"Depuis l'alternance politique, la compétitivité des entreprises françaises et plus largement européennes est sortie de la phase rhétorique ; une volonté de réformes et de mise en œuvre de principes simples anime les responsables du Gouvernement, les instances patronales et les organisations syndicales. La mutation des entreprises se poursuivrait enfin, ralentie depuis 2008 par les effets pervers de la crise, la pénurie de liquidités ou de financements disponibles, le fort ralentissement des investissements industriels, des dépenses de R&D et de la création d'emplois qualifiés. Deux rapports récents, portant sur des domaines différents, convergent vers le même objectif : l'adaptation du modèle économique et bancaire aux dures réalités d'un monde nouveau révélé par la crise. Oui à l'issue de la crise séculaire (1929-2008), quel modèle économique, bancaire et sociétal devrait s'imposer à nous ? Ce sera le thème du prochain colloque de l'AFGE fin mars 2013.

Le 1er rapport du groupe d'experts LIIKANEN propose un nouveau modèle bancaire et les mesures nécessaires pour prévenir de nouveaux risques systémiques. Les 20 recommandations du 2ème rapport, piloté par Louis Gallois, incitent l'Etat, les entreprises, les partenaires sociaux et les acteurs de la société civile à adopter des mesures simples mais courageuses pour améliorer la compétitivité, pour forger un nouveau modèle économique et imposer un véritable dialogue social. Un pacte social pourrait prévenir une explosion sociale attendue, une redoutable indignation généralisée.

La DG Trésor a lancé une consultation publique afin de modérer et de moraliser les rémunérations des cadres dirigeants.

Cependant nous sommes convaincus que les graves difficultés d’Alcatel, de Peugeot, d’Arcelor Mittal, ou bien des grandes banques anglaises HSBC, Barclays et européennes ne sont pas la conséquence des coûts salariaux trop élevés des ouvriers et des employés ; elles résultent principalement des erreurs dans la stratégie définie par les administrateurs, des fautes commises par les cadres exécutifs en charge des responsabilités opérationnelles, et des comportements délictueux révélés ces derniers mois. Le débat sur la réduction des acquis sociaux pour rivaliser avec les salaires des pays émergents, des BRICS, est un faux problème.

Les acquis sociaux résultent d’un siècle de luttes et de réformes.
Les pays développés, comme les 15 ou 18 nations industrialisées composant le noyau dur de l’Union Européenne (inéluctable assise d’une fédération européenne d’Etats Nations), ont vocation à dépenser plus en R&D, à investir dans les nouvelles filières industrielles et scientifiques, afin de produire des biens et des services à forte valeur ajoutée. Ainsi, si nous analysons le prix de revient des biens et services des secteurs des NTIC, des biotechnologies, du génie médical, des énergies propres, de l’espace notamment, nous constatons que dans sa composition la part de l’amortissement des brevets et des dépenses de R&D est très supérieure à celle des coûts salariaux.

C’est à ce stade que se joue la compétitivité de l’entreprise française au plan européen (l’espace économique européen à 27 pays constituant actuellement le plus grand marché mondial avec 500 millions d’habitants et un PIB de 26 000€ per capita) et aussi sa pérennité.

Ces décisions stratégiques sont de la responsabilité des membres du conseil d’administration, leur mise en œuvre et le choix des politiques opérationnelles les plus appropriées relève de la responsabilité des cadres exécutifs. En cas de succès, les plans d’options et les actions gratuites, en cas d’échec les sanctions financières et légales.

Les plans de licenciements massifs, dans le secteur bancaire par exemple, sanctionnent les employés, alors qu’ils ne sont pas responsables des erreurs fatales pour l’avenir de la société, comme la spéculation sur les dettes souveraines et les CDS, ou l’achat de la banque Emporiki. Il est temps d’une part de définir les responsabilités des administrateurs et du management, d’autre part de rétablir l’échelle des valeurs et des comportements éthiques afin d’améliorer la compétitivité et d’assurer la pérennité des entreprises françaises.
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