* Le "plan de paix" du président syrien mal reçu sauf par l'Iran

* Le gouvernement syrien va se réunir pour le mettre en oeuvre

* Les combats se poursuivent à Damas, Idlib, Alep, selon l'OSDH (Actualisé § 12 avec commentaires du PM turc)

par Oliver Holmes

BEYROUTH, 7 janvier (Reuters) - Les combats se sont poursuivis lundi à Damas et dans plusieurs régions de Syrie au lendemain du discours du président Bachar al Assad, mal reçu partout, sauf en Iran.

Les affrontements ont repris près de l'axe qui mène à l'aéroport international, quelques heures après la présentation non loin de là par le président de son "plan de paix" devant un auditoire de partisans enthousiastes, rapporte l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), proche de l'opposition.

Selon cette ONG basée à Londres, des tirs d'artillerie ont été entendus dans le quartier d'Arkaba, à cinq km de la Maison de la culture où a parlé Bachar al Assad. Les combats ont eu lieu toute la nuit et faisaient rage lundi autour de la capitale ainsi que dans les provinces d'Idlib et d'Alep, dans le Nord.

Dans les quartiers où les habitants sont acquis au président Assad, son discours a été accueilli par des tirs d'enthousiasme. Mais même là, certains disent ne voir aucun signe d'une paix possible, bien que le gouvernement ait dit son intention de mettre en oeuvre le plan annoncé.

"Je suis d'accord sur les idées mais ce ne seront que des mots tant qu'il n'agira pas", déclare Aliaa, une fidèle du président qui habite dans le sud de Damas. "Il doit faire quelque chose. Mais, quoi qu'il suggère maintenant, c'est trop tard. Les rebelles ne vont pas s'arrêter."

Dans le quartier de Mezzeh, qui a été le théâtre de plusieurs attentats à la bombe, un opposant souligne que la population a des préoccupations plus terre à terre. "Ici, personne n'a rien à faire de son discours. Ce qui préoccupe les gens, ce sont l'alimentation et l'électricité."

Un autre explique que peu de gens ont suivi le discours à la télévision et que la répression ne va pas cesser. "Les opérations militaires vont se poursuivre à fond. Et il va rester", affirme-t-il.

"MARIONNETTE DE L'OCCIDENT"

La France et les Etats-Unis ont estimé que le discours du chef de l'Etat, le premier en public depuis juin dernier, montrait qu'il n'était pas en phase avec la réalité après 21 mois d'un conflit qui a fait 60.000 morts selon les Nations unies. (voir )

"On savait que Bachar était l'assassin de son peuple, on constate en écoutant son discours lamentable qu'il est en plus sourd et aveugle", écrit le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, sur Twitter. "Le meilleur voeu qu'on puisse formuler pour la Syrie en 2013, c'est qu'elle soit débarrassée de son dictateur."

Par la voix de son porte-parole, Ban Ki-moon s'est pour sa part dit "déçu que le discours du président Bachar al Assad (...) ne contribue pas à une solution susceptible de mettre fin aux terribles souffrances du peuple syrien".

Le secrétaire général de l'Onu regrette notamment que le président syrien rejette les pincipes avancés en juin 2012 par la communauté internationale pour tenter de sortir de la crise, "c'est-à-dire une transition politique et l'instauration d'une instance transitoire de gouvernement dotée des pleins pouvoirs exécutifs et qui incluerait des représentants de l'opposition".

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, dont le pays partage une frontière poreuse avec le nord de la Syrie, a accusé lundi Bachar al Assad d'"orchestrer un terrorisme d'Etat".

Bachar al Assad a, de toutes façons, vidé lui-même son "plan de paix" d'une bonne partie de sa substance en laissant entendre qu'il ne voulait pas discuter avec l'opposition, taxée de "marionnette de l'Occident".

Il a proposé aux Syriens de se mobiliser dans une "guerre pour défendre l'Etat" et a suggéré un cessez-le-feu mais seulement après l'arrêt des opérations menées par les rebelles.

Le Premier ministre, Waël al Halki, a appelé lundi à un conseil des ministres extraordinaire pour mettre en oeuvre "le programme national annoncé par le président Bachar al Assad hier pour résoudre la crise en Syrie", écrit l'agence de presse officielle Sana.

Selon le vice-président de la Coalition nationale syrienne (CNS, opposition), Georges Sabra, ce plan de paix "ne mérite même pas d'être appelé initiative."

"Il faudrait plutôt le voir comme une déclaration de poursuite de la guerre contre le peuple syrien", a-t-il déclaré.

L'Iran, principal allié du président Assad, a au contraire salué les propositions de ce dernier, y voyant un "rejet de la violence et du terrorisme",

La République islamique a présenté son propre plan de sortie de crise, en six points, comprenant une cessation immédiate des hostilités et des négociations entre toutes les parties pour former un gouvernement de transition, sans appeler au départ de Bachar al Assad comme le réclame l'opposition syrienne.

La Russie, autre allié de la Syrie, n'a pas réagi officiellement. Le pays fête le Noël orthodoxe dimanche et lundi.

"SOLDATS SYRIENS MARTYRS"

La télévision syrienne a diffusé des images de voitures circulant en convoi dans les artères de Damas, des drapeaux syriens agités à la portière. Certaines personnes bravaient le froid et la pluie pour défiler à pied à côté du convoi.

"C'était un discours victorieux qui respecte les soldats syriens martyrs", a déclaré un homme à la télévision d'Etat, en soulignant que la veste de camouflage qu'il portait était celle de son frère, tué en combattant contre les insurgés.

Les rebelles contrôlent désormais des zones importantes dans le nord et l'est de la Syrie, l'essentiel de ses points de passage à la frontière turque et un croissant de faubourgs autour de Damas.

Mais le gouvernement maintient toujours le contrôle de la capitale, de l'essentiel du Sud-ouest densément peuplé, de la côte méditerranéenne, de l'autoroute qui traverse le pays du nord au sud et des bases militaires dans tout le pays. (Avec Ayat Basma et Erika Solomon à Beyrouth et Jeffrey Heller à Jérusalem; Danielle Rouquié et Jean-Loup Fiévet pour le service français)