"Quelle prévision avez-vous de l’évolution de l’économie mondiale cette année ?
L’année 2013 devrait globalement être un peu meilleure que 2012. Les principaux moteurs de la croissance mondiale seront de toute évidence les Etats-Unis et la Chine. L’Europe connaîtra au mieux une stagnation du fait de la morosité de la demande domestique.

Quel regard portez-vous sur les dernières statistiques décevantes parues sur la Chine ?
Il y a lieu de prendre ces dernières données avec prudence. Lorsqu’on lisse les chiffres sur quelques mois, l’impression qui en découle est plus celle d’un rétablissement que celle d’un essoufflement.
De plus, le nouvel an chinois a eu pour effet, comme tous les ans, de perturber les statistiques. Si la croissance des ventes au détail et de la production a été moins significative qu’attendu, pour autant les exportations ont fortement grimpé et l’activité dans les infrastructures connaît de nouveau une accélération.
Je pense qu’au fur et à mesure du temps, le sentiment positif sur l’économie chinoise va se renforcer.

A quel taux de croissance vous attendez vous pour l’Empire du milieu cette année ?
La plupart de nos modèles laissent à penser que nous devrions avoir sur le premier semestre une économie chinoise dans le haut de la fourchette visée par les autorités locales (7 à 8 %).

L’inflation risque-t-elle d’être un problème ?
L’inflation n’est pas un sujet à court terme en raison du repli des prix des denrées agricoles par rapport au premier semestre de 2012. Ceci étant, elle demeure un point de vigilance pour le reste de l’année. Si la croissance s’avère bien supérieure aux prévisions établies, les autorités chinoises craindront une remontée de l’inflation en conséquence. Le ratio entre offre et demande d’emplois ne cesse de s’accroître. Les entreprises chinoises ont de plus en plus de difficulté à trouver une main d’œuvre qualifiée. En résulte une progression continue des salaires qui aura tendance à exercer une pression à la hausse sur l’inflation. Par ailleurs, des mesures ont déjà commencé à être prises pour calmer le retour des pressions haussières sur les prix de l’immobilier.

Escomptez-vous d’autres mesures de durcissement monétaire de la part de la Banque centrale chinoise ?
Tout dépendra bien entendu de l’évolution de l’inflation. Ce qui est certain c’est que la politique monétaire de la Banque centrale chinoise sera un facteur clé pour les marchés financiers mondiaux et donc sera scruté à ce titre de très près par les investisseurs. Ce facteur pourrait être discriminant au cours du second semestre de l’année.

Quid de votre vue sur les autres pays émergents ?
Les pays émergents s’inscrivent toujours dans un rattrapage économique de moyen-long terme. Le ralentissement de 2012 avait été relativement sensible pour deux principales raisons : un fort mouvement de déstockage du fait du fort ralentissement des pays développés et un pilotage resserré de la politique économique et monétaire en 2011 afin d’éviter la surchauffe.
En ce début 2013, les stocks sont très bas et ont besoin d’être reconstitués, et la majeure partie des pays émergents ont davantage tendance à soutenir la croissance économique par des politiques budgétaires et monétaires moins restrictives ou plus expansionnistes, selon les pays.

Quelle vision avez-vous de la toile de fond macroéconomique aux Etats-Unis ?
Il y a plus de risque que nous soyons surpris positivement que négativement par la croissance américaine. Tout est prêt pour avoir une économie plus vigoureuse que ce qu’avance le consensus. Le problème est que le risque de guerre budgétaire a pour effet de paralyser les entreprises américaines dans leurs investissements. Sans cette incertitude, le moral des entreprises serait plus fort et les inciterait à dépenser davantage.
Il est difficile d’avoir une opinion tranchée sur l’issue du débat budgétaire. Nous ne croyons pas à un blocage très négatif. Les membres du Congrès doivent absolument trouver 1200 milliards de dollars d’économies pour les dix prochaines années. Cependant, il y a aussi une entente sur le besoin de limiter les impacts de ces économies sur 2013 et 2014 pour permettre à la croissance de répartir durablement. Cependant, les Républicains et les Démocrates restent campés sur leur position, voulant pour les premiers mettre l’accent sur les coupes de dépenses et pour les seconds se concentrer sur une combinaison de hausses d’impôts mais également de réductions de dépenses.
Nous tablons donc sur une multiplication d’accords transitoires. Un premier accord devrait être conclu d’ici le 27 mars de manière à empêcher un arrêt net du fonctionnement du gouvernement. Les mesures de réduction de dépenses devraient concerner le secteur de la défense et celui de la santé (notamment la couverture santé pour les plus âgés). Ces compromis devraient logiquement permettre d’éviter des effets trop négatifs sur l’économie.

Du côté de l’emploi, en raison de la démographie naturelle, il faudrait pour stabiliser le taux de chômage, entre 100 et 150 000 créations d’emplois par mois. Pour baisser ce taux, il faudrait entre 175 000 et 200 000 créations par mois. Si les coupes budgétaires ne se font pas de manière violente, à hauteur de 85 milliards de dollars, le marché du travail pourrait continuer à connaître un redressement. L’emploi pourrait ainsi constituer un moteur non négligeable de la croissance au second semestre en encourageant la consommation.

Quid du comportement de la Fed ?
Nous ne croyons absolument pas un resserrement monétaire de la Fed en 2013. Sa politique de liquidité restera donc encore expansionniste cette année. En revanche, l’institution monétaire va chercher de plus en plus à préparer les marchés à un début de sortie de sa politique non conventionnelle a partir de 2014. La Fed sait que les taux longs doivent remonter sous peine que cela devienne contre productif. Le fait que le prix de l’argent n’ait plus « de valeur » peut conduire à une mauvaise allocation des capitaux. Les engagements à terme des fonds de pension et compagnies d’assurances deviennent, par exemple, beaucoup plus lourds lorsque les taux d’intérêt sont très faibles. la Fed souhaite éviter que les taux longs ne remontent trop violemment pour éviter un krach obligataire.
La Fed s’attachera à communiquer prudemment sur sa sortie précoce afin de pentifier la courbe des taux. Tantôt elle indiquera par un communiqué que certains membres du comité de pilotage de la politique monétaire veulent mettre un terme de manière anticipée à la politique ultra accommodante, tantôt son Gouverneur, Ben Bernanke, rassurera sur le fait que la politique expansionniste perdurera tant que la croissance ne sera pas forte et que le taux de chômage n’aura pas baissé de manière significative.

A présent quelques mots sur le Vieux continent ?

Nous ne prévoyons pas dans notre scénario central de dérapage concernant l’Italie. Le pays n’est pas en crise budgétaire. Le déficit s’est révélé meilleur que prévu, en dessous de 3%. Si l’on raisonne en solde primaire, c’est à dire avant paiement de la charge d’intérêt, l’Italie est en excédent budgétaire. Ensuite nous sommes dans une configuration tout à fait différente de celle de 2011. Des décisions politiques importantes ont été prises, au niveau de l’Union bancaire, du Mécanisme européen de stabilité, des opérations de rachats de titres de dette par la BCE si bien que le risque systémique a quasiment disparu.
L’incertitude politique en Italie a surtout pour conséquence de retarder la mise en œuvre des réformes structurelles (marché du travail). Par nature, ces réformes demandent du temps.

Le pays doit absolument éviter de nouvelles élections ?

Nous estimons que les décideurs politiques italiens chercheront à éviter à tout prix de nouvelles élections à court terme. Il manque au centre gauche de M. Bersani, majoritaire au parlement, 17 à 20 sénateurs pour avoir la majorité au Sénat. Il n’est pas impossible qu’il parvienne à convaincre des membres du parti 5 Etoiles de Beppe Grillo. Nous devrions au mieux avoir un début de visibilité à partir de fin avril.

Quid du reste des pays européens qui rencontrent des difficultés ?
Le résultat des élections présidentielles à Chypre est plutôt une bonne nouvelle. Un libéral l’a emporté. Il est prêt à accepter les conditions pour obtenir de l’aide. Le dossier devrait être d’autant plus réglé que la chancelière allemande Angela Merkel fera tout pour éviter un désordre avant les élections qui ont lieu outre Rhin en septembre.

Finalement quel est le principal risque que vous entrevoyez dans le panorama économique mondial ?
Une rechute de la croissance dans la zone euro en 2013 et une absence de reprise en 2014 qui serait la conséquence d’une moindre croissance aux Etats-Unis et d’une inflation galopante en Chine. Dans ce cas, le risque systémique pourrait resurgir.

Quel est la ligne directrice de votre stratégie d’investissement à ce stade ?

Nous sommes constructifs sur les actions de la zone euro en raison de la quasi disparition du risque d’implosion de la monnaie unique. La baisse de la prime de risque malgré certaines fragilités devrait conduire à soutenir les actions.
Nous sommes également positifs sur les actions japonaises en raison de la volonté marquée des autorités de faire tout ce qui est nécessaire pour sortir l’économie japonaise de la déflation : relance budgétaire massive et politique d’assouplissement quantitatif par la banque centrale.
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