AMAFI / 20-08 29 janvier 2020

2002 ISDA MASTER AGREEMENT

(FRENCH LAW)

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Eléments d'appréciation

L'International Swaps and Derivatives Association (ISDA), qui comprend plus de 900 membres1 dans 71 pays, travaille depuis 19852 à la standardisation contractuelle des transactions sur produits dérivés de gré

  • gré (OTC). C'est cette standardisation qui a rendu possible la formidable croissance de ce marché. Le contrat élaboré par l'ISDA, destiné à documenter ces opérations, sur tout type de sous-jacent, conclues entre deux contreparties, a en effet non seulement facilité la coordination des différents acteurs impliqués dans ces marchés financiers, mais aussi et surtout, permis de conférer une nouvelle forme contractuelle aux relations qu'ils nouent entre eux.

Selon la Banque des Règlements internationaux, la valeur notionnelle des dérivés de gré à gré en circulation est passée de 544 trillions de dollars à la fin de l'année 2018 à 640 trillions de dollars à la fin du mois de juin 20193, et ce en dépit des exercices de « compression » commandés par l'entrée en vigueur du Dodd Franck Act aux Etats-Unis et du Règlement EMIR dans l'Union européenne (l'Union). Plus de 90 % de ces transactions seraient soumises à la documentation ISDA, faisant ainsi de celle-ci la référence absolue en matière d'opérations sur dérivés OTC.

Si depuis 1987, les contrats ISDA étaient traditionnellement régis par la common law (droit anglais ou droit de l'Etat de New York), l'ISDA a publié en juin 2018 un contrat-cadre régi par le droit français (2002 ISDA Master Agreement (French Law))4, auquel sont venues ensuite s'ajouter les documentations annexes relative aux échanges ou constitutions de sûretés (« collateral »), afin d'offrir aux participants de ces marchés une alternative à la documentation de droit anglais qui présentera après le Brexit de très sérieux inconvénients, tenant notamment aux difficultés d'exécuter dans l'Union les décisions de justice rendues par tout tribunal anglais.

Ce nouveau contrat-cadre s'inscrit dans ce contexte d'incertitudes juridiques fortes liées au Brexit. Après avoir considéré plusieurs options, c'est le droit français qui a finalement été retenu5. Certaines difficultés posées en l'état actuel du droit allemand ont semblé rédhibitoires (e.g. l'application du droit de la consommation dans les relations d'affaires, les remises en cause jurisprudentielles du netting ou encore les difficultés de certification de la validité des protocoles ou modes électroniques de gestion des contrats). La modernisation récente du droit français des obligations et du netting, la création des chambres internationales au Tribunal de commerce et à la Cour d'appel de Paris et la signature des protocoles procéduraux avec le Barreau, la gratuité de la justice en France, la qualité de la supervision réglementaire, la solidité de la jurisprudence française sur le netting et la qualification des opérations dérivés, notamment en procédures collectives, ont été des facteurs déterminants dans ce choix.

Malgré les nombreux avantages que présente le contrat ISDA de droit français et malgré l'adaptation, par le législateur, de l'environnement juridique français pour lui permettre de mieux fonctionner, il semble que son essor ne soit pas aussi rapide qu'il aurait pu l'être. Il est alors apparu utile d'encourager un plus large soutien, à la hauteur des enjeux de cette initiative.

  1. Qu'ils soient buy ou sell side : gérants d'actifs, gouvernements, entités supranationales, compagnies d'assurance, banques internationales ou régionales, grandes entreprises, intermédiaires financiers, plateformes de négociation etc.
  2. Le premier contrat-cadre ISDA date de 1987.
  3. Bank for International Settlements,Statistical release: OTC derivatives statistics atend-June2019, 8 November 2019
  4. Le contrat-cadre ISDA de droit français est disponible en version électroniquepour les membres de l'ISDA et en version reliéepour tous.
  5. Un contrat-cadre de droit irlandais a également été créé - destiné à ceux désirant à continuer à utiliser la common law.

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C'est dans ces conditions que l'Association française des marchés financiers, AMAFI, qui représente les acteurs de marchés financiers en France, a rédigé la présente note avec le concours sur les questions ISDA et netting d'Alban Caillemer du Ferrage, avocat associé, Jones Day, et Professeur d'Université, associé à la Faculté de Paris 2 (Assas), et Gilles Kolifrath, avocat associé, Kramer LevinNaftalis & Frankel.

