* Jean-Pierre Jouyet évoque un "phénomène fort"

* La gouvernance de la zone euro mise en cause

* L'Allemagne appelée à faire preuve de plus de solidarité

par Yann Le Guernigou

PARIS, 16 janvier (Reuters) - La perte par la France de son triple A traduit un "décrochage" de la France par rapport à l'Allemagne, estiment des responsables français, qui s'inquiètent surtout des risques qu'elle fait peser sur le règlement de la crise de la zone euro.

Ils jugent aussi que la France doit tout faire pour assainir ses finances publiques "et pas seulement à coups de mesure d'urgence", selon les mots du président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) Jean-Pierre Jouyet.

"Ce qui est important psychologiquement et également sur le plan symbolique, c'est le décrochage par rapport à l'Allemagne et c'est ça qui est un phénomène fort", a dit lundi sur France Info l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy, qui est aussi proche du candidat socialiste à la présidentielle François Hollande.

"La France et l'Allemagne sont toujours dans le même bateau, mais il y a un bateau qui est un peu plus alourdi que l'autre en ce moment", a-t-il ajouté.

Pour Dominique Moïsi, conseiller auprès de l'Institut français des relations internationales, Nicolas Sarkozy a raison de mettre ses pas dans ceux de l'Allemagne comme il le fait depuis le début de la crise de la zone euro, mais a eu tort de mettre l'accent sur la défense du triple A de la France.

"Au fond, la gravité de la crise a été un révélateur des forces et faiblesses respectives de la France et de l'Allemagne" qui touche aujourd'hui les dividendes de réformes structurelles qu'elle lancées bien avant tous les autres, fait-il valoir.

"Il y a déjà dans l'Europe moins de France et plus d'Allemagne : on n'a pas attendu la dégradation de la note de la France pour faire ce constat qui est là depuis longtemps !".

LA FRANCE FRAGILISÉE ?

Pour l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, la décision de Standard & Poor's, qui a maintenu en revanche le triple A de l'Allemagne, "fragilise la France politiquement dans les négociations européennes, et notamment dans ses rapports avec l'Allemagne" au moment où les deux pays sont en première ligne des efforts pour régler la crise de la zone euro.

La rapporteure générale de la Commission des Finances du Sénat, la socialiste Nicole Bricq, y voit une sanction de la politique de Nicolas Sarkozy sur la croissance et les déficits mais juge contestable que l'agence de notation, qui avait placé les notes de la quasi-totalité des pays de la zone euro sous surveillance, ait décidé de n'en abaisser que certaines.

"Si on lit bien son communiqué, (S&P) relève le problème de gouvernance politique dans la zone euro. Il est évident que ça pèse et que ça ruine toute confiance parce que les investisseurs ne voient pas le chemin pour sortir de cette crise", a-t-elle dit à Reuters.

Elle s'étonne que S&P ait différencié son verdict par pays alors que, selon elle, "le risque italien n'est pas contenu, la crise grecque n'est toujours pas réglée".

La conséquence en est que les dispositifs de solidarité européens pourraient avoir besoin de moyens supplémentaires, "ce qui réduira encore les marges de manoeuvre des Etats".

CAMPAGNE SOUS SURVEILLANCE

Son homologue de l'Assemblée nationale, le député UMP Gilles Carrez, va dans le même sens en jugeant que le "triple A" du Fonds européen de stabilité financière était "adossé au triple A" de la France et l'Allemagne.

"A partir d'un moment où l'un fait défaut, l'Allemagne va devoir prendre des responsabilités plus importantes", a-t-il déclaré à Reuters, en appelant à une plus grande solidarité de sa part face à la crise.

"Le plus simple serait d'agir via la Banque centrale européenne. Si on a besoin de financements supplémentaires, il faudra qu'elle en apporte une partie", a-t-il ajouté, alors que Berlin a refusé jusqu'ici que la BCE intervienne à ce niveau.

"La contrepartie, ce sera le rééquilibrage des budgets, même si on a un taux de croissance très faible. Cela passe par des économies, il ne faut pas se leurrer, pas par des augmentations d'impôts car on a déjà largement donné", a-t-il poursuivi.

Jean-Pierre Jouyet, qui fut secrétaire d'Etat aux Affaires européennes de 2007 à fin 2008, juge que "la France a payé, dans une certaine mesure le paquet fiscal de 2007", une série d'exemptions votées juste après l'élection de Nicolas Sarkozy.

Les candidats à l'Elysée sont désormais, selon lui, sous contrainte. "La campagne électorale sera sous surveillance aussi. Je crois que ce qu'il faut faire aujourd'hui, c'est assainir les finances publiques et pas simplement à coup de mesures d'urgence". (avec Thierry Lévêque et Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)