Rapport final ESMA

Révision du Règlement Abus de marché -

Synthèse de l'AMAFI

INTRODUCTION

Le 24 septembre 2020, ESMA a publiéson rapport final sur la révision du Règlement Abus de marché(« MAR ») (ESMA70-156-2391) contenant des analyses des sujets soulevés dans son précédent rapport mis en consultation(ESMA 70-156-1459), à laquelle l'AMAFI avait répondu(AMAFI-19/113), les synthèses des réponses reçues à cette consultation et les positions et recommandations finales de l'Autorité européenne qu'elle présente à la Commission sur les modifications à envisager au régime MAR1.

Ce rapport final a été soumis à la Commission qui devra préparer un acte législatif pour amender MAR. En effet, l'article 38 dudit règlement exige que la Commission européenne présente un rapport, ici élaboré par ESMA, au Parlement européen et au Conseil afin d'évaluer les différentes dispositions du MAR. La révision de ce texte ne figurant pas dans le programme de travail de la Commission européenne(lien), elle devrait avoir lieu, au plus tôt, au second semestre 2021 et plus probablement en 2022.

Dans cette attente, l'AMAFI rend compte dans la présente note des principales positions et recommandations d'ESMA sur la révision de MAR.

RESUME DU RAPPORT FINAL

  • Champ d'application de MAR (Section 2, p. 14 à 38)

2.1 FX spot (p. 14 à 29)

ESMA recommande in fine de reporter à une échéance ultérieure l'analyse selon laquelle il est opportun d'étendre le champ d'application de MAR au change spot, notamment jusqu'à une meilleure visibilité des effets à plus long terme de l'application du FX Global Code of Conduct2 (et de sa révision initialement due pour 2020 mais qui aura finalement lieu au milieu de l'année 20213). Les arguments en faveur et contre cette extension font l'objet d'un compte rendu détaillé dans le rapport (p. 17 et 18).

2.2. Alignement avec BMR (p. 29 à 38)

Le rapport conclut à une convergence suffisante des définitions d'un indice entre MAR et BMR4, sans opportunité de modifier MAR à l'exception de l'article 30(2) pour faire référence aux administrateurs et contributeurs d'indices.

1 Règlement (UE) no 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission(lien).

  • 2 FX Global Code of Conduct dans sa version en vigueur(lien).

  • 3 Communiqué de presse du Global foreign exchange committee en date du 10 décembre 2020(lien)

  • 4 Règlement (UE) 2016/ 1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d'instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d'investissement et modifiant les directives 2008/ 48/ CE et 2014/ 17/ UE et le règlement (UE) n° 596/ 2014(lien).

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  • Rachat d'actions (BBPs) - reporting et transparence (section 3, p. 39 à 44)

Comme le défendait l'AMAFI, ESMA recommande de simplifier les obligations de reporting et de transparence des transactions des programmes de rachat d'actions.

ESMA recommande de modifier l'article 5(3) de MAR pour obliger à reporter au régulateur du marché le plus pertinent en termes de liquidité (l'option préférée par l'AMAFI dans sa réponse à consultation) et propose de rationaliser et d'harmoniser les informations à reporter à ce titre avec une proposition de liste de champs (à spécifier ultérieurement dans un texte de niveau 2). ESMA envisage par ailleurs l'inclusion future d'un « flag » pour ces transactions BBPs dans le reporting des transactions au titre de MiFIR5 (l'AMAFI a répondu à une consultation lancée par ESMA sur ce sujet6), ce qui permettrait même de supprimer dans un futur plus éloigné ce reporting ad hoc.

Quant aux obligations de transparence, ESMA recommande d'amender l'article 5(1)(b) de MAR pour n'obliger à publier que les seuls volumes agrégés et les prix moyens pondérés.

Les opérations de stabilisation restent absentes des recommandations d'ESMA sur ce sujet.

  • Information Privilégiée (section 4, p. 44 à 59)

4.3.1 Définition de l'information privilégiée (p. 55 à 56)

ESMA conclut, comme le défendait l'AMAFI, qu'il n'est pas nécessaire de modifier la définition de l'information privilégiée, telle que prévue à l'article 7 de MAR.

4.3.2 Information privilégiée pour les dérivés de matière premières (p. 57)

ESMA conclut, comme le défendait l'AMAFI, qu'il n'est pas opportun d'aligner la définition de l'information privilégiée pour les instruments financiers avec celle des dérivés de matières premières. En revanche, elle réfute l'opportunité à ajouter une référence à la définition prévue par le texte REMIT7. En effet, elle considère que les caractéristiques de l'information privilégiée telle que définie par MAR d'un côté et par REMIT de l'autre, présentent un écart trop significatif, les deux textes servant des objectifs distincts.