L'objectif est ici de rappeler que le 2002 ISDA Master Agreement (French law) permet de résoudre un certain nombre de difficultés engendrées par le Brexit et que le nouvel environnement juridique français,tel que récemment adapté, lui est particulièrement propice.

I - UN CONTRAT ISDA DE DROIT FRANÇAIS QUI PRESENTE DE NOMBREUX ATOUTS DANS LE CONTEXTE DU BREXIT

  • Coopération judiciaire européenne

Parmi les nombreuses conséquences d'une sortie sans accord6 du Royaume-Uni, figure en bonne place le sort des contentieux issus de contrats soumis à la compétence des juridictions anglaises.

Il est en effet rappelé que le Règlement européen de 2001, refondu en 20127, a consacré la libre circulation des jugements et permis l'exécution automatique et directe au sein de l'Union de toutes les décisions judiciaires rendues dans les États membres, sans procédure d'exequatur préalable : le Passeport judiciaire.

Une reconnaissance automatique et immédiate des effets d'une décision judiciaire étrangère à l'encontre de ses propres ressortissants, implique, pour un état, un tel abandon de souveraineté qu'il n'est concevable qu'au sein d'une union politique du type de celle de l'Union. La coopération judiciaire européenne n'a d'ailleurs aucun équivalent ailleurs dans le monde. Ainsi, quelle que soit la forme du Brexit il n'est pas à ce stade envisagé d'étendre cette coopération à un quelconque état tiers à l'Union.

Cela ne signifie pas évidemment que les décisions de justice anglaises ne pourront pas être exécutées dans l'Union. Il existe en effet des traités internationaux, tels que la Convention de Lugano8. Il est d'ailleurs possible que l'Union et le Royaume Uni, probablement dans le cadre des Conventions judiciaires de La Haye9, parviennent sur cette question un jour à un accord. Mais toutes ces conventions internationales se contentent d'harmoniser les conditions auxquelles leurs signataires accordent l'exequatur aux décisions judiciaires rendues par les juridictions d'un autre Etat et l'on ne peut en aucun cas comparer l'application automatique et immédiate et l'exequatur, même harmonisé.

Et, à ce jour, dans l'attente de ces travaux, de telles conventions entre l'Union et le Royaume-Uni n'existent pas. Les conditions d'exequatur dans l'Union d'une décision judiciaire anglaise devront donc être fixées par la procédure nationale de chaque Etat membre dans lequel l'exécution de la décision sera recherchée. Ce retour au droit commun de l'exequatur emporte avec lui de nombreux aléas, des délais et des coûts qui ne sont pas négligeables. L'exequatur est en effet susceptible d'appel et peut prendre entre 12 et 36 mois. Il est coûteux (frais de procédure et d'avocat). Il est aléatoire (l'exequatur peut ne pas être délivré10).

  1. Ou sans accord sur ce point en particulier.
  2. Règlement (UE) No 1215/2012du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale
  3. Conventionconcernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 30 octobre 2007
  4. Listedes conventions
  5. Un Etat membre peut toujours refuser un exequatur si les deux parties au procès étaient ressortissants de son État et qu'il considère que l'élément d'extranéité n'est pas matérialisé.
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L'utilisation du contrat-cadre ISDA de droit français permet d'éviter cet écueil, puisque le contrat prévoit une élection de juridiction exclusive par ses parties devant le Tribunal de commerce de Paris et en appel la Cour d'appel de Paris.

  • Réplication des contrats-cadres

L'article 3 de l'ordonnance dite « Brexit »11 du 6 février 2019 prévoit des mesures visant à assurer la continuité de l'utilisation des contrats-cadre de marché.

Ce texte qui n'avait vocation à être activé qu'en cas de hard Brexit met en place une procédure simplifiée de « réplication » d'un contrat-cadre conclu entre une entité britannique et sa contrepartie française, comme suit :

  • Envoi d'une notification à la contrepartie française, lui proposant de conclure un nouveau contrat- cadre avec une entité européenne, dont les termes seraient identiques à ceux que la contrepartie française avait conclus avec l'entité britannique de ce même groupe, à l'exception du droit applicable et de la clause attributive de compétence (français(e)) ;
  • Modalités simplifiées et sécurisées d'acceptation de l'offre de contracter : la contrepartie française est réputée conclure le nouveau contrat-cadre si dans un délai de 5 jours après la notification, elle conclut une première opération avec l'entité européenne.

Le dispositif mis en place par la France n'était destiné qu'à fournir aux établissements britanniques relocalisant leur trading sur le continent un outil leur permettant de simplifier et d'accélérer les démarches vis-à-vis de leurs contreparties françaises.

