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(Easybourse.com) Les prix immobiliers en Chine ont progressé de 7,8% en décembre en glissement annuel. C'est la plus forte hausse depuis juin 2008. De quelle manière considérez-vous la bulle constituée sur le marché immobilier ?
Dans l'ensemble, il est trop tôt pour parler de bulle, bien que nous ayons pu observer une forte montée des prix dans certaines zones, particulièrement sur le marché premium, et à Shanghai et Beijing. Les récentes mesures prises pour ralentir la croissance du crédit en augmentant les exigences du ratio de réserves obligatoires des banques  devrait aider. Les autorités devraient par ailleurs s'appuyer sur un resserrement de la politique monétaire incluant une augmentation des taux d'intérêt pour prévenir la formation de cette bulle.

Après une année record pour les prêts bancaires en 2009, de 600 milliards de yuans, pour les deux premières semaines de 2010, les banques  ont distribué près de 1,100 milliard de yuans supplémentaires. Pensez-vous que les autorités chinoises seront en mesure  de freiner la croissance continue du crédit dans le pays?
La Chine sait agir rapidement et résolument pour maintenir le niveau souhaité de croissance. En plus des mesures de resserrement prises par la banque centrale, les régulateurs ont ordonné aux banques de temporairement cesser la distribution du crédit, après cet important bond observé à l'issue des deux premières semaines de janvier.
Ces mesures ont rudement limité la croissance du crédit depuis lors. Les prêts distribués pour l'ensemble du mois de janvier se sont élevés à 11 milliards de yuans, soit une hausse de 19% de l'objectif fixé pour cette année.
Cela montre que les actions politiques peuvent très rapidement contrôler l'emprunt dans le pays.

Après avoir renforcé les exigences de capital des établissements bancaires, mouvement initié en juin 2008, la banque centrale chinoise a accru les ratios de réserves d'environ 50 points de base en février. Ces mesures de resserrement sont intervenues malgré une baisse de l'inflation mesurée par le prix à la consommation entre janvier et décembre et ont été prises plus tôt qu'attendu. C'est une indication de plus qui prouve que la Chine souhaite véritablement éviter la formation de bulles à la suite de la croissance record  du crédit enregistrée début janvier.

Pensez-vous que la Chine sera en mesure d'accroître la participation des consommateurs à la croissance de son économie ?
C'est un objectif clé pour la Chine que d'élever les standards de vie, spécialement dans les zones les plus démunies et rurales. Les autorités sont  très désireuses de transférer la richesse de manière à contenir  les éventuels troubles sociaux. Nous pensons que les consommateurs chinois seront amenés à jouer un plus grand rôle dans la croissance économique dans les années à venir-la rapide urbanisation, les augmentations de revenus, l'accentuation de l'aide publique dans le domaine de la retraite et de la sécurité sociale... aideront à affermir la confiance des consommateurs qui auront tendance à vouloir acquérir les mêmes choses que dans les pays occidentaux : voitures, appareils électroniques, biens immobiliers,  loisirs…

Selon-vous les autorités chinoises ont-elles les bons outils pour garder sous contrôle la surchauffe  de l'économie?
Oui. Elles agiront agressivement si besoin et pourront rapidement renverser la tendance si nécessaire.

Quelle est la meilleure stratégie à adopter : allouer des fonds directement dans les actions chinoises ou rechercher des sociétés dans d'autres pays qui on une forte exposition sur le marché chinois?
Les deux options me semblent pertinentes. Cela dépend des valorisations, et cela peut changer rapidement, surtout dans les années comme 2009 où les marchés émergents ont progressé de plus de 70% en dollars.  Nous avons ainsi uniquement investi dans un producteur chinois de charbon appelé China Shenhua Energy parce que nous souhaitions avoir une exposition dans ce domaine. Mais nous sommes en train d'explorer d'autres options parmi les sociétés dans d'autres pays comme l'Indonésie qui fournissent du charbon à la Chine.

En quoi consiste votre stratégie de stock picking ? Pourriez-vous la décrire en quelques mots ?
La volatilité et les inefficiences sur les marchés émergents créent des opportunités pour obtenir de forts rendements.
Nous pensons que la meilleure manière de générer de l'alpha est une gestion active et un processus d'investissement qui incorpore le bon équilibre entre  discipline, flexibilité et anticipation.
Pour ces raisons, la gestion prudente d'un portefeuille suppose un processus d'investissement  intégrant une dimension top down (évaluation des pays) et une dimension bottom up (analyse des secteurs et des sociétés) couplé à des thèmes d'investissement.
L'équipe d'investissement cherche à identifier des investissements qui offrent la meilleure combinaison potentiel de rendement-risque, avec un accent particulier sur notre contrôle des risques. Nous n'avons pas de biais particuliers dans nos portefeuilles investis sur les marchés émergents. Nous définissons généralement notre approche d'investissement comme une approche fondée sur la croissance à un prix raisonnable, autrement dit une approche qui considère aussi bien des critères de croissance  et de valorisation utilisés comme méthodes d'évaluation.

Nous mettons l'accent sur les sociétés à moyenne et large capitalisation et sur un strict contrôle des risques en termes de liquidité actions.

La Chine représente seulement une partie des opportunités sur les marchés émergents. Sur quels autres pays porte votre préférence ?
Actuellement nous sommes souspondérés sur la Chine et ce depuis janvier 2009. C'est davantage le résultat de notre stratégie bottom up que le fruit d'une stratégie top down. Nous serions heureux d'être surpondérés sur la Chine si nous pouvions trouver suffisamment d'opportunités attractives. Nos principales surpondérations sont la Russie, l'Indonésie, la Turquie et nos principales souspondérations sont  Taiwan, la Malaisie, la Chilie, Thailande  et la Pologne.

Quels sont les principaux facteurs qui pourraient entrainer une panique des investisseurs et une vente massive de ces derniers sur les marchés ? Est-ce qu'investir sur les marchés émergents constitue à ce titre la meilleure des solutions ? 
Le credit crunch a été causé par les banques et les économies des pays matûres. Les banques des pays émergents n'étaient pas impliquées à un degré élevé, bien que la contagion et la  crainte se soient étendues sur un plan international et des financières  vers d'autres segments, particulièrement les matières premières, ce qui a eu des répercussions négatives sur les marchés émergents.

De ce fait les économies et les marchés émergents ont été entrainés à la baisse par les problèmes générés dans les pays développés. Les menaces et les problèmes exogènes sont encore une crainte pour les marchés émergents qui pourraient souffrir, par exemple, si les grandes économies occidentales entrent en profonde récession avec un taux de croissance négatif à deux chiffres, bien que  nous pensions que cela soit improbable.
L'inflation constitue la plus grande préoccupation en Asie et la région a certainement basculé dans une phase de resserrement. L'interrogation principale porte alors sur le degré et la rapidité de ce resserrement : il pourrait y avoir des problèmes si la politique monétaire est gardée trop desserrée trop longtemps ou est resserrée trop rapidement.
La force du dollar pourrait être négative pour les producteurs de matières première, particulièrement si l'augmentation des prix est causée par les inquiétudes des investisseurs plutôt que par des raisons liées aux fondamentaux.

En Aout 2009, les actions chinoises ont été vendu massivement (à hauteur de plus de 20%) en raison des inquiétudes sur le fait que la distribution des prêts serait ralentie, que les investissements étrangers seraient  coupés et que la croissance serait faible.
La chute temporaire de la liquidité a été due aux recommandations faîtes par les autorités aux banques de couper les dépenses dans certaines zones, comme l'acier ou le ciment pour endiguer le phénomène de surcapacité. Cela a engendré un petit mouvement de panique et des ventes sur le marché.

Les prêts ont atteint des niveaux record pour le reste de l'année, les investissements étrangers ont continué à s'améliorer et la croissance économique s'est accélérée.
Les préoccupations actuelles à propos de la résorption du crédit et de la coupure du robinet de liquidité ont eu un plus petit impact sur les marchés bien que des mesures plus substantielles aient été prises. Il est difficile de donner des prévisions sur la manière dont les marchés vont réagir aux nouvelles mais une bonne politique menée en Chine et dans les marchés émergents en général est une politique de  « buy on weakness », acheter alors que les valorisations ne sont pas élevées et vendre une fois que le potentiel de rebond s'est concrétisé.
La volatilité a vocation à rester, alors mieux vaut l'utiliser à son avantage.

Dans les prochaines années, de plus en plus d'investisseurs devraient améliorer leur connaissance des marchés émergents. De quelle manière pensez-vous que cela sera possible ? Peut-on espérer un changement structurel dans le comportement des investisseurs vis-à-vis de ces marchés ?
Nous pensons qu'un changement structurel a  déjà été enclenché.
Dans 20 ans environ, les pays émergents devraient compter pour près de la moitié de la capitalisation des marchés mondiaux.   Les investisseurs n'auront pas d'autres choix que d'allouer des pourcentages plus importants de leurs portefeuilles aux marchés émergents afin de capturer la rapide croissance de leur économie et de leurs marchés financiers.
De plus, les valorisations sont habituellement et actuellement plus faibles que celles des marchés développés. L'évolution du marché et de l'environnement économique est trop forte et trop rapide pour l'ignorer. Si vous vous rappelez, au début du millénaire, les nouveaux flux et le sentiment était globalement dominés par les Etats-Unis. Même cinq années auparavant,  cela était encore très vrai alors que le changement était clairement en train de se produire.

Néanmoins, le mouvement s'est accéléré récemment, du fait de la crise et la Chine semble à présent capable de dominer le sentiment de la même manière que les Etats-Unis. Les opinions préconçues sur l'univers d'investissement sont en train d'être modifiées, en ce que la classe d'actifs des marchés émergents doit devenir un élément core du portefeuille plutôt qu'un élément périphérique servant à apporter simplement du beta plus élevé.
En raison de la rapidité et de l'ampleur de la mutation il n'est pas surprenant que les investisseurs sous investissent dans les marchés émergents, même si ils sont en train de chercher à  rattraper la réalité, un pourcentage plus significatif  de fonds sera alloué aux marchés émergents dans les années à venir.

Propos recueillis par Imen Hazgui


 

- 26 Février 2010 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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