4.3.3 Front-running (p. 58)

Contrairement à la réponse de l'AMAFI, ESMA confirme souhaiter proposer un amendement de l'article 7(1)(d) pour élargir le champ de la définition du front running.

ESMA propose de supprimer la référence aux « personnes en charge de l'exécution des ordres » et celle de « client » de manière à pouvoir inclure dans la définition du front running, toutes les personnes qui pourraient être informées d'un ordre en cours sans en être chargées de son exécution (émetteur, investisseur institutionnel) et sans que cet ordre soit nécessairement en provenance d'un « client ».

En revanche, le critère de l'effet significatif sur le cours est maintenu dans la définition du front running, par cohérence avec la définition de l'information privilégiée. Sur ce point, ESMA insiste sur le fait qu'un front running qui ne remplit pas les critères de la définition MAR8, reste susceptible d'être non conforme aux règles de bonne conduite prévues par MIFID.

5 Règlement (UE) no 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement (UE) n°648/2012 (« MiFIR »)(lien).

  • 6 Cf. Consultation paperESMA 74-362-773 auquel l'AMAFI a répondu le 20 novembre 2020(AMAFI / 20-67).

  • 7 Règlement (UE) no 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie(lien).

8 Notamment les critères de l'information privilégiée tels que définis par l'article 7(1) (a) de MAR.

4.3.4 Pre-hedging (p. 59)

Au regard des réponses apportées par les acteurs consultés, ESMA conclut qu'il n'est pas possible d'affirmer si cette pratique est nécessairement légitime ou illégitime, tant au regard des dispositions de MAR que celles prévues par MiFID.

Elle propose donc d'élaborer des guidelines sur ce sujet et identifie déjà des facteurs à considérer pour évaluer si le pre hedging induit des risques d'abus de marché ou de non-respect des règles de bonne conduite vis-à-vis des clients investisseurs. Parmi ces facteurs, le rapport fait mention d'un mandat clair du client pour procéder au pre hedging, si le client a été informé et a donné son accord, que les bénéfices induits soient au seul avantage du client, des mesures à prendre pour minimiser l'impact du pre hedging sur le marché, la fourniture au client d'informations ex ante et ex post.

  • Sondages de marché (section 6, p. 73 à 83)

ESMA confirme que le régime sondage de marché est obligatoire et non optionnel9 et que les personnes réalisant des sondages de marché sont dans l'obligation de se conformer aux exigences imposées par MAR.

Malgré les demandes et propositions de l'AMAFI de modifier dans un sens limitatif la définition actuelle des sondages de marché (cf. article 11(1) et (2) de MAR)10, ESMA conclut qu'elle ne le recommande pas, considérant que limiter trop fortement le champ des sondages peut conduire à contourner le régime. Elle ajoute que le cas des opérations d'Euro PP11 a déjà été exclu par la modification de l'article 11 issue du règlement SME12. En outre, elle recommande de modifier le critère de « l'annonce d'une transaction » considérant qu'il peut avoir un sondage de marché même si la transaction n'est pas ni ne sera annoncée.

En revanche, ESMA souscrit aux propositions de l'AMAFI :

(i) d'alléger les obligations d'information et de consentement imposées par l'article 11(5) au sondeur avant la divulgation d'informations privilégiées, pour les sondages sans passation d'information privilégiée ; et

(ii)d'alléger l'obligation de « cleansing »13, prévue à l'article 11(6), qui serait supprimée pour les sondages sans passation d'information privilégiée ou, pour les sondages avec information privilégiée, exemptée en cas d'annonce publique de la transaction.

  • Liste d'initiés (section 7, p. 83 à 100)

ESMA conclut dans son rapport que les listes d'initiés sont utiles et doivent être maintenues.

9 Contrairement à l'analyse menée par certains répondants à la consultation consistant à défendre que les règles prévues par MAR en matière de sondages de marché confère à ceux qui choisissent de les respecter une protection juridique vis-à-vis de l'interdiction de communication d'une information privilégiée (safe harbour) sans être une obligation à s'y conformer.

  • 10 Voir sur ce sujet l'analyse de l'AMAFI « Euro PP et Sondages de marché »(AMAFI / 17-37).