Cette solution lorsqu'elle est mise en œuvre permet d'éviter une renégociation des termes économiques, juridiques et financiers d'un contrat-cadre. Elle n'opère pas en elle-même un passage du contrat en droit français puisqu'en présence d'un contrat initial 1992 / 2002 ISDA Master Agreement (English law), la version « répliquée » est identique à l'originale et demeure donc soumise au droit anglais et à la juridiction des tribunaux anglais.

Or cette situation est susceptible de poser des difficultés sérieuses lorsque l'établissement choisi par l'entité britannique pour lui succéder est situé en France (la soumission au droit anglais d'un contrat entre deux entités françaises est une question délicate et doit être évitée), mais plus généralement dans tout Etat membre (puisque toute exécution des décisions de justice anglaise sera rendue plus difficile dans l'Union à la suite de la perte par le Royaume-Uni du Passeport judicaire).

Outre les observations qui précèdent, cette solution a perdu de son intérêt avec la probabilité d'un hard Brexit devenue plus faible. Il n'en reste cependant pas moins que la réplication elle-même doit être réalisée et de très nombreuses ont d'ailleurs d'ores et déjà eu lieu.

Dans ces conditions, les établissements auraient tout intérêt à solliciter dès aujourd'hui de leurs contreparties britanniques qu'à l'occasion d'une « replication », il soit procédé en fait à une « replication & amend » et qu'outre le nom et les coordonnées de la nouvelle contrepartie succédant à l'entité britannique soit également convenu de modifier la loi applicable au contrat original et de procéder pour ce faire aux quelques modifications mineures permettant de le conformer au droit français et d'élire la compétence parisienne (v. III infra), à l'exclusion de tout autre changement.

11Ordonnance n°2019-75du 6 février 2019 relative aux mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne en matière de services financiers.

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  • Directive sur l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit12 (DALEC)

Les textes européens prévoient que c'est en principe la loi du for (la loi du pays dans lequel la procédure de faillite est ouverte) qui régit les droits du créancier en cas de faillite.

Mais l'article 25 de la DALEC prévoit, par exception, une règle de conflit de lois spéciale pour l'opposabilité des clauses de netting (clauses de résiliation-compensation des opérations en cours) incluses dans des conventions de compensation (typiquement les contrats-cadres ISDA) conclues par les établissements de crédit et entreprises d'investissement de l'Union.

Son article 25 prévoit que les conditions d'opposabilité aux tiers et à l'administrateur judiciaire de ces clauses doivent être exclusivement déterminées par le droit librement choisi par les parties pour régir le contrat où ces clauses sont stipulées - et ce sans limite de renvoi au droit d'un des Etats de l'Union.

Outre le fait qu'il assez curieux pour l'Union de laisser au droit d'un Etat tiers, le soin de déterminer les conditions d'opposabilité du netting dans les faillites de ses établissements de crédit et entreprises d'investissement, la mise en œuvre de cette règle de conflit de lois s'avère soulever de sérieuses difficultés de mise en œuvre.

  • En premier lieu, la règle de conflit de l'article 25 de la DALEC réservant son application aux conventions de compensation, elle doit nécessairement opérer en deux temps, régi chacun par des ordres juridictionnels distincts. Il faut en effet d'abord déterminer, en application de la loi du tribunal de la faillite, si le contrat est ou non un contrat de compensation selon les qualifications juridiques du for, et, si et seulement si c'est le cas, alors renvoyer à la loi du contrat, si elle est différente, pour déterminer les conditions d'opposabilité des clauses dudit contrat.
  • En second lieu, le renvoi opéré par la règle de conflit de l'article 25 de la DALEC est compliqué par le fait qu'elle ne contient aucune indication des dispositions de la loi du contrat auxquelles il faut prêter considération pour déterminer ces conditions. S'agit-il du droit commun des obligations, ou au contraire de son droit de la faillite ? Le choix de ce dernier n'a rien d'évident dans la mesure où
    1. le plus souvent il définit lui-même son champ d'application comme réservé à ses résidents, et où (ii) la DALEC interdit toute ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire dans un Etat autre que celui du siège de l'établissement.
    • Si l'on considère les contrats ISDA de droit anglais, la doctrine a sur ce point beaucoup hésité. Après avoir considéré qu'il conviendrait a priori d'appliquer les principes du droit anglais des contrats, elle s'oriente, mais sans certitude, à la suite des décisions de justice rendues à l'occasion de la faillite de la banque Lehman Brothers, vers une solution consistant à concevoir une faillite « hypothétique » au Royaume-Uni et à faire application des règles de droit anglais applicables à la procédure collective la plus proche en nature de celle ouverte dans l'Union à l'encontre de l'établissement concerné…
    • Si l'on considère les contrats ISDA de droit new-yorkais, la solution n'est pas beaucoup plus aisée dans la mesure il n'existe pas de droit des procédures collectives dans l'Etat de New York mais uniquement en droit fédéral américain…13

