PARIS, 29 avril (Reuters) - Quelque 1.170 experts du patrimoine ont mis en garde lundi le gouvernement contre les dérogations qu'il prévoit en matière de marché public et de protection du patrimoine pour permettre la reconstruction de Notre-Dame de Paris en cinq ans. "Nous, universitaires, chercheurs et professionnels du patrimoine, de France et du monde entier, nous permettons de nous adresser à vous, Monsieur le Président, pour vous demander, comme l’a si bien dit Jean Nouvel (architecte français, ndlr), de 'laisser le temps du diagnostic aux historiens et aux experts avant de (vous) prononcer sur l’avenir du monument'", écrivent-ils dans une tribune publiée dans Le Figaro.

"Nous savons que le calendrier politique demande d’agir vite, nous savons combien une Notre-Dame mutilée pèse sur l’image de la France. Néanmoins, ce qui va se passer à Notre-Dame dans les années à venir nous engage, tous, bien au-delà de ce calendrier."

Le projet de loi sur la reconstruction de Notre-Dame de Paris présenté la semaine dernière au conseil des ministres prévoit de permettre au gouvernement de déroger à nombre de procédures pour tenir le délai de cinq ans fixé par Emmanuel Macron.

Ces dérogations, qui feront l'objet d'ordonnances, pourront concerner les règles relatives à l'élaboration des documents de planification, la délivrance des autorisations de travaux, la participation du public, le traitement des contentieux, l'évaluation et la protection environnementales, la construction, l'urbanisme, la préservation du patrimoine, l'archéologie préventive, la voirie ou les transports.

En fonction des stratégies de chantier et de reconstruction choisies, les procédures relatives au transport de matières dangereuses pourraient être revues si des matières particulières nécessaires au chantier devaient être transportées sur la Seine, peut-on lire dans l'étude d'impact du projet de loi.

Ces dérogations pourraient aussi concerner l'élimination des déchets, qui pourraient contenir du plomb ou des résidus de produits fongicides, ajoute le texte.

En cas de fouilles archéologiques à réaliser sur les sites annexes d'installations provisoires, l'opérateur chargé des travaux pourrait être désigné sans appel d'offre.

"Passer un petit peu par dessus certaines procédures, pour accélérer les choses, ça peut être un bienfait, mais ce qu'on craint c'est qu'on ne laisse pas assez de temps aux experts", a dit sur BFMTV Philippe Plagnieux, professeur d’histoire de l’art, université Paris-Sorbonne.

"Il y a des experts, des fonctionnaires des monuments historiques, il y a aussi des corps de métiers qui sont spécialisés dans les bâtiments anciens et nous, on craint justement qu'on ne soit pas assez attentif à ces avis-là, qu'on utilise des matériaux qui ne sont pas les bons, qu'on fasse appel à des gens qui ne sont pas spécialisés dans le patrimoine ancien", a-t-il ajouté. (Caroline Pailliez, édité par Yves Clarisse)