  • 11 Pour rappel un Euro PP est « une opération de financement à moyen ou long terme entre une entreprise et un nombre limité d'investisseurs professionnels, qui repose sur une documentation ad hoc négociée entre l'emprunteur et les investisseurs, avec généralement la présence d'un arrangeur » - telle que définie par laCharte Euro PP mise à jour en octobre 2019 (Note commune relayée par l'AMAFI le 3 octobre 2019).

12 Le Règlement (UE) n°2019/2115 du 27 novembre 2019 relatif à la promotion du recours aux marchés de croissance des PME(« Règlement SME »), publié le 11 décembre 2019, a apporté des modifications au Règlement (UE) n°596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché (Règlement abus de marché ou « MAR ») et plus particulièrement aux articles 11 (sondages de marché) et 18 (listes d'initiés) de ce dernier, qui entreront en application le 1er janvier 2021 (Règlement SME, art. 4).

13 Le "cleansing" correspond à l'obligation pour le participant au marché communicant de prévenir le destinataire d'une information lorsque celle-ci cesse d'être privilégiée.

Elle propose d'ajouter un considérant dans le texte de niveau 1 pour clarifier que les initiés seulement potentiels ne doivent pas être inscrits sur les listes. Elle entend aussi maintenir la possibilité d'avoir des sections « initiés permanents ».

ESMA propose également d'amender l'article 18 de MAR pour clarifier le mécanisme des listes « en cascades » selon lequel, l'émetteur et les tiers agissant pour son compte sont chacun et respectivement responsables de leurs propres listes d'initiés. Pour les initiés tiers personnes morales, elle confirme que seul un contact personne physique est à inscrire sur la liste d'initiés. Aussi, elle considère que ces clarifications permettront de facto de réduire le nombre d'initiés personnes physiques dans les listes d'initiés et par là, diluer le problème des données personnelles (largement appuyé dans les réponses à la consultation y compris par l'AMAFI). Elle ajoute, comme l'AMAFI l'avait fait valoir, que ces données personnelles peuvent être enregistrées dans des systèmes d'information distincts des listes d'initiés, tant qu'il reste possible de reconstituer la liste sous le format imposé par le texte de niveau 2 et sur demande d'un régulateur.

Enfin, ESMA n'entend pas modifier le format des listes d'initiés ni supprimer les champs qui sont imposés aujourd'hui (considérant que les clarifications qui seront apportées comme expliqué ci-avant suffiront à réduire la lourdeur administrative des listes).

  • Transactions dirigeants (PDMRs14) (section 8, p. 101 à 117)

La proposition d'étendre les restrictions posées à l'article 19(11) sur les fenêtres négatives à d'autres personnes que les émetteurs (critiquée par l'AMAFI notamment) est abandonnée.

ESMA recommande par ailleurs de maintenir les seuils actuels pour les notifications des transactions des dirigeants. Elle propose enfin de prévoir des exemptions supplémentaires aux restrictions de réaliser ces transactions pendant les périodes de fenêtres négatives.

  • Surveillance & Sanctions (Sections 10 et 11, p. 128 à 151)

ESMA conclut dans son rapport à l'opportunité de revoir le régime actuel d'enregistrement et de reporting des carnets d'ordres des trading venues, en vue d'une plus grande convergence en la matière. Elle remet à plus tard en revanche la question d'un reporting obligatoire de ces données aux régulateurs.

Sur le sujet Cum/Ex (WHT15), ESMA recommande in fine de ne pas amender MAR (l'objectif de la proposition initiale était de permettre aux régulateurs d'investiguer/sanctionner ce type de montages) mais suggère à la Commission une proposition législative pour autoriser et sécuriser les échanges d'information sur ces montages entre les régulateurs de marché et les autorités fiscales.

Quant aux sujets relatifs à l'harmonisation des sanctions administratives/pénales, ESMA conclu dans son rapport qu'il ne semble pas urgent de modifier l'article 30(1) de MAR sur la discrétion laissée aux Etats membres en la matière mais recommande à la Commission d'envisager des améliorations au dispositif actuel s'agissant de la poursuite des sanctions cross-border.

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  • 14 i.e. Persons discharging managerial responsibilities telles que définies par l'article 3(25) et (26) de MAR.

  • 15 Withholding Tax. Plus précisément, le schéma dit Cum/EX est un montage fiscal frauduleux reposant sur l'échange d'un nombre important de titres entre plusieurs personnes à l'approche de la période du versement de dividendes, suivi par de nombreuses demandes de remboursement des retenues à la source (WHT) applicables à ces mêmes dividendes.

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