L'utilisation d'un contrat-cadre ISDA de droit français permet de stabiliser ces incertitudes en sanctuarisant l'application du droit français et de son régime juridique du netting qui est l'un des plus anciens et solides de l'Union, dont les conditions d'application sont écrites et claires et dont l'application par la jurisprudence en procédure collective a confirmé à maintes reprises l'efficacité.

12Directive 2001/24/CEdu Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit.

13 V. sur ces questions : Rapport d'étape, Impact du Brexit sur les contrats bancaires et financiers et la stabilité du financement des acteurs continentaux, HCJP, 29 septembre 2017, p. 10)

  • 4 -

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  • Régime britannique d'administration de la preuve14

L'AMAFI a déjà eu l'occasion d'attirer l'attention de ses adhérents sur un aspect parfois méconnu du droit britannique : son régime d'administration de la preuve, dit de disclosure, fondement de la justice « cartes sur table ». S'il est sans lien direct avec le Brexit, ce dernier et les difficultés discutées ci-dessus devraient être l'occasion pour les acteurs de prêter une attention toute particulière à ce système lourd de conséquences.

Le régime est en effet complexe et à compartiments multiples. La procédure de standard disclosure qui en fait partie et dont les grandes lignes sont brièvement présentées ci-dessous, est représentative :

  • Il s'agit de l'obligation des parties de communiquer toutes les pièces qui leur sont favorables mais également celles qui le sont à la partie adverse, c'est-à-dire tous les éléments de preuve qui ne soutiennent pas leurs prétentions pour peu qu'elles en aient, ou en aient eu, le contrôle.
  • La tâche se complique quand la liste de documents s'allonge, quand leur support se diversifie : de plus en plus dématérialisés, l'obligation de diffusion pourra même s'étendre aux données supprimées ; de plus en plus diffusés largement, l'obligation pourra encore atteindre les tiers, les documents connexes... La disclosure va également entrainer la divulgation de tous les documents connexes, tous les fruits de l'arbre empoisonné - train of inquiry documents - qui peuvent conduire à la découverte d'autres preuves.

Les acteurs dont les contrats relèvent de la compétence des juridictions britanniques mettent en conséquence en place des politiques de conservation des documents afin de se prémunir contre une violation potentielle future de leur obligation de disclosure en cas de contentieux.

S'il existe des exceptions, elles sont tellement complexes qu'elles peuvent finalement se vider de leur sens. On citera à cet égard le fameux privilege qui protège les communications entre un avocat et son client. Bien que décrit comme un droit fondamental, il voit toutefois souvent la forme prendre le dessus sur le fond. A titre d'exemple, frappant pour toute personne morale, seuls les échanges entre l'avocat et les personnes physiques expressément chargées par leur employeur de solliciter et recevoir les conseils juridiques peuvent bénéficier du privilege.

La lourdeur, les coûts extrêmement importants résultant de l'obligation de disclosure ainsi que l'imminence du Brexit ont amené le Royaume-Uni à repenser son système. Si traditionnellement, la justice « cartes sur table » a pu attirer les parties vers les juridictions britanniques, ses bénéfices sont aujourd'hui largement éclipsés par les coûts qu'elle implique. Une première réforme en 2013 n'a pas suffi. Une autre est en cours de réflexion (un pilot schemea même été mis en place), dont on dit déjà qu'elle ne changera que très peu la donne.

Le contrat-cadre ISDA de droit français, soumis à la compétence des juridictions parisiennes, permet d'échapper à ce régime extrêmement lourd, chronophage et coûteux.

