un entretien au Figaro.fr la présidente du Medef, Laurence Parisot, qui a récemment demandé un "acte 2" du pacte de compétitivité lancé à l'automne.

A propos de François Hollande, elle a estimé que "sa ligne économique et sociale manque de cohérence".

"Ce qui est très malheureux, c'est qu'un signe encourageant est donné un jour à l'égard des entrepreneurs et, dès le lendemain, un signe décourageant est donné à l'entreprise d'une manière générale", a-t-elle ajouté, en référence à la proposition de loi visant à dissuader les entreprises de fermer des sites viables. (voir ).

Pierre Gattaz, un des candidats à sa succession, presse quant à lui les autorités de "passer de la parole aux actes".

"La France a besoin de remèdes de cheval sur la fiscalité, la compétitivité et la simplification administrative", dit-il dans un entretien à Ouest France publié mardi. "La France reste une F1 qu'on conduit avec les deux pieds sur le frein."

Saluant elle aussi les annonces de lundi, l'association d'entrepreneurs Croissance Plus, déclare dans un communiqué que "ces Assises de l'entrepreneriat ont permis de passer d'une atmosphère de défiance à une atmosphère de méfiance".

"La France ne résoudra aucun de ses problèmes sans le retour de la croissance", ajoute-t-elle. "Et cette croissance tant attendue ne sera pas au rendez-vous sans une politique plus ambitieuse qui combine réduction drastique des dépenses publiques et relance massive des investissements." (Jean-Baptiste Vey)