* L'état d'urgence déclaré pour un mois, couvre-feu au Caire et plusieurs grandes villes

* Au moins 278 tués dans toute l'Egypte, selon le ministère de la Santé

* Le vice-président Mohamed ElBaradeï démissionne

* Les autorités rejettent la responsabilité sur les islamistes

* Les USA, l'UE et la France condamnent la répression (Actualisé avec derniers développements)

par Yasmine Saleh et Tom Finn

LE CAIRE, 14 août (Reuters) - L'état d'urgence a été décrété mercredi en Egypte après l'assaut des forces de sécurité contre les rassemblements des partisans du président déchu Mohamed Morsi au Caire, à l'origine de violences qui ont fait au moins 235 morts et 2.000 blessés dans l'ensemble du pays, selon un bilan officiel.

La répression policière a entraîné la démission du vice-président intérimaire Mohamed ElBaradeï et de vives critiques des Etats-Unis, de l'Union européenne, du secrétaire-général de l'Onu ou de la France, qui ont appelé les deux camps à chercher une solution politique à la crise.

Les violences qui se sont entre autres étendues à Alexandrie, deuxième ville du pays, et à la Moyenne-Egypte où vivent de nombreux chrétiens coptes, ont fait au moins 235 morts à travers le pays, selon un bilan médical.

Le ministre de l'Intérieur du gouvernement intérimaire mis en place par l'armée après le renversement de Mohamed Morsi a précisé que 43 policiers faisaient partie des victimes. (voir )

Deux journalistes ont également tués, dont un cameraman de la chaîne britannique Sky News, et plusieurs autres blessés par balles.

Promettant un retour à la sécurité "d'avant le 25 janvier" 2011, début du soulèvement contre Hosni Moubarak, Mohamed Ibrahim a annoncé que la police ne tolérerait plus aucun sit-in ni manifestation.

Outre l'état d'urgence, un couvre-feu a été décrété entre 19h00 et 06h00 locales dans 11 des 27 provinces du pays, où se trouvent la plupart des grandes villes.

La coalition islamiste pro-Morsi avait appelé un peu plus tôt les Egyptiens à manifester à nouveau massivement contre le "coup d'Etat" militaire.

DÉMISSION D'ELBARADEÏ

L'assaut du Caire, lancé vers 07h00 locales (05h00 GMT), est intervenu après l'échec de plusieurs tentatives de médiation pour mettre fin au bras de fer engagé entre les partisans de Mohamed Morsi, souvent issus comme lui des Frères musulmans, et le gouvernement provisoire soutenu par l'armée.

En tout début de soirée, l'agence officielle de presse Mena rapportait que la police avait pris le contrôle total du site de Rabaa al Adaouia, dans le nord-est de la capitale, où des milliers de partisans de Morsi campaient depuis sa destitution par les militaires, le 3 juillet.

Le Premier ministre intérimaire, Hazem el Beblaoui, a justifié cette intervention brutale contre laquelle les autorités égyptiennes avaient été mises en garde par les pays occidentaux, en disant ne pas avoir eu le choix.

"Nous avons jugé que les choses avaient atteint un point qu'aucun Etat se respectant ne pouvait accepter", a-t-il dit.

Le vice-président Mohamed ElBaradeï, une des principales cautions libérales des autorités mises en place par l'armée, n'en a pas jugé ainsi.

Ecrivant dans sa lettre de démission qu'une solution politique était encore possible et que les seuls bénéficiaires de l'intervention des forces de sécurité seront "ceux qui appellent à la violence et au terrorisme", le prix Nobel de la paix a remis son tablier.

Aucun ministre ne devrait lui emboîter le pas, a toutefois assuré le chef du parti dont sont issus le Premier ministre et un de ses adjoints. (voir )

L'intervention des forces de l'ordre a mis en évidence la polarisation exacerbée de la société égyptienne, de nombreux habitants descendant dans la rue pour affronter les manifestants islamistes aux côtés des forces de l'ordre.

Au Caire, le plus petit des campements des pro-Morsi, sur la place Al Nahda, dans le quartier de Guizeh, a été rapidement vidé par les forces de sécurité.

Les affrontements ont en revanche été extrêmement violents aux abords du second sit-in, sur la place Rabaa al Adaouia, où plusieurs dizaines de manifestants ont été tués, presque tous par balles, selon des sources médicales.

PROTESTATIONS INTERNATIONALES

Le sort de Essam el Erian et Mohamed el Beltagi, deux responsables du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), l'aile politique des Frères musulmans, restait incertain en fin de soirée. L'arrestation du second a été annoncée puis démentie à deux reprises dans la journée. (voir et )

Alors que le gouvernement intérimaire a appelé dans un communiqué les partisans de Mohamed Morsi à "entendre la voix de la raison", Mohamed el Beltagi a comparé la situation en Egypte au conflit syrien, accusant les militaires de vouloir plonger le pays dans la guerre civile.

Les salafistes d'Al Nour, deuxième parti islamiste après le PLJ, ont de leur côté demandé la fin des violences politiques qui "menacent de diviser la société".

La dispersion des sit-in et la proclamation de l'état d'urgence, dont les défenseurs des droits de l'homme craignent qu'il n'ouvre une nouvelle ère d'arrestations arbitraires, ont fait l'objet de vives critiques à travers le monde.

De Washington à Ankara, en passant par Paris et Bruxelles, les voix se sont élevées pour demander la fin de la répression et appeler les deux camps à chercher une solution politique.

Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a saisi le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et les principaux partenaires de la France "pour qu'en urgence une position internationale soit prise en ce sens", a indiqué le Quai d'Orsay dans un communiqué. (voir )

"Les événements d'aujourd'hui sont déplorables et vont à l'encontre des aspirations des Egyptiens à la paix, la participation de tous au processus politique et la véritable démocratie", a déclaré de son côté le secrétaire d'Etat américain John Kerry. (voir )

Les Etats-Unis, qui équipent l'armée égyptienne, ont indiqué qu'une révision éventuelle de leur aide militaire annuelle de 1,3 milliard de dollars et une possible annulation d'exercices militaires communs étaient à l'étude, mais qu'aucune décision n'avait encore été prise.

RENVOIS

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Pour une CHRONOLOGIE de la crise en Egypte: (Avec Michael Georgy, Tom Perry, Shadia Nasralla, Omar Fahmy et Ashraf Fahim; Jean-Stéphane Brosse, Julien Dury et Tangi Salaün pour le service français)