(Actualisé avec détails sur l'accord, citation § 8, appel à un référendum)

par Aleksandar Vasovic

BRUXELLES, 19 avril (Reuters) - La Serbie et son ancienne province du Kosovo, indépendante depuis 2008, ont conclu vendredi sous l'égide de l'Union européenne un accord de normalisation de leurs relations.

Cet accord entre les deux pays ouvre la voie à des négociations sur l'adhésion de la Serbie à l'UE, si les Vingt-Sept approuvent cette idée lors d'un conseil ministériel lundi prochain à Bruxelles.

Selon une source proche de la Commission européenne, celle-ci devrait recommander le lancement des discussions d'adhésion avec la Serbie et celles en vue d'un accord d'association avec le Kosovo.

"Les négociations (entre Serbes et Kosovars) ont abouti. Le texte a été paraphé par les deux Premiers ministres. Je veux les féliciter", a dit la porte-parole de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, aux journalistes.

La ministre kosovare de l'Intégration européenne, Vlora Citaku, a écrit sur son compte Twitter: "La fumée blanche sort ! Habemus pactum! (Je suis) contente."

L'accord prévoit une certaine autonomie pour les zones du nord du Kosovo peuplées de Serbes, qui seront intégrées dans le cadre juridique du pays tout en bénéficiant d'une autonomie limitée dans les secteurs de la santé, de l'éducation, du maintien de l'ordre et de la justice.

En échange de ces concessions, Belgrade s'est dite prête à ne pas bloquer les efforts du Kosovo sur la route d'une éventuelle adhésion à l'Union européenne.

Dans le paragraphe 14 de l'accord, dont Reuters a pu avoir connaissance, il est spécifié qu'"aucune des parties ne bloquera ou n'encouragera d'autres à bloquer la progression de l'autre dans leurs chemins respectifs vers l'UE."

Une concession que Pristina a salué comme une reconnaissance d'indépendance. "Cet accord constitue une reconnaissance de jure, juridique, par la Serbie, qui ouvrira au Kosovo le chemin des organisations internationales", a déclaré à des journalistes le Premier ministre kosovar Hashim Thaci, qui avait combattu les forces de Slobodan Milosevic en 1998-1999.

"BERCEAU" DE LA NATION SERBE

La Serbie a déclaré pour sa part, même si la signature de cet accord marque une évolution majeure, qu'elle ne reconnaîtrait jamais comme territoire souverain une zone qu'elle considère comme le berceau de la nation serbe.

Des responsables serbes ont par ailleurs déclaré que l'accord devait encore être soumis au vote des "corps de l'Etat". "Nous informerons par courrier l'UE lundi pour lui dire si nous acceptons ou pas l'accord", a déclaré aux journalistes le Premier ministre serbe Ivica Dacic.

Selon des diplomates occidentaux, il est toutefois peu probable que la Serbie fasse marche arrière, reconnaissant malgré tout que le véritable test serait la mise en oeuvre de l'accord.

Ce dernier a émergé au cours de la 10e séance de discussions en six mois entre Ivica Dacic et Hashim Thaçi à la recherche d'un plan réglant la partition ethnique du Kosovo, ancienne province serbe peuplée majoritairement d'albanophones.

En échange d'une plus grande autonomie pour les zones du nord du Kosovo peuplées de Serbes, le gouvernement de Pristina demandait que la Serbie mette fin à sa politique d'isolement de son ancienne province.

La précédente séance de pourparlers à Bruxelles s'était achevée mercredi soir sur un constat d'échec, la Serbie ayant refusé l'accession du Kosovo aux "organisations internationales", ce qui signifiait pour Belgrade la possible adhésion du Kosovo à l'Onu.

L'indépendance du Kosovo est reconnue par plus de 90 pays, dont les Etats-Unis et 22 des 27 pays membres de l'UE.

Considéré par les nationalistes de Belgrade comme le berceau historique de la nation serbe, le Kosovo est aujourd'hui peuplé à 90% d'albanophones. Principalement dans le Nord, autour de la ville de Mitrovica, vivent 50.000 Serbes de souche, ce qui donne lieu à des violences sporadiques.

Les Serbes du Kosovo avaient mis en garde le gouvernement de Belgrade contre toute concession.

Des élus locaux serbes du nord du Kosovo ont d'ores et déjà appelé à un référendum sur la question de savoir si le Kosovo devait faire partie de la Serbie ou si Belgrade devait accepter les conditions fixées par l'UE pour lancer les négociations d'adhésion.

"Je rappelle aux gens de Belgrade qu'ils doivent rester fidèles à la Constitution serbe, qui stipule que le Kosovo fait partie intégrante de la Serbie, et que personne ne peut signer un accord qui placerait les municipalités (serbes) sous juridiction albanaise", a dit Krstimir Pantic, l'un des dirigeants politiques des Serbes du Kosovo. (Avec Adrian Croft, Justyna Pawlak et Fatos Bytyci à Pristina, Guy Kerivel et Hélène Duvigneau pour le service français)