JOHANNESBURG, 2 décembre (Reuters) - Les hauts responsables du parti au pouvoir en Afrique du Sud, le Congrès national africain, examinaient vendredi le sort du président Cyril Ramaphosa, pris depuis des mois dans un scandale qui s'est accentué ces derniers jours avec la publication d'un rapport parlementaire ouvrant la voie à une procédure de destitution.

L'ANC a annoncé que les quelque 80 membres de son Comité exécutif national étaient réunis à ce sujet depuis la fin de la matinée au siège du parti à Nasrec, dans la banlieue de Johannesburg.

Le scandale a éclaté en juin dernier après la révélation que des cambrioleurs avaient dérobé en 2020 plusieurs millions de dollars en liquide à Phala Phala, la ferme privée de Cyril Ramaphosa, au nord de Pretoria, soulevant des interrogations sur la provenance de ces sommes et sur leur éventuelle dissimulation au fisc.

Ancien syndicaliste devenu homme d'affaires, Cyril Ramaphosa, élu président en 2018 sur un programme notamment axé sur la lutte contre la corruption, a alors confirmé le cambriolage en démentant toute irrégularité.

Une commission indépendante désignée par le Parlement sud-africain a estimé dans un rapport rendu mercredi que Cyril Ramaphosa "pourrait être coupable d'infractions sérieuses à certains articles de la Constitution" et se serait placé lui-même dans "une situation de conflit d'intérêts entre ses responsabilités officielles de président et (ses activités privées) d'homme d'affaires".

Cette commission a jugé que Cyril Ramaphosa avait "agi d'une manière incompatible avec son mandat", ouvrant la voie à une éventuelle procédure de destitution du président.

Le président de l'ANC, Gwede Mantashe, a écarté vendredi les informations parues la veille dans la presse selon lesquelles Cyril Ramaphosa envisageait de démissionner dans le sillage de la publication de ce rapport, qui ont provoqué un vent de panique sur les marchés financiers sud-africains.

"Selon moi il serait prématuré que le président démissionne", a-t-il déclaré dans une interview à la chaîne de télévision locale Newzroom Afrika.

Gwede Mantashe, actuel ministre des Ressources minières et de l'Energie, a jugé que le rapport du comité comportait de nombreuses failles et pouvait être contesté.

Autre soutien du président, le ministre des Finances Enoch Godongwana a également déclaré à Reuters qu'il souhaitait que Cyril Ramaphosa reste à son poste, tout en appelant les investisseurs à rester calmes.

Pénalisés jeudi par les craintes d'une démission de Cyril Ramaphosa, le rand sud-africain et les obligations souveraines ont rebondi vendredi après ces déclarations.

Deux autres ministres ont cependant appelé le président à démissionner: Nkosazana Dlamini-Zuma, ministre de la Gouvernance coopérative et des Affaires traditionnelles, ex-femme de l'ancien président Jacob Zuma et adversaire malheureuse de Cyril Ramaphosa pour la direction de l'ANC en 2017, et la ministre du Tourisme Lindiwe Sisulu, en campagne pour la présidence de l'ANC.

Si Cyril Ramaphosa survit à la réunion du Comité exécutif national de l'ANC vendredi, ce qui semble probable au vu de l'ampleur du soutien dont il bénéficie, il pourrait ensuite être confronté à une procédure de destitution au Parlement, peu susceptible d'aboutir au vu de la domination de l'ANC.

Le rapport de la commission d'enquête doit être examinée en séance mardi 6 décembre.

L'ANC se réunit le 16 décembre pour désigner son prochain dirigeant, appelé à devenir chef de l'Etat si le parti remporte les élections générales prévues en mai 2024. (Reportage Kopano Gumbi, Tim Cocks, Alexander Winning, Olivia Kumwenda-Mtambo, Alexander Winning et Wendell Roelf ; version française Myriam Rivet, édité par Sophie Louet)