(Actualisé avec déclarations de Sigmar Gabriel)

BERLIN/ANKARA, 19 mars (Reuters) - Le chef de la diplomatie allemande, Sigmar Gabriel, a estimé qu'une limite avait été franchie par les dirigeants turcs dans leurs accusations contre Berlin et leurs comparaisons avec les méthodes de la période nazie.

"Nous sommes tolérants, mais pas idiots", déclare-t-il dans l'édition de lundi du journal Passauer Neuen Presse.

Le ministre allemand a clairement indiqué que les interventions d'hommes politiques turcs en Allemagne -- dans l'optique du référendum constitutionnel turc du 16 avril -- ne seraient tolérées que si les "comparaisons choquantes et les reproches absurdes" cessent.

"J'ai dit de ce fait très clairement à mon homologue turc qu'une limite avait été franchie", ajoute Gabriel.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé dimanche le journaliste turco-allemand Deniz Yücel, incarcéré en Turquie, d'être un agent terroriste, tout en assurant qu'il serait jugé en toute indépendance par la justice turque.

L'arrestation à la fin février du correspondant de Die Welt, pour propagande en faveur d'une organisation terroriste et incitation à la violence, est l'un des facteurs à l'origine de la vive crise dans les relations entre Ankara et Berlin.

Le porte-parole du chef de l'Etat turc, Ibrahim Kalim, a dans le même temps dénoncé la "Turquiephobie" qui s'est selon lui emparée de l'Europe.

Il faisait allusion aux interdictions faites à des ministres turcs de tenir des réunions publiques dans le cadre de la campagne auprès de la diaspora turque en vue du référendum constitutionnel prévu le 16 avril en Turquie.

ANKARA ACCUSE BERLIN DE SOUTENIR LE RESEAU GÜLEN

Interrogé dimanche sur l'antenne de la chaîne de télévision CNN-Türk, Ibrahim Kalim a évoqué la possibilité que le président Erdogan lui-même cherche à être présent lors d'une autre réunion publique qui pourrait être organisée en Allemagne dans la perspective du référendum qui, si le "oui" l'emporte, renforcera considérablement ses pouvoirs.

Autre illustration des échanges acerbes presque quotidiens entre Ankara et Berlin, le porte-parole d'Erdogan a accusé les autorités allemandes de soutenir le réseau du prédicateur musulman et opposant Fethullah Gülen.

Ce dernier, qui vit en exil aux Etats-Unis depuis 1999 et dont la Turquie demande l'extradition, est accusé par Ankara d'être l'instigateur du coup d'Etat militaire manqué de juillet dernier.

Dans une interview publiée samedi par le magazine Der Spiegel, le chef des services de renseignement extérieurs allemands (BND), Bruno Kahl, déclare que la Turquie n'est pas parvenue à convaincre l'Allemagne que Fethullah Gülen était bien le "cerveau" du putsch manqué.

Pareille déclaration, a estimé Ibrahim Kalim, est la preuve que l'Allemagne soutient FETO, l'acronyme utilisé par Ankara quand il s'agit de parler de "l'Organisation terroriste güleniste".

"C'est manifestement une tentative de disqualifier toute l'information que nous avons donnée sur FETO. C'est là le signe de leur soutien pour FETO", a-t-il dit.

"Pourquoi les protègent-ils ? Parce que ce sont des instruments que l'Allemagne peut utiliser contre la Turquie". (Markus Wacket et Ece Toksabay; Jean-Stéphane Brosse et Eric Faye pour le service français)