  1. - UN ENVIRONNEMENT JURIDIQUE FRANÇAIS QUI A ETE ADAPTE AU 2002 ISDA MASTER AGREEMENT (FRENCH LAW)
  • Adaptation du droit français

L'ordonnance du 6 février 2019 (v. infra) adapte certains aspects spécifiques du droit français afin d'assurer la plus grande efficacité à l'ensemble des clauses du 2002 ISDA Master Agreement (French law) :

14 La présente section reprend les termes de la communication AMAFI CB/NN/19-0840 en date du 23 septembre 2019.

  • 5 -

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Le droit français ne permet pas la capitalisation des intérêts sur des périodes inférieures à un an. Or, cette pratique de capitalisation des taux d'intérêts de retard est usuelle sur les marchés dérivés OTC et le contrat ISDA prévoit cette capitalisation dans sa version soumise au droit anglais. Il a été considéré lors de l'élaboration de la version française que la préservation de ces dispositions était déterminante pour encourager le passage au nouveau contrat. Il n'aurait pas été conforme aux usages les plus anciens du marché de remettre en cause ces formules de composition/agrégation (compounding) d'intérêts.

L'ordonnance Brexit modifie donc la règle de l'anatocisme prévue à l'article L. 211-40 du Code monétaire et financier mais uniquement pour les intérêts calculés en application des stipulations d'une convention-cadre sur produits dérivés. L'interdiction générale de l'anatocisme, notamment dans le cadre des opérations de financement ou de crédit, demeure par ailleurs inchangée en droit français ;

L'ordonnance Brexit étend également le champ d'application du close-outnetting en modifiant l'article L. 211-36 du Code monétaire et financier pour y inclure, conformément aux Principes généraux UNIDROIT à l'élaboration desquels la France a activement participé en 2012, des opérations très usuellement documentées dans les conventions ISDA, à savoir : les opérations de change au comptant (spot FX), la vente, l'achat et la livraison de métaux précieux et les opérations au comptant sur quotas de CO2.

  • Chambres internationales spécialisées

La critique longtemps faite au système judiciaire français, s'agissant de sa prétendue inadaptation aux réalités internationales et financières, n'a plus lieu d'être depuis la création en 2018 de chambres spécialisées15 dans le traitement des contentieux internationaux, principalement de nature commerciale, au sein du Tribunal de commerce et de la Cour d'appel de Paris.

Parmi les atouts de ces chambres spécialisées, on retiendra :

Leur compétence pour juger des litiges en matière d'opérations sur instruments financiers, conventions-cadres, instruments et produits financiers ;

L'expertise des magistrats en matière bancaire et financière (anciens professionnels de marché bilingues) ;

Leurs règles procédurales spécifiques, dont :

  • La possibilité de déposer écritures et pièces en anglais,
  • Le calendrier de procédure négocié entre le tribunal et les parties,
  • Les auditions de parties, témoins et experts,
  • Les décisions rendues en français et en anglais.

L'existence de ces chambres doit être de nature à rassurer les contreparties étrangères (voire nationales16) sur la capacité du système judiciaire français à traiter des litiges issus d'un contrat-cadre ISDA de droit français.

  1. La chambre internationale du Tribunal de commerce de Paris existait donc déjà et lui étaient confiés les dossiers comportant un élément d'extranéité. Il fut donc décidé de consolider cette chambre et de consigner par écrit certaines pratiques qui demeuraient jusqu'à lors empiriques, comme l'usage de l'anglais lors des audiences. Il fut également décidé de créer au sein de la Cour d'appel de Paris, une chambre internationale rattachée au pôle commercial.
  2. Les contrats-cadres ISDA entre deux contreparties françaises étant parfois, et ce même si cela doit être évité, soumis au droit anglais.
    • 6 -

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  1. - PRINCIPALES DIFFERENCES ENTRE LE 2002 ISDA MASTER AGREEMENT (FRENCH LAW) ET SON HOMOLOGUE DE DOIT ANGLAIS

Si l'on met de côté le changement de loi applicable et l'élection de juridiction auprès des tribunaux parisiens, on compte en tout et pour tout cinq changements apportés pour conformer le contrat ISDA de droit anglais au droit français. Aucun de ces changements ne concerne les dispositions de close out netting qui sont au cœur du contrat ISDA (v. sections 5 et 6). Et aucun de ces changements n'affecte la manière dont les opérations de dérivés OTC sont usuellement gérées sur les marchés depuis 30 ans.

  • Section 2(a)(iii) - Flawed Assets / Conditionality

Cette disposition permet à une partie, à la suite d'un défaut ou d'un défaut potentiel de sa contrepartie, de suspendre l'exécution de ses obligations pendant une période de 90 jours (la suspension sans limite n'étant pas permise en droit français)17.

Elle a fait l'objet d'une jurisprudence abondante lors de la faillite de la banque Lehman Brothers en raison de l'usage dévoyé que certaines de ses contreparties ont cherché à en faire. Ces solutions jurisprudentielles avaient d'ailleurs révélé des différences importantes d'interprétation d'une même clause du contrat ISDA, entre les juridictions anglaises et new-yorkaises.

A la suite des travaux engagés par l'ISDA elle-même pour corriger les effets pervers de cette clause et également parce que la théorie du « flawed asset » n'a pas d'équivalent en droit civil, il a été décidé d'intégrer dans le nouveau contrat de droit français, les modifications proposées par l'ISDA. Cette incorporation s'est faite sans qu'aucune modification ne soit apportée au texte publié par cette dernière.

  • Section 2(c) - Netting of Payments

La compensation prévue ici (payment netting) concerne celle des paiements réciproques libellés dans une même devise et dus au titre d'une même ou de plusieurs opérations.

La compensation des paiements s'effectue en droit anglais par novation.

Ce n'est pas le cas en droit français, où la compensation est un mode de paiement.

Le contrat de français a donc simplement supprimé toute référence à une telle novation. Ce changement est ainsi conceptuel. Il n'emporte aucune conséquence pratique pour les participants.

17 Dans l'affaire Metavante (US Bankruptcy Court, 15 septembre 2009), les juges new-yorkais avaient vu dans l'usage du Flawed Assets, une violation du principe de l'automatic stay, condamnant Metavante à exécuter ses obligations jusqu'à ce que sa contrepartie défaillante décide ou non de poursuivre le contrat. A l'inverse, dans la décision Lomas (English Court of Appeal, 3 avril 2012), la Cour d'appel avait rejeté l'existence d'un terme implicite au terme duquel la suspension des obligations aurait pris fin. Cette solution étant contestable et pouvant entraîner des abus, l'ISDA a publié, le 19 juin 2014, un amendement permettant d'intégrer une limite temporelle en matière de Flawed Assets.

  • 7 -

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  • Section 3 - Representations

Les déclarations (representations) constituent des promesses faites par une partie sur sa conduite présente et/ou future.

Dans cette section, la référence à « equity as a source of law » - spécifique au droit anglais (à la common law plus généralement) a été supprimée, mais le mot « équité » demeure dans la mesure où il conserve un intérêt en droit français s'agissant de l'interprétation de la volonté des parties.

  • Section 9(f) - No Waiver of Rights

Conformément à cette disposition, une partie qui n'exercerait pas un droit découlant du contrat ne le perd pas pour autant et conserve la possibilité de l'exercer dans le futur.

Une précision a été introduite afin de clarifier qu'en droit français les délais de prescription applicables aux obligations contractuelles s'ils peuvent être raccourcis, ne peuvent être rallongés.

  • Section 13(a) - Governing Law

Très logiquement, le contrat-cadre ISDA est soumis au droit français.

  • Section 13(b) - Jurisdiction

Si le contrat-cadre ISDA de droit français prévoit la compétence du Tribunal de Commerce et de la Cour d'Appel de Paris, les parties peuvent toutefois choisir entre compétence exclusive ou non-exclusive.

La clause de compétence non-exclusive désigne le Tribunal de Commerce et la Cour d'Appel de Paris mais permet, selon les circonstances, que les tribunaux et cours d'autres territoires puissent entendre du litige. Cette possibilité engendre donc une incertitude potentielle pour les parties, qui peut être contournée, si la contrepartie s'oppose à une clause de compétence exclusive, par l'introduction d'une clause d'arbitrage18.

  • Section 13(c) - Process Agent

En droit anglais, il est obligatoire pour les parties non-résidentes de désigner une entité localisée au Royaume-Uni pour recevoir pour son compte les notifications judiciaires et extra-judiciaires relatives au contrat.

Le droit français connaît évidemment la domiciliation judiciaire. Et en cela le nouveau contrat permet aux parties d'en convenir. Mais il est important de rappeler qu'à la différence du droit anglais, le droit français n'impose pas cette domiciliation. Les intervenants non-résidents utilisant le contrat-cadre ISDA de droit français n'auront donc pas à engager ces frais s'ils ne le souhaitent pas.

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18 Le Haut Comité Juridique de Place travaille d'ailleurs à la rédaction d'un rapport relatif à l'arbitrage simplifié en matière bancaire et financière qui pourrait également faciliter l'essor du 2002 ISDA Master Agreement (French law)

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La Sté AMAFI - Association française des marchés financiers a publié ce contenu, le 30 janvier 2020, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
Les contenus ont été diffusés par Public non remaniés et non révisés, le30 janvier 2020 11:05:04 UTC.

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