par Aziz El Yaakoubi

DUBAI, 19 mars (Reuters) - Les Houthis considèrent que le plan de cessez-le-feu américain visant à mettre fin à six ans de guerre au Yémen ne va pas assez loin et réclament la levée du blocus maritime et aérien qui les vise comme préalable à tout accord de trêve.

L'envoyé spécial des Etats-Unis pour le Yémen, Tim Lenderking, vient d'achever une tournée dans la région pour tenter de convaincre les belligérants d'accepter un cessez-le-feu et relancer des pourparlers sous l'égide des Nations unies.

"Nous avons discuté de toutes ces propositions et présenté des alternatives. Nous poursuivons les discussions", a déclaré à Reuters le négociateur en chef des Houthis, Mohammed Abdulsalam.

L'Arabie saoudite, qui intervient militairement au Yémen depuis mars 2015 à la tête d'une coalition de pays du Golfe, cherche à sortir du conflit mais demande au mouvement rebelle houthiste de garantir la sécurité de ses frontières et de réduire l'influence de l'Iran au Yémen. Téhéran dément armer les Houthis, comme l'en accuse le royaume.

Selon trois sources au fait des négociations, la demande houthie d'une levée du blocus comme préalable à tout accord de trêve constitue l'un des principaux obstacles aux discussions.

La coalition sous commandement saoudien contrôle l'espace aérien et les eaux territoriales yéménites, notamment au large du port de Hodeïdah contrôlé par les Houthis, par où transitent plus de 70% des importations du Yémen.

Les Houthis tiennent une grande partie du nord du pays, dont la capitale Sanaa.

"La question est considérée comme une menace existentielle en Arabie saoudite. Des échanges maritimes et des vols quotidiens entre le nord du Yémen et l'Iran provoqueraient une véritable inquiétude à Ryad", explique une source proche des négociateurs. "C'est un cas d'école sur la manière de terminer une guerre que vous n'avez pas gagnée."

UN PLAN "SOLIDE"

Tim Lenderking n'a pas fourni les détails de son plan, qu'il a qualifié de "solide". Selon Mohammed Abdulsalam, il prévoit que la coalition pourra autoriser des vols à destination de Sanaa en provenance de certaines villes. Les Houthis sont également d'accord pour que les navires se rendant à Hodeïdah soient inspectés mais, ajoute leur porte-parole, la coalition réclame que les recettes du port soient reversées au gouvernement yéménite soutenu par Ryad.

"D'après ce que je comprends, les Saoudiens sont prêts à faire des concessions", déclare Peter Salisbury, analyste à l'International Crisis Group. "Mais le diable est toujours dans les détails."

La question est d'autant plus pressante que les Houthis multiplient les attaques au drone ou au missile en direction du territoire saoudien et gagnent du terrain dans une offensive menée contre la région gazière de Marib.

"Je pense que cette escalade militaire à Marib et ailleurs montre que l'Iran veut faire pression indirectement sur les Etats-Unis dans le dossier nucléaire, je ne vois pas d'autre raison", commente un responsable saoudien sous le sceau de l'anonymat.

Une hypothèse que rejette Mohammed Abdulsalam. Le ministère iranien des Affaires étrangères a récemment déclaré qu'il soutenait une trêve au Yémen "avec levée du blocus".

Les discussions se poursuivent alors que la crise humanitaire s'aggrave toujours davantage dans le pays.

Aucune cargaison de fuel n'a pu entrer à Hodeïdah depuis janvier, a déclaré mardi l'émissaire des Nations unies, Martin Griffiths. A la date du 17 mars, au moins 13 pétroliers étaient retenus au large du port par les navires de la coalition alors même qu'ils avaient reçu l'autorisation de l'Onu, selon des données des Nations unies.

Les pénuries de carburant mettent à l'arrêt les générateurs dans les hôpitaux, les pompes à eau et perturbe l'acheminement de l'aide humanitaire dont dépend 80% de la population. (version française Jean-Stéphane Brosse, édité par Jean-Michel Bélot)