Malgré une campagne commerciale poussée, les ventes du géant de 525 sièges tournent au ralenti au moment où la morosité économique mondiale conduit bon nombre de compagnies aériennes à se concentrer sur des bimoteurs moins larges et plus légers, notamment le futur A350 d'Airbus.

Boeing a d'ores et déjà annoncé la semaine dernière une réduction de la production de la dernière version du 747, tout en s'acheminant vers le lancement d'une version à 406 sièges de son 777.

Airbus n'a pas engrangé une seule commande ferme d'A380 cette année mais a accusé trois annulations. L'avionneur européen a vendu un total de 259 unités de l'avion très populaire auprès des passagers après six ans d'exploitation.

Son directeur commercial, John Leahy, se montre confiant dans la signature de plusieurs commandes dans les deux prochains mois pour éviter de terminer l'année avec plus d'annulations que de commandes.

La crainte immédiate est que des créneaux non pourvus dans les usines pour 2015 obligent Airbus à construire des avions qu'il n'a pas encore pu vendre pour un prix catalogue de 400 millions de dollars - créant des tensions sur ses finances, la plus grande partie du prix étant réglée à la livraison de l'appareil.

Le temps presse car certaines pièces métalliques doivent être commandées deux ans à l'avance.

Face à de telles inquiétudes, Airbus devrait "revoir la situation et la stratégie" de l'A380 à la fin de l'année, a déclaré une source industrielle.

L'avionneur pourrait réduire sa production en deçà du rythme annuel visé de 30 unités, se concentrer sur la construction des appareils déjà vendus et relancer ses projets de modernisation de l'avion après la fin de la décennie.

PAS D'AVIONS CONSTRUITS SANS AVOIR ÉTÉ VENDUS

Airbus s'est refusé à tout commentaire sur une éventuelle révision de sa stratégie pour l'A380, mais a souligné ne pas avoir l'intention de plomber ses finances en fabriquant un avion ne trouvant pas de clients.

"Concernant 2015, nous avons encore quelques créneaux à la fin de l'année et nous travaillons encore à les remplir, a déclaré Tom Williams, responsable des programmes.

"Il est clair que nous voudrions maintenir la production de l'A380 aux environs de 30 avions par an", a-t-il ajouté, soulignant toutefois qu'Airbus n'avait jamais construit d'avions n'ayant pas été vendus au préalable.

"Nous sommes pragmatiques et nous adapterons nos rythmes de production et notre structure de coût à la demande : de petites variations ne constituent pas une crise."

Les analystes surveilleront de près toute réduction de production, craignant un impact sur l'objectif affiché d'Airbus d'atteindre un équilibre financier en 2015 pour le programme A380 lancé en 2001 - même si la plupart des investisseurs se concentrent avant tout sur l'A350, dont la mise en service est prévue fin 2014.

Airbus table sur un marché de 1.711 très gros porteurs pour les 20 années à venir - alors que Boeing ne l'évalue qu'à 760 unités.

Même si la compagnie allemande Lufthansa a récemment réduit de trois unités sa commande d'A380 pour lui préférer de plus petits avions, certains des principaux clients du très gros porteur ne sont pour l'instant pas très inquiets.

"Pour moi, il y aura toujours un marché pour les avions de plus de 500 sièges", a déclaré Tim Clark, président d'Emirates.

La compagnie de Dubai a commandé 90 A380 et ne voit pas l'arrivée de long-courriers plus petits - comme le 777X de Boeing - comme une menace pour Airbus.

"L'Histoire nous montre que lorsque l'économie retrouvera une certaine normalité, et cela arrivera, le rebond sera beaucoup plus rapide et beaucoup plus dynamique que lors des précédentes décennies", a dit Tim Clark, soulignant que la donne pourrait avoir changé d'ici un an.

Airbus avait remisé un projet d'une deuxième version d'A380 avec 100 sièges supplémentaires lorsqu'il était apparu que l'avion ne se vendait pas aussi bien qu'il l'aurait espéré.

Les motoristes proposent désormais de nouveaux équipements pour la dernière version du 777 et son concurrent, l'A350-1000, ce qui montre qu'une partie du développement nécessaire pour remotoriser, voire augmenter la taille de l'A380 a potentiellement déjà été effectuée.

L'A380, certifié pour transporter jusqu'à 853 passagers, pourrait ainsi s'approcher du seuil symbolique des 1.000 passagers dans un seul géant des airs.

Cyril Altmeyer pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten

par Tim Hepher

Valeurs citées dans l'article : EADS, SAFRAN, THALES, ZODIAC AEROSPACE, The Boeing Company