par Michele Kambas

NICOSIE, 17 février (Reuters) - Les électeurs de Chypre sont appelés aux urnes ce dimanche pour un scrutin présidentiel perçu en Europe comme une étape essentielle dans le sauvetage financier de ce petit pays, qui, malgré sa taille modeste, menace de ruiner les efforts de la zone euro pour sortir de la crise des dettes souveraines.

L'enjeu économique est tel, Chypre traversant sa plus grave crise depuis 40 ans, qu'il a totalement éclipsé durant la campagne la question d'une éventuelle réunification avec la partie turque de l'île, divisée depuis 1974.

"Tout est en jeu, comme jamais auparavant", assure Kyriakos Iacovides, directeur du quotidien Cyprus Mail.

"Il faut reconstruire le pays, réhabiliter Chypre au sein de l'Union européenne. Nous avons besoin d'un dirigeant fort pour rebâtir le pays."

Les bureaux de vote ouvrent à 05h00 GMT pour le demi-million d'électeurs appelés à désigner le prochain président pour les cinq prochaines années. Un second tour sera organisé le 24 février si aucun candidat n'obtient la majorité absolue.

Le conservateur Nicos Anastasiades est le grand favori du scrutin. Il est crédité dans les derniers sondages d'un peu plus de 40% des suffrages, soit une quinzaine de points d'avance sur son plus proche rival, Stavros Malas, soutenu par les communistes. Son autre principal adversaire est l'indépendant George Lillikas.

"La situation à laquelle nous sommes confrontés, c'est deux candidats faibles contre une personnalité potentiellement impopulaire. Anastasiades est un personnage clivant au sein de la classe politique chypriote, respecté mais pas forcément apprécié", juge Hubert Faustmann, pofesseur associé à l'université de Nicosie.

"L'économie a dominé les débats et j'ai rarement vu une campagne aussi terne. En quelque sorte, elle n'a pas mobilisé la population, qui pourrait être désabusée", ajoute-t-il.

Chypre est un cas exemplaire des difficultés de la zone euro.

IMPLICATION DE LA RUSSIE

Le pays a sollicité en 2012 une aide financière extérieure en raison des pertes subies par ses banques à la suite de la restructuration de la dette de la Grèce. Il ne peut plus se financer sur les marchés depuis mai 2011 et il a désormais besoin d'environ 17 milliards d'euros.

La somme est relativement faible à l'échelle de la zone euro mais elle équivaut à la richesse annuelle produite par le pays.

Or, que l'on restructure la dette ou que l'on laisse les banques subir leurs pertes, aucune solution ne semble satisfaisante puisqu'elle ébranlerait la fragile confiance des marchés financiers dans les mécanismes difficilement mis au point par la zone euro pour tenter de sauver ses pays les plus menacés.

La situation est compliquée par l'implication de la Russie dans le système financier chypriote et par les doutes européens, en particulier allemands, sur la sincérité des efforts de lutte contre le blanchiment d'argent de la part des autorités de l'île. Autrement dit, certains au sein de la zone euro renâclent à sauver un système bancaire soupçonné d'abriter des fonds jugés douteux.

Dernier obstacle dans les discussions sur une aide financière à Chypre, le chef de l'Etat sortant, le communiste Demetris Christofias, accuse l'Union européenne et le Fonds monétaire international de "persécuter" les Chypriotes avec les conditions posées à leur aide éventuelle.

Parmi les candidats en lice, Nicos Anastasiades est le plus fervent partisan d'un accord avec l'UE et le FMI.

Déjà soumis depuis 2012 à un cocktail de baisses de revenus et de hausses d'impôts, pimenté par un chômage à 15%, les Chypriotes ne semblent guère enthousiastes au moment de choisir leur nouveau président.

"Les choses iront mieux pour Chypre avec un diirgeant fort", juge Marios Ioannou, 28 ans. "Mais les gens sont en colère contre les responsables politiques et les banquiers qui nous ont mis dans ce pétrin. Beaucoup de mes amis ont perdu leur emploi. Chypre n'est plus ce qu'elle était." (Bertrand Boucey pour